"Bien utilisés, les algorithmes RH peuvent constituer de formidables outils d’aide à la décision"

"Bien utilisés, les algorithmes RH peuvent constituer de formidables outils d’aide à la décision"

13.05.2019

Gestion du personnel

Recrutement, gestion de carrière, formation, climat social... Pour Yves Grandmontagne, président du Lab RH, une association qui réunit près de 250 start-up, l'innovation RH a le vent en poupe. Plusieurs projets intégrant l'intelligence artificielle sont prometteurs. Reste que les algorithmes ne sont que des outils : c'est au RH de prendre, in fine, la décision !

Où en est le Lab RH, créé en 2015 ? Combien de structures adhèrent à votre association ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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L’association gère un éco-système qui regroupe environ 400 adhérents acteurs de l'innovation RH, dont 250 start-up dédiées au recrutement, à la formation, à la mobilité, la communication, la gestion des carrières ou encore des talents ainsi que de nombreuses sociétés, PME, ETI et grandes entreprises du SBF 120. Nous travaillons avec des partenaires, à l’instar de Talensoft, de l’IGS, du groupe Up, d’HelloWork (ex Régionsjob) et de Page group. Concernant les start-up, nous avons décidé d’affiner notre segmentation en les classant par degré de maturité : ainsi environ 60 % sont actuellement dans une phase d’amorçage, c’est-à-dire en plein lancement ; 30 % sont au stade de décollage (elles ont déjà levé des fonds et ont des clients). Enfin, 10 % sont des "scale-up" (de l’anglais "élargir") en pleine croissance : ces "post start-up" comptent entre 20 et 250 salariés, affichent un chiffre d’affaires de plus d’un million d’euros, disposent d’un fichier important  de clients et ont déjà réalisé plusieurs levées de fonds.

Qui sont les dirigeants de ces jeunes pousses ?

Le profil est très variable. Certes, beaucoup sont très diplômés, issus d’écoles d’ingénieurs ou d’écoles de commerce. Mais on compte également des autodidactes ou des entrepreneurs en reconversion, dotés de 15 à 20 ans d’expérience, décidant de mettre leurs savoir-faire au service des jeunes pousses. Très peu viennent du monde des RH ; la plupart ont fait leurs armes dans le business ou les fonctions opérationnelles.

Quelles sont les caractéristiques du marché RH ?

 De nombreuses structures disparaissent après quelques mois d’existence, d’autres fusionnent, sont rachetées, changent de nom voire de projet

Comme dans tout autre secteur d'activité, le marché des start-up y est très actif mais aussi très mouvant, surtout les premières années : de nombreuses structures disparaissent après quelques mois d’existence, d’autres fusionnent, sont rachetées, changent de nom voire de projet. Plusieurs domaines sont porteurs : le recrutement, par exemple, avec Assesfirst, Riminder, Whoz... Ces start-up  proposent des solutions dédiées à l’identification des candidats, la gestion des compétences, l’analyse des CV, les approches de matching pour mettre en adéquation profil et poste à pourvoir, ou encore la cooptation (Keycoopt) ou l’intégration des candidats (Talmundo). La formation pèse également avec de gros acteurs tels qu’Openclassrooms, Unow, Teach on Mars, Beedeez. De même, les projets dédiés la gestion de carrière des candidats, la mobilité interne et la gestion des plannings sont bien représentés.

Soulignons également parmi les tendances, les start-up spécialisées dans l’élaboration de baromètres de climat social ou de QVT (comme Bloomin, Supermood, ZestMeUp...), ou encore celles qui favorisent l’engagement social, à l’instar de Microdon (don sur salaire) ou de Vendredi (pour permettre aux collaborateurs de consacrer une partie de leur temps à une cause humanitaire). 

Quels sont les freins des DRH ?

Les équipes RH doivent aujourd'hui aborder différemment l'innovation 

Les premiers sont technologiques. Toutes les offres RH ne peuvent s’intégrer au SIRH de l’entreprise et la question de la mise en cohérence des outils est essentielle.

Autre point : les équipes RH doivent aujourd'hui aborder différemment l'innovation RH. Jusqu’ici, l’innovation consistait surtout à réactualiser des outils, améliorer les fonctionnalités d’un outil à partir d’un schéma préexistant, "normé" par le SIRH. D'où la nécessité de remettre en question leurs pratiques.

Par ailleurs, les freins peuvent être culturels. Les résistances au changement sont fortes. D’autant que tous les DRH ne maîtrisent pas la culture digitale récupérée par les DSI. Enfin, les obstacles sont souvent financiers. Même si, sur ce sujet, les choses bougent peu à peu. Du fait d'une meilleure prise de conscience des enjeux, une partie croissante des enveloppes budgétaires peut être fléchée sur l’innovation.

Quelles sont, pour vous, les innovations les plus marquantes ?

Dans le domaine RH, les principales innovations portent sur des projets intégrant l’intelligence artificielle. Les solutions développées, notamment le calcul des taux de compatibilité offre/postulant et l’évaluation des candidatures par ordre de pertinence pour le recruteur, à partir de données recueillies sur le CV, le poste précédemment occupé, les missions menées et les appétences des candidats ou collaborateurs sont particulièrement prometteuses. De même, l’émergence des chatbots, ou agents conversationnels, est intéressante. Pour les équipes RH souvent peu disponibles, ce type d’outil peut permettre, par exemple, d'engager un premier échange entre salarié et équipes RH sur des sujets administratifs. Notons également le développement de plateformes qui permettent d’offrir toutes une gamme de services aux collaborateurs : accès à la formation, services liés à la garde d’enfants, à la conciergerie d’entreprise…

Les algorithmes vont-ils remplacer les RH ? Faut-il s’en méfier ?

L’intelligence artificielle n’a d’intelligence que celle qu’on veut bien lui donner 

Un outil reste un outil. L’intelligence artificielle n’a d’intelligence que celle qu’on veut bien lui donner. Certes, des risques existent, en cas de mauvais paramétrages des algorithmes ou si les données sont exploitées en dehors de toute éthique. Mais bien utilisés, ils peuvent constituer de formidables outils d’aide à la décision. Pour le recrutement, par exemple, ce type d’outils permet d’accélérer et même de gérer à grande échelle le tri de CV; tâche que l’on faisait jusqu’ici de manière artisanale. De même, ils permettent d’ouvrir les viviers de recrutement en évitant les biais conscients ou inconscients des recruteurs. Autrement dit, de favoriser un recrutement impartial ou la détection de profils adjacents au profil idéal. Des solutions qui permettent ainsi d'anticiper les métiers pénuriques. Sur ce sujet RH comme sur d'autre, le RH doit reprendre la main, sur l’évaluation les entretiens comme les tests de recrutement. C’est à lui et non à l’outil de prendre la décision finale !

 

 Yves Grandmontagne était DRH de Microsoft, de 2010 à 2015. Il avait précédemment exercé ces mêmes fonctions dans l’industrie pharmaceutique (Pfizer) après avoir eu des responsabilités de direction opérationnelle de business units dans le secteur de la santé.

Anne Bariet
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