[Européennes – les programmes] Des clivages, mais aussi une approche française des questions environnementales

[Européennes – les programmes] Des clivages, mais aussi une approche française des questions environnementales

23.05.2019

Environnement

En France, trente-quatre listes s’affronteront lors des élections européennes du dimanche 26 mai. Plusieurs questions comme la taxe carbone aux frontières font plutôt consensus. D’autres comme la construction d’un nouveau modèle de développement économique restent des marqueurs politiques forts.

La lutte contre le dérèglement climatique est selon les Français la compétence numéro 1 à confier à l’Union européenne. Du moins si l’on en croit une enquête Viavoice publiée le 8 mai 2019 par nos confrères de Libération. 67 % des sondés estiment que Bruxelles est mieux placé que l’État-nation pour agir – contre 24 % qui pensent le contraire. Le réchauffement de la planète arrive loin par exemple devant la politique économique ou la lutte contre les inégalités sociales considérées comme des problématiques nationales.

Du côté de l’offre politique, l’observatoire des élus du Réseau action climat montre des clivages assez évidents entre ceux qui estiment le message pertinent et ceux qui envisagent les questions environnementales comme secondaires.

L’ONG constate que les conservateurs et la droite populiste se placent souvent en retrait sur ces problématiques. Et que les partis d’extrême gauche comme les écologistes veulent du changement. Entre les deux, la social-démocratie et les libéraux apparaissent divisés selon les textes qui sont votés.

Au sein de chaque famille politique, les élections du 26 mai sont l’occasion de tout remettre à plat. Sur le papier au moins, les candidats des trente-quatre listes présentées ont fait l’effort de s’entendre sur des programmes plus ou moins lisibles.

Lutter contre le dumping environnemental

Avec sa liste Renaissance, le parti de la majorité a placé symboliquement ses propositions environnementales en première place dans son projet. Il entend "faire de l’Europe une puissance verte" en créant une banque du climat, en consacrant 40 % de l’investissement à la transition écologique ou en taxant le carbone des produits importés. Cette idée séduit à droite et à gauche.

Il faut "instaurer une barrière écologique, grâce à la mise en œuvre de droits de douane anti-pollution", estime la liste Les Républicains. Cette taxe carbone aux frontières que Nicolas Sarkozy avait déjà promis d’instaurer avant son élection de 2007 est aussi présentée par exemple par les partisans de Nicolas Dupont-Aignan ou, à l’autre bout de l’échiquier politique, par la France insoumise.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Croissance or not croissance ?

Cet apparent consensus vole en éclat lorsqu’on cherche définir la notion de "puissance verte". D’un côté, les optimistes estiment qu’on a toujours besoin de croissance et que les énergies renouvelables ou l’économie circulaire sont justement des manières de relancer l’activité. De l’autre, on commence à se demander si ce discours répété à l’envi n’a pas montré ses limites.

"Les libéraux ont voulu faire de l’économie la clef de toute chose […] Ils ont eu tort et nous payons durement le prix de leur échec", estime-t-on chez Europe écologie les verts. La liste Décroissance 2019 ne laisse quant à elle guère de doute sur son principal objectif.

Les candidats d’Urgence écologie invitent enfin à dépasser le clivage qui oppose croissants et décroissants en abandonnant le concept de PIB. Ils prônent "une décroissance des flux de matière et d’énergie équitable car choisie, pour éviter une décroissance chaotique et subie".

Des pesticides plus ou moins critiqués

En matières agricole et agroalimentaire, bon nombre de candidats souhaitent d’une manière ou d’une autre remettre le local à l’honneur ; à l’instar du Rassemblement national qui propose une "révolution de la proximité". C'est une des seules –  pour ne pas dire la seule – proposition environnementale de son programme.

Les avis sont plus partagés sur le sort qu’il faut réserver à l’agrochimie. Marine Lepen milite pour "la transmission familiale des droits de propriété du sol et des ressources", car elle estime que "les meilleurs gardiens de la nature sont ceux qui ont reçu leur territoire des générations avant eux". Son ex allié des Patriotes, Florian Philippot défend quant à lui "une agriculture sans pesticide en cinq ans".

Plus modestement, la liste Envie d’Europe (soutenue notamment par le PS) veut utiliser les outils budgétaires et réglementaires pour "tendre collectivement vers un abandon des pesticides de synthèse à l’horizon 2030".

Tropisme national

Passant du registre de l’agriculture à celui de l’alimentation, les "Européens" (représentant l’UDI et ses alliés) souhaitent dès aujourd’hui un règlement "qui interdise l’importation de biens de consommations traités avec l’un des 300 produits phytosanitaires interdits en Europe".

Les partisans du mouvement Génération.s de Benoît Hamon veulent quant à eux bannir les polluants de l’air et les perturbateurs endocriniens. "C’est en Europe que se décident les moyens de protéger notre santé", rappelle leur programme.

Enfin, à part bien sûr chez les candidats qui estiment que l’Union ne doit plus s’immiscer dans les affaires nationales ou qui flirtent avec le climato-scepticisme, la plupart des partis souhaitent une convergence de politiques énergétiques qui permettrait d’avancer vers la neutralité carbone.

En ligne de mire : le charbon allemand ou polonais davantage que le nucléaire hexagonal, une filière que le programme du PCF aimerait même voir "sécurisée et renouvelée"… Dans l’environnement comme ailleurs, la tendance à défendre son modèle national n’est jamais loin.

Olivier Descamps
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