Tant les débats sur la réforme de la santé au travail que la crise sanitaire sont l’occasion de s’interroger sur la place des infirmiers en santé au travail. Nombre d'entre eux regrettent que le glissement de tâches en cours depuis quelques années ne soit pas assez cadré et ne s’accompagne pas d’une reconnaissance supplémentaire.
Fin 2020. La France fait face à la deuxième vague de covid-19. Les décrets et arrêtés permettant de réorganiser les activités administratives et économiques fusent. Mais parmi eux, l’un bloque et tarde à être publié. Il concerne le fonctionnement des services de santé au travail pendant la crise. Une mesure fait débat au sein du petit monde de la santé au travail, au Conseil d'orientation des conditions de travail (Coct) notamment : la délégation des visites de reprise et pré-reprise aux infirmiers. La mesure sera finalement actée le 22 janvier.
C’est une anecdote, mais elle reflète bien la situation des Idest (infirmiers diplômés d'État en santé au travail) depuis quelques années. Face à la baisse du nombre de médecins, ils sont plus nombreux et de nouvelles tâches leur sont confiées. En face, certains médecins, qui ont le dernier mot et choisissent s’ils délèguent certaines tâches (article R4623-14 du code du travail), sont récalcitrants. Surtout, les principaux concernés ne voient pas tous, toujours, ce glissement de tâches d’un très bon œil. Les visites de reprise et pré-reprise par exemple, Nadine Rauch, présidente du GIT (groupement des infirmiers en santé au travail) était contre : "ils renvoient à des protocoles, rien n’est vraiment défini dans le texte. Si les infirmiers ont les compétences, pas de souci, mais certains n’ont pas l’expérience de tous les risques professionnels, et dans ce cas, je trouve dangereux qu’ils fassent les visites de reprise".
Cette explication, Nadine Rauch la donne pour presque tous les sujets abordés. En résumé : les infirmiers veulent bien faire plus mais faut-il encore que la reconnaissance, rémunération comprise, suive, et que les textes législatifs et réglementaires soient plus précis pour éviter des différences d’interprétation d’un médecin à l’autre. Selon le GIT, la clé du problème réside dans la formation.
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Depuis plusieurs années l’association milite pour que tous les Idest reçoivent une formation universitaire homogène. Aujourd’hui, ils doivent bénéficier d’une formation dans l’année de leur recrutement mais son contenu n’est pas précisé. La proposition de loi sur la santé au travail évoque une "formation spécifique" définie par décret. Nadine Rauch aurait aimé que la loi indique déjà sa qualité. De manière générale, pour elle, cette PPL relève du "mépris” et de la “non-reconnaissance" de la profession.
Quelques semaines avant, l’ANI (accord national interprofessionnel) l’avait "étonnée". Non seulement le texte évoque très peu les infirmiers, mais il prévoit en plus de déléguer certaines de leurs tâches à des médecins généralistes. "C’est absolument incroyable, ils ont fait comme si nous n’existions pas. Pourquoi aller chercher des médecins déjà fort occupés qui n’ont pas l’expérience des entreprises et qui ne connaissent pas les risques professionnels alors que les Idest sont là ?", s’énerve Nadine Rauch.
À écouter les témoignages, et Presanse, l’association qui représente les SSTI, les équipes pluridisciplinaires fonctionnent en général désormais bien. Mais des Idest ont particulièrement du mal à trouver leur place : les infirmiers en entreprise. Ils exercent dans une entreprise qui les salarie, mais restent sous l’autorité du médecin du SSTI dont cette entreprise est adhérente. Or, "il est assez répandu", d’après Loïc Barbier du GIT des Alpes-Maritimes, qu’ils ne soient pas autorisés à faire des visites d’information et de prévention.
“Le service refuse de mettre en place un protocole”, se désole une concernée à l’occasion d’un webinaire organisé par le GIT début mars ; une déclaration aussitôt confortée par plusieurs de ses consœurs. Du côté des services, on invoque l’impératif de confidentialité. Jessica Jacques, directrice de l’Amter, un petit SSTI de la Marne, nous explique par exemple qu’il n’est pas possible de leur ouvrir un accès limité au logiciel du service, car les infirmiers en entreprise risqueraient d’accéder aux données de tous les salariés suivis par le service. Autre souci organisationnel : les médecins du travail ne sont pas sur place pour valider les comptes-rendus des infirmiers, comme ils le font habituellement.
Martial Brun, directeur général de Presanse, évoque aussi un risque juridique modéré : en cas de faute de l’Idest, quelle responsabilité civile faut-il invoquer, celle du service qui emploie le médecin qui a défini le protocole, ou celle de l’entreprise qui emploie l’infirmier ? Des arguments insuffisants, selon Nadine Rauch. 'Ils doivent observer comment on travaille et surtout nous faire confiance”, réclame celle pour qui la formation permettrait justement "aux médecins encore récalcitrants de voir que nous sommes de vrais professionnels".
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"Je ne comprends toujours pas pourquoi l’infirmier en santé au travail n’est pas reconnu comme une spécialité, au même titre que le médecin au travail", estime aussi Nadine Rauch. Aujourd’hui, il n’existe que quatre spécialités pour les infirmiers : anesthésiste, de bloc opératoire, puériculteur et cadre de santé. Le GIT aimerait en créer une cinquième. Depuis plusieurs années, l’association réclamait également la possibilité pour certains Idest de se voir reconnaître le statut d’IPA (infirmier en pratique avancée). La PPL lui ouvre la voie. Mais pour Nadine Rauch, c’est finalement sauter une étape tant que la formation n’est pas homogène pour tous.
Le statut de salarié protégé, que le GIT souhaite pour éviter les pressions d’employeurs, n’a pas été retenu à ce stade des débats parlementaires. La mesure était soutenue par l’ordre national des infirmiers. Cela dit, ce dernier s’est montré, pour sa part, plutôt satisfait de la PPL : "nos propositions pour renforcer le rôle des Idest ont été en grande partie entendues".
Il se félicite notamment de l’accès au dossier médical partagé, de la formation reçue dans les douze mois après l’embauche (qui existe déjà), et que "le statut d'infirmier en santé au travail est enfin consacré par la loi".
HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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