Retrouvez chaque semaine notre interview sur un sujet d’actualité. Laurence Goleret-Ruiz, expert-comptable, a créé son cabinet Orbiss aux Etats-Unis et explique les facteurs de réussite des entreprises françaises sur place (*).
Je suis expert-comptable, expatriée aux Etats-Unis depuis 2014. Avec deux confrères français qui ont en outre un diplôme américain de CPA (Certified Public Accountant), nous avons ouvert Orbiss en septembre dernier, dans le but d’accompagner les sociétés françaises qui souhaitent s’implanter sur le sol américain. Nous avons constaté un besoin, et notre avantage est de réunir prestations comptables, sociales et fiscales sous le même toit. Nous capitalisons donc sur notre double culture pour faciliter le quotidien des clients.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
En comptabilité, nous sommes mandatés essentiellement par les maisons-mères en France, qui demandent que leurs filiales envoient des comptes consolidés au format français. Nous nous appuyons sur les systèmes comptables existants, pour que la filiale américaine soit juste un «plug» pour la maison-mère. Nous avons automatisé tous les process, nous ne faisons quasiment plus de saisie manuelle, tout est dématérialisé, aussi bien au niveau des banques que des factures ou des notes de frais. Nous avons aussi des dossiers où les maison-mères sont aux USA et les filiales en France, et dans ce cas, mes deux associés qui sont CPA mettent à profit leur maîtrise des référentiels US GAAP [generally accepted accounting principles ; normes comptables en usage aux Etats-Unis].
D’autre part, nous conseillons les entreprises au plan pratique, sur la forme juridique de la société à monter, le recrutement et la gestion des RH. Aux Etats-Unis, la couverture maladie est gérée entièrement par l’employeur, avec des niveaux de garantie et une offre sur le marché qui est à étudier de près. Car une bonne assurance santé est un avantage indéniable pour attirer les candidats. Elle fait partie des «benefits», tout comme l’assurance accidents du travail et les congés. Car les jours fériés ne sont pas chômés : l’employeur décide donc quels jours il accorde à ses salariés et c’est un choix important. Bien entendu, nous gérons la paie pour nos clients. Et notre troisième compétence concerne la fiscalité et les taxes, un domaine réservé aux CPA, profession réglementée aux USA.
Les Etats-Unis font toujours rêver les entrepreneurs français. Mais on ne s’implante pas n’importe comment sur ce territoire très vaste, où les 50 Etats peuvent être très différents les uns des autres au plan économique, et au plan des habitudes de consommation. Le premier conseil que nous donnons est de se départir de ses certitudes, de se montrer humbles : ce n’est pas parce qu’un produit ou service marche bien en France qu’il va avoir du succès aux USA. Souvent, il faudra l’adapter au marché, adapter son marketing, et pour cela, il est indispensable d’avoir bien ficelé son étude d’implantation préalable, de savoir qui sont les clients et comment on les cible. C’est évidemment plus facile pour une start-up dans les nouvelles technologies, qui a levé plusieurs millions, voire dizaines de millions d’euros auprès d’un fonds et qui a les moyens de bâtir une stratégie avec un prévisionnel et un bon budget. C’est plus compliqué pour les entreprises des secteurs traditionnels, par exemple l’alimentaire, qui cherchent à s’implanter avec juste un emprunt bancaire. Autre point de vigilance : nous constatons que les visas de travail sont plus longs à obtenir et leur durée a été réduite, ils passent de 5 ans à 25 mois. Ce qui complique l’envoi d’expatriés.
Le temps de la réussite est assez long aux USA, on sait qu’il faut entre 18 et 24 mois pour signer son premier contrat. Il faut donc avoir de quoi vivre et faire vivre son entreprise pendant les 18 premiers mois, donc un compte en banque garni. D’autant que le coût de la vie est élevé dans les grandes villes comme New York, où un quatre pièces se loue de 5000 à 7000 dollars mensuels. Par ailleurs, les américains fonctionnent beaucoup par références et surtout pour une entreprise étrangère, n’hésitent pas à appeler un autre client pour avoir un retour sur votre manière de travailler. Une fois que l’on a eu ses premiers clients, ça rend le business plus facile. Enfin, si l’on veut s’implanter, il est indispensable de se rapprocher des réseaux français, très actifs aux Etats-Unis.
(*) cette interview a été réalisée le 4 mars, avant la flambée de la crise sanitaire aux USA.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.