"Ce rapport n’envoie pas un signal fort sur l’emploi des seniors"

"Ce rapport n’envoie pas un signal fort sur l’emploi des seniors"

16.01.2020

Gestion du personnel

Yannick L’Horty, professeur à l'université Gustave Eiffel et directeur de la fédération Théorie et évaluation des politiques publiques du CNRS, revient sur le rapport Bellon-Mériaux-Soussan, publié mardi. Selon cet expert, d'autres pistes existent : renforcement de l'arsenal juridique en cas de discrimination avérée, modulation des cotisations sociales mais aussi recours au "nudge" pour changer en douceur les mentalités.

Quelles sont, selon vous, les mesures les plus pertinentes de ce rapport?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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 Depuis les années 70, on a multiplié les mesures signalant que les seniors n’avaient plus leur place sur le marché du travail

Le diagnostic dressé par les auteurs est, tout d’abord, très juste : le sous-emploi des seniors est une spécificité française. Certes, la situation s’est améliorée : le taux d’emploi des 55-59 ans a fortement augmenté (72,1%) mais celui des 60-64 ans reste l’un des plus faibles de l’Union européenne : 31,0% en 2018, contre 44,4% pour l’ensemble de l’UE. En clair, plus on est proche de l’âge de la retraite et plus la surexposition au chômage est forte. Le principal frein reste, en effet, lié aux représentations culturelles. Depuis les années 70 et la montée des préretraites, on a multiplié les mesures signalant que les seniors n’avaient plus leur place sur le marché du travail : les entreprises ont réduit leur investissement en formation, estimant que la durée d’emploi des salariés expérimentés serait insuffisante pour mettre à profit le renforcement de leurs compétences. Dans un même temps, on a négligé la question de leur reconversion professionnelle. Ces préjugés nourris par les politiques publiques ont contribué à écarter cette classe d’âge du marché du travail.

Les auteurs insistent sur la nécessité d’opérer une "véritable révolution culturelle" pour lutter contre les stéréotypes qui collent aux seniors. Mais beaucoup de mesures portent sur des aménagements du temps de travail, des départs progressifs de l’entreprise…

Ce rapport met plutôt l’accent sur la transition de l'emploi vers l'inactivité 

Il y a, en effet, un contraste entre l’appel systémique à la révolution culturelle et les mesures très techniques, pointues qui figurent dans ce rapport. Plusieurs vont dans le bon sens, à l’instar de la négociation sur la pénibilité, de l’investissement formation… Mais ce rapport n’envoie pas un signal fort sur l’emploi des seniors. Il ne favorise pas précisément la transition du chômage vers l'emploi, il met plutôt l’accent sur la transition de l'emploi vers l'inactivité. Et accrédite la thèse que les seniors ont une productivité plus faible et qu’il faut compenser. Or, ce sont justement ces préjugés qu’il faut combattre.

Quels sont les points absents ?

J’ai un cheval de bataille, la discrimination vis-à-vis de l’âge. Il serait nécessaire d’évaluer les discriminations auxquelles sont confrontées les seniors. A ce titre, il me paraît pertinent d’effectuer un large testing, en croisant plusieurs critères, l’âge, le sexe mais aussi l’origine, ce qui n’a jamais été fait. Si de tels faits sont avérés, l’arsenal juridique doit être renforcé. Avec à la clef, des sanctions monétaires mais aussi pénales. Ces mesures contribueraient davantage à une véritable révolution culturelle, en mobilisant le droit à l’encontre des discriminations.

Par ailleurs, je suis favorable à une expérimentation sur la modulation des cotisations sociales en fonction de l’âge, notamment pour les personnes les plus exposées à la pénibilité. Concrètement, les cotisations d’assurance-chômage d’une entreprise employant un tel travailleur seraient allégées et à l’inverse, le coût d’une rupture de contrat d’un salarié âgé de plus de 55 ans, exerçant un emploi pénible, serait alourdi par une contribution supplémentaire.

Mais comment concrètement combattre les préjugés ?

Pour lutter contre la défiance vis-à-vis des seniors, il faut avant tout accompagner les recruteurs dans leur décision d’embauche, afin qu’ils valorisent leur expertise et leur maturité. Il faut également les convaincre de l’intérêt de constituer des équipes diversifiées. Pour ce faire, je ne crois pas aux grandes campagnes de communication. Mais plutôt à l’évaluation de pratiques réussies, à la valorisation des acquis de l’expérience – les salariés les plus âgés ne sont pas les plus diplômés, un critère important en France. Mais aussi aux questionnements individuels sur les comportements. Pourquoi ne pas inciter les recruteurs à recourir au "nudge" ou "coup de pouce" en français; une méthode qui consiste à changer en douceur les mentalités et à orienter l'action, en évitant les "biais inconscients" et souvent discriminants. Ce type de méthode peut avoir des résultats pertinents.

Qu’attendez-vous de la concertation seniors ?

 Il faut appréhender le véritable retour ou le maintien dans l’emploi des seniors

Le sujet est loin d’être une question nouvelle pour les partenaires sociaux. Fallait-il une énième concertation sur ce sujet ? Le diagnostic de situation est partagé par toutes les organisations, patronales et syndicales. De multiples rapports sont parus. Cette concertation ne pourra être pertinente qu’à la condition de changer de braquet, c’est-à-dire d’appréhender cette question sous un nouvel angle : celle du véritable retour ou du maintien dans l’emploi des seniors. Les partenaires sociaux se trompent de combat en focalisant les débats sur les différentes manières de favoriser leur retrait du marché du travail. Il faut en amont prendre en compte cette incohérence pour sortir de cette situation.

Anne Bariet
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