Selon la dernière enquête de l’AFJE et d’Ethicorp, réalisée en 2019, près de 60 % des entreprises admettent ne pas être parfaitement à niveau.
« La loi Sapin II n’est pas une loi de pure prévention. C’est aussi du précontentieux », rappelait William Feugère, avocat et président de la plateforme Ethicorp, alors qu’il présentait jeudi dernier l’enquête « compliance et anticorruption : où en sont vraiment les entreprises en France ? », étude réalisée en partenariat avec l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) sur l’année 2019*. « Chaque dispositif doit être réfléchi et déployé en intégrant le fait qu’il y aura un contrôle et qu’il faut éviter des poursuites, aussi bien contre les dirigeants personnellement que contre l’entreprise ». La comparaison des résultats de l'enquête et de son premier volet - mené juste après la promulgation de la loi Sapin II en 2017 - permet de constater que les programmes de compliance se déploient au sein des entreprises mais ne sont pas encore arrivés à maturité.
« La compliance a progressé de manière générale. Mais il reste d’importants progrès à réaliser », décrit William Feugère. Plus de 86 % des répondants indiquent bénéficier d’un programme de compliance au sein de leur entreprise, selon l’enquête 2019-2020, contre 63 % en 2017. Soit une belle progression sur la période.
La majorité des juristes qualifient pourtant de « moyenne » leur vision de l’implication de la loi sur leur entreprise. Un résultat qui a peu varié en 2 ans.
Et près de 60 % admettent être partiellement à jour de leurs obligations.
Qu’est ce qui pose des difficultés ? Le manque de temps, les problèmes de ressources humaines et financières sont avancés par plus des deux tiers des répondants. De même que la complexité des mesures, selon la moitié d’entre eux. 30 % des juristes évoquent aussi un défaut d’implication des dirigeants sur le sujet de la compliance. Un résultat qui peut encore expliquer les faibles ressources accordées aux équipes pour dessiner leurs programmes de conformité.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Pourquoi ? La compliance ne serait-elle pas vue comme un relais de croissance pour l’entreprise ? Probablement pas assez, selon William Feugère : « Le bénéfice économique de la prévention des risques n’est pas totalement entendu par les instances dirigeantes ». Et plus d’un tiers des répondants précise que l’entreprise n’a pas évalué ou pris en compte ce bénéfice. Le sujet serait encore trop traité sous l’angle des risques : de sanctions, pour l’image de l’entreprise ou de contentieux. L’enquête révèle, par ailleurs, que le coût moyen d’un litige Sapin II est évalué à 285 000 euros.
Concernant les différents volets du programme de conformité à instaurer, ceux nécessitant d’être mis à jour en permanence sont les plus complexes à assurer. Ainsi, la mise en place d’un code de conduite, d’une charte éthique ou encore d’un dispositif d’alerte interne obtiennent de bons résultats. Ils sont plus mitigés sur la réalisation d’une cartographie des risques ou sur l’identification de process permettant d’évaluer les tiers ou de contrôler la comptabilité de l’entreprise.
La cartographie des risques est pourtant scrupuleusement analysée par l’Autorité française anticorruption (AFA) lors de ses contrôles. Les deux premières saisines de la Commission des sanctions de l’AFA ont notamment été motivées du fait d’une cartographie jugée inaboutie par l’Autorité. Or, seule la moitié des répondants indiquent suivre les recommandations de l’AFA sur ce thème. Et 44 % s’inspirent « d’un modèle ». La cartographie, « c’est le socle de la compliance. Ce qui permet de décliner tout le programme. Cela s’appuie sur le fonctionnement réel de l’entreprise. Il est donc dangereux et contreproductif de s’inspirer d’un modèle qui ne sera pas adapté à la réalité de l’entreprise » , commente Me Feugère.
Autre point de vigilance : aucune alerte n’a été remontée sur l’année à l’aide du dispositif de l’entreprise, selon plus d’un quart des répondants. « C’est une anomalie », pour William Feugère qui rappelle que la grande majorité des personnes interrogées appartiennent à des sociétés de plus de 1 000 salariés (à près de 87 %). « En cas de contrôle, le dispositif ne sera pas considéré comme effectif, or c’est cela qui sera pris en compte », prévient-il.
Plus des deux tiers des entreprises indiquent bénéficier d’un système d’alerte développé en interne.
* Étude menée auprès des membres de l’AFJE soit plus de 7 500 juristes d’entreprise
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