Les services de santé au travail devront se mobiliser face à l'épidémie de covid-19 selon les exigences de l'ordonnance adoptée hier en conseil des ministres. En plus d'assurer le relais des messages de prévention et d'accompagner les entreprises, les médecins du travail pourront signer des arrêts de travail et procéder à des tests de dépistage du coronavirus. Les visites médicales et actions en milieu de travail attendront, sauf pour certains travailleurs et en cas d'urgence. Beaucoup de précisions sont attendues des textes d'application.
L'objectif de cette ordonnance qualifiée d'"offensive" par le ministère du travail dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19, est de "mobiliser les services de santé au travail" en "recentr[ant] temporairement leurs missions". L'ordonnance concernant les services de santé au travail, prise en application de l'article 11 de la loi d'urgence sanitaire, a été adoptée hier, mercredi 1er avril 2020, en conseil des ministres.
En plus de l'adaptation des missions des services et du report de certaines des visites obligatoires de suivi de l'état de santé des travailleurs, le texte anticipe aussi le rôle pour des médecins du travail lors du déconfinement en prévoyant qu'ils puissent procéder à des tests de dépistage du Sars-CoV-2. Beaucoup de points devront être précisés par des décrets et arrêtés. Notons que l'ordonnance est prise sans consultation du Coct, conseil d'orientation sur les conditions de travail.
Le premier article de l'ordonnance explicite 3 trois missions pour les services de santé au travail. Trois missions qui ne sont qu'une déclinaison de leurs missions déjà prévues par le code du travail :
- diffusion, à l'attention des employeurs et salariés, des "messages de prévention contre le risque de contagion" ;
- appui aux entreprises pour définir et mettre en œuvre les "mesures de prévention adéquates" ;
- accompagnement des entreprises qui doivent actuellement "accroître ou adapter leur activité".
Le gouvernement compte ainsi sur les services de santé au travail pour relayer notamment les fiches pratiques sectorielles. Le ministère du travail en a promis une quinzaine, qui doivent couvrir les secteurs d'activité "essentiels" – lesquels secteurs ne sont toujours pas définis par décret. Pour le moment, six fiches ont été publiées : pour les travaux de chauffeur livreur, en caisse, en boulangerie, dans un garage, les secteurs du commerce de détail et de l'agriculture. Une quinzaine devrait être produite au total, d'ici quelques jours.
Un des enjeux pointés par le rapport de la députée Charlotte Lecocq était d'organiser une structure pouvant notamment coordonner, en s'appuyant sur le maillage territorial des services de santé au travail, la diffusion efficace d'informations jusqu'aux entreprises. La crise sanitaire sera-t-elle l'occasion pour les services de montrer leur capacité à assurer une telle mission ?
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La loi n'autorise pas le médecin du travail à signer des arrêts maladie, en temps normal. Mais là, par dérogation, l'ordonnance présentée hier prévoit qu'il puisse prescrire ou renouveler les arrêts de travail liés au covid-19, que cela soit en cas d'infection, de suspicion d'infection, ou parce que le travailleur est considéré comme une personne présentant un risque de développer une forme sévère de la maladie.
Il y a aussi les arrêts maladie dit "de quatorzaine" pour les "cas contact", qui ne sont plus appliqués en période d'épidémie, mais qui pourraient s'avérer à nouveau nécessaires dans quelques semaines. L'ordonnance ne précise pour l'instant pas si le médecin du travail pourra aussi signer ce type d'arrêts maladie.
Le ministère du travail prévoit dès maintenant "d'associer les services de santé au travail à la politique de tests plus massifs dans la perspective d’une sortie de confinement", explique-t-on rue de Grenelle. Ainsi l'ordonnance prévoit-elle que le médecin du travail puisse "procéder à des tests de dépistage du covid-19 selon un protocole défini par arrêté". Les services de santé au travail auront-ils des équipements de protection, de quels types de test s'agira-t-il, quand leur fournira-t-on le matériel nécessaire ? Rien de tout cela n'est pour l'instant précisé.
Qu'il s'agisse des arrêts ou des tests, un décret doit venir préciser ces deux compétences nouvelles pour le médecin du travail.
Toutes les visites médicales qui auraient dû avoir lieu depuis le 12 mars 2020 ou qui doivent avoir lieu dans les jours qui viennent peuvent être reportées. "Sauf lorsque le médecin du travail estime indispensable de maintenir la visite compte tenu notamment de l'état de santé du travailleur ou des caractéristiques de son poste de travail", précise l'ordonnance.
Cela concerne :
- les VIP (visites d'information et de prévention) du travailleur sans risque particulier, ainsi que les visites de son suivi,
- les visites pour les travailleurs en SIR (suivi individuel renforcé), y compris les visites visant à éventuellement enclencher une surveillance post-professionnelle pour les travailleurs en SIR qui partent à la retraite,
- les visites des intérimaires,
- les visites pour les travailleurs relevant du code rural et de la pêche maritime.
Pour les travailleurs en situation de handicap (qui ont un suivi dit "adapté"), les travailleurs de nuit (au suivi "régulier"), et les travailleurs en SIR (suivi individuel renforcé), un décret précisera "les exceptions ou conditions particulières". Ces exceptions pourraient notamment concerner les secteurs dits essentiels, que l'on ne connaît pas encore précisément.
L'ordonnance précise aussi que le report de la visite ne doit pas faire "obstacle, le cas échéant, à l'embauche ou à la reprise du travail".
Dans une circulaire publiée le 18 mars, la DGT demandait aux services de santé au travail de maintenir les visites "pour les salariés exerçant une activité nécessaire à la vie de la nation", et notamment les VIP qui doivent être réalisées dans les trois mois suivant l’embauche ou avant l’embauche pour les travailleurs de nuit, ainsi que les visites de reprise après un arrêt de travail.
Le médecin du travail et secrétaire général du SNPST (syndicat national des professionnels de la santé au travail), Michel Sterdyniak proteste, estimant "qu’aucune sécurisation juridique ne peut justifier la mise en danger des salariés et des professionnels de santé au travail". Que prévoira exactement le décret d'application de l'ordonnance, reprendra-t-il intégralement la position de la DGT il y a plus de 15 jours ? Réponse à la publication.
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En temps normal, c'est ce qu'on appelle le "tiers temps" du médecin du travail : il doit passer (lorsqu'il est employé à temps plein), au moins 150 demi-journées à des "missions en milieu de travail". Dans la période de crise sanitaire que nous connaissons, les service de santé au travail peuvent décider de "reporter ou aménager leurs interventions dans ou auprès de l'entreprise autres que les visites […], notamment les actions en milieu de travail, lorsqu'elles ne sont pas en rapport avec l'épidémie de covid-19". Sauf si le médecin "estime que l'urgence ou la gravité des risques pour la santé des travailleurs justifie une intervention sans délai".
L'ordonnance ne renvoie pas, pour cette disposition, à un texte d'application, sous-entendant donc notamment que les services doivent continuer à faire des visites sur les postes de travail pour toutes les actions qui concerneraient l'épidémie.
Jusqu'à quand ces dispositions s'appliqueront-elles ? Un décret doit le préciser, mais le texte prévoit que cela soit "au plus tard jusqu'au 31 août 2020".
Pour les visites du suivi médical qui seraient reportées après le 31 août, un décret précisera comment elles seront organisées, avec comme date butoir le 31 décembre 2020.
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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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