"Autodétermination, compétence et relations sociales favorisent la motivation"

"Autodétermination, compétence et relations sociales favorisent la motivation"

28.05.2020

Gestion d'entreprise

En période de crise comme en temps normal, les cabinets doivent pouvoir s’appuyer sur des salariés motivés. Fabien Fenouillet, professeur de psychologie à l’université Paris Nanterre (*), explique sur quoi repose la motivation.

Quels sont les ressorts psychologiques de la motivation ?

La motivation a plusieurs aspects, au plan individuel. Tout d’abord, la valeur incitative de l’argent reste une réalité. A nuancer selon les individus : 1 000 euros peuvent paraître attractifs pour quelqu’un et insuffisants pour quelqu’un d’autre, en fonction du niveau de richesse de chacun, de ses besoins et de l’utilisation qui est faite de l’argent. L’argent a donc une valeur relative, que l’on soit en poste en tant que salarié, ou en phase de recrutement. Lors d’une embauche, l’employeur demande les prétentions du candidat, lequel énonce une valeur qui repose notamment sur son estime de soi. Ce n’est pas parce que l’on réclame une rémunération élevée que l’on est extrêmement motivé pour un poste. Dans le cas de figure des salariés déjà en poste, se pose la question de l’argent en tant que rémunération fixe ou bien variable, par le biais de primes. Or, si l’on veut avoir une motivation constante des salariés, il faut augmenter le salaire fixe plutôt que le variable.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Mais l’argent n’est pas l’unique ressort ?

Effectivement. Avant les années 70, on considérait que la motivation était uniquement une question de récompense, donc de niveau de salaire. A partir de cette décennie, le chercheur Edward Deci a montré que le comportement d’un individu pouvait être complètement différent, en fonction de son niveau d’autodétermination. Cette théorie de l’autodétermination distingue deux formes de motivation : intrinsèque, qui est la pratique d’une activité de façon spontanée, pour l’intérêt qu’elle présente en elle-même. Par exemple, vouloir apprendre à se servir d’un logiciel parce que cela nous intéresse. Ou encore, venir en aide à une personne. Et d’autre part, il y a la motivation extrinsèque, liée à une récompense, et que l’on qualifie aussi de contrôlante. On pensait jusqu’aux années 70 que les deux formes de motivation étaient liées, et que plus on récompensait quelqu’un, plus il allait être motivé et qu’au bout d’un moment on ne serait plus obligé de le récompenser, que les choses «marcheraient toutes seules».

La récompense va détruire la motivation autodéterminée

Edward Deci a montré que le contraire se passait : plus vous récompensez quelqu’un et moins vous pourrez vous passer de la récompense par la suite. La récompense va détruire la motivation autodéterminée (ou spontanée) et ne va pas lui permettre de s’installer. Car l’individu va attribuer de moins en moins d’intérêt au comportement, au fur et à mesure que vous le récompenserez.

Sur quoi les managers doivent-ils donc agir ?

Il y a trois besoins psychologiques fondamentaux : le besoin d’autodétermination, le besoin de compétence, et le besoin de relations sociales. Favoriser ces trois besoins augmente en outre le bien-être, ce qui a été démontré à partir des années 90. Prenons le premier besoin, l’autodétermination : il s’agit ici de renforcer l’autonomie des collaborateurs, de leur donner la possibilité de faire leurs propres choix. Les salariés ont ainsi le sentiment d’être à la source de leurs propres comportements. Le deuxième besoin, celui de la compétence, relève de la compétence que chacun perçoit de lui-même. Par exemple, avoir été capable d’atteindre voire de dépasser un objectif, avoir réalisé un travail au-delà des attentes. Cela renforce le sentiment de compétence, mais il faut bien sûr que les objectifs soient atteignables et mesurables. Enfin, le troisième besoin est celui des relations sociales : tout ce qui va faire que les gens sont contents de travailler ensemble. Il s’agit pour le manager de créer des conditions de travail agréables, qui favorisent les liens, sans pour autant qu’il y ait d’injonction. Sans que la pression du groupe soit contraignante et contrôlante. Les séminaires au vert, le team building et des espaces de travail qui donnent de la place à la détente sont ainsi de bonnes solutions pour développer la motivation.

(*) Coordinateur, avec Philippe Carré, de l’ouvrage collectif "Traité de psychologie de la motivation" (Dunod, 2019)

Propos recueillis par Olga Stancevic
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