Pascal di Martino, cogérant du Bellis à Gujan-Mestras en Gironde, nous explique ce que veut dire être boulanger à l’époque du coronavirus.
"Le Bellis" est le nom de notre boulangerie pâtisserie déposé à l'Inpi en 2011. Nous avons en effet racheté une boulangerie à Gujan-Mestras dont nous avons doublé le chiffre d'affaires en un an et dont l’activité est en progression de 20 % sur les deux premiers mois de l'année 2020. Nous employons sept personnes dont deux apprentis.
Non mais depuis une quinzaine de jours [l'interview a été réalisée le 24 mars] nous avons installé des distributeurs de gel moussant pour favoriser le lavage des mains, un du côté du fournil pour les livreurs et un devant l’entrée pour nos clients. Dans notre secteur d’activité, la boulangerie, nous appliquons des règles d'hygiène drastiques. Elles nous sont habituelles. Néanmoins nous les avons renforcées et notre quotidien s’en trouve modifié.
À situation inédite, organisation inédite. Avec mon associé, Gaëtan Cossoul, nous avons décidé d’imposer à notre personnel de travailler séparément. Une seule personne est tolérée par laboratoire (fournil, laboratoire de pâtisserie, laboratoire de viennoiserie). Les allées et venues dans le vestiaire doivent s’opérer à tour de rôle. Les gants de protection – utilisés habituellement – sont changés plus fréquemment.
Oui les clients sont invités à attendre dehors, à bonne distance les uns des autres, suivant les consignes sanitaires. Nous accueillons au maximum un client à l’intérieur du magasin, ce qui au total fait quatre personnes puisqu’un salarié sert le client, un second prépare les produits et un troisième procède à l’encaissement. Nous privilégions le paiement sans contact et nous demandons aux clients qui paient en espèce de déposer leur monnaie.
Nous n’observons pas de stress mais des inquiétudes. Nous devons réfréner l’insouciance des jeunes et rassurer les plus âgés. Les gens ont besoin de nous.
Oui. La boulangerie est ouverte le matin, fermée l’après-midi. De toute façon vers 10 h nous n’avons plus de pain.
Nous adaptons la production. À l'annonce du confinement, les clients se sont rués dans la boulangerie car ils ont eu tendance à faire des stocks. Nous avons dû limiter l’offre à deux baguettes par personne. Aujourd’hui, l'activité s'est réduite. Il n’y a donc plus de restriction sur les quantités pour les clients. Nous abaissons les volumes mais pas la qualité ni la manière de fabriquer le pain avec des pousses lentes [technique de fermentation qui consiste à stocker les pains façonnés et permet au boulanger de choisir le moment de l’enfournement].
Nous avons dans un premier temps décidé de restreindre l’offre de pâtisseries à nos produits essentiels, des gâteaux qui passent au four à très haute température. Puis finalement, nous projetons d’en produire, probablement uniquement pour le week-end, mais en quantité limitée. Nous naviguons à vue.
Nous sommes livrés normalement en matière première. Nous n’observons aucune rupture. Nous avons même reçu les gants commandés.
Oui les plannings ont été revus. J’ai donné le choix aux salariés pour établir un roulement. Car si la demande devait se réduire dans les prochains jours, nous n’avons pas besoin de mobiliser tout le personnel en permanence. Aujourd’hui, les salariés travaillent bien moins que 35 heures. Nous maintiendrons leur salaire.
Nous prévoyons de fabriquer un pain à conserver durant toute la semaine afin d’éviter des déplacements à nos clients. Nous proposons aux plus âgés, résidents à proximité de la boulangerie, de les livrer.
De la disponibilité, mais je sais que si j’ai une question, j’aurai une réponse, des services dédiés avec des interlocuteurs. Je suis client du cabinet Fidalliance basé à Eysines depuis vingt-cinq ans. Le cabinet nous a informé depuis le début de la crise. Nous sommes depuis peu équipés d’un outil permettant de verser les pièces de notre dossier à distance. Nous n’avons pas besoin de nous déplacer. J’étais assez angoissé avant les annonces du président de la Répubique mais je suis rassuré car la boulangerie peut poursuivre son activité, même partiellement.
Nous venons de racheter dans les Landes une boulangerie en liquidation judiciaire aux enchères. Nous en sommes donc propriétaires mais nous sommes bloqués tant au niveau administratif que pour réaliser les travaux d'aménagements nécessaires avant l'ouverture. Le confinement nous empêche de nous y rendre. Je m’inquiète du paiement du loyer sans réaliser de chiffre d’affaires et du personnel que je pensais conserver. Nous devrons appréhender les situations différemment à l’avenir, nous adapter en permanence et redoubler de motivation. À nous d’adopter une nouvelle manière de gérer et de rester optimistes pour nos clients.