Alors que le gouvernement s'apprête à lancer une nouvelle réforme de la formation dès cet automne, France Stratégie, dans un rapport que nous publions en avant-première, insiste sur le rôle des entreprises dans la gestion des emplois non pourvus. C'est à cette condition que les plans massifs de formation produiront les effets escomptés, explique Morad Ben Mezian, le rapporteur.
La question a resurgi à l'occasion de l'annonce de coupes claires par le gouvernement dans la programmation des contrats aidés au second semestre. Peu efficaces, il faudrait plutôt miser sur la formation professionnelle pour endiguer le chômage. C'est la position du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, réaffirmée sur Twitter le 21 août dernier : "Les emplois aidés sont des emplois précaires, à temps partiel, n'offrant que peu de perspectives: si on investissait plutôt dans la formation ?". Et c'est bien ce que s'apprête à faire le gouvernement dans le cadre de la prochaine réforme de la formation professionnelle qui devrait être lancée à l'automne. Un nouveau plan massif d'investissement dans la formation pour un million de jeunes et de demandeurs d'emploi devrait être mis sur pied.
Le rapport de France Stratégie (*) - que nous publions en avant-première - jette un pavé dans la mare. Le lien entre formation et emploi ne serait pas si ténu que cela et, surtout, souvent peu efficace pour les publics prioritairement visés par ces plans de formation. La réponse à la question des emplois non pourvus résiderait davantage du côté des entreprises et de la GPEC, condition sine qua non pour que les actions de formation des pouvoirs publics produisent des effets à hauteur de leurs ambitions.
Pourtant, ces dernières années, les pouvoirs publics ont avant tout misé sur la formation des demandeurs d'emploi (dont le dernier plan de formation de 500 000 demandeurs d'emploi). Ces efforts de formation produisent peu d'effets sur les personnes qui ont quitté leur emploi depuis longtemps ou pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, note France Stratégie.
"Ce volontarisme politique s'est traduit par une augmentation du nombre de demandeurs d'emploi en formation. Ce mouvement s'est accompagné d'un transfert aux acteurs institutionnels (Etat, régions, partenaires sociaux etc.), de la responsabilisation de l'identification des besoins de compétences, et aux individus de leur employabilité (via le CPF notamment)", précise la note de France Stratégie.
"En lançant de tels plans de formations massifs, le risque est de déresponsabiliser les entreprises alors qu'elles doivent prendre en main leurs besoins de formation", explique Morad Ben Mezian, rapporteur du document de travail.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Un constat "qui entrouve la porte à une autre interprétation des difficultés de recrutement, fondées non plus sur les défauts de compétence des actifs mais sur la qualité de la gestion de la main-d'oeuvre pratiquée par les entreprises", souligne le document.
En abordant la question sous cet angle, la question des emplois non pourvus se présente alors différemment : "elles pourraient refléter non pas une inadéquation entre compétences détenues et compétences attendues mais aussi les propres difficultés des employeurs à identifier la capacité des candidats. En améliorant en amont la gestion des ressources humaines, il deviendrait dès lors possible d'améliorer in fine l'impact de la formation sur l'emploi".
Il n'est pas question de sous-estimer les difficultés de recrutement des entreprises qui sont bien "réelles", insiste Morad Ben Mezian, "mais cela ne veut pas forcément dire pénuries de compétences". Certaines entreprises ont beaucoup de difficulté à se projeter dans leur activité économique même. Or, il est de la responsabilité de l'entreprise de bien définir ses besoins afin d'aider les pouvoirs publics à bien ajuster leur plan de formation".
En somme, résume Morad Ben Mezian, "il faut trouver des réponses sur-mesure pour chaque entreprise ; il ne s'agit pas de trouver un outil qui convienne à toutes, mais plutôt accompagner l'ensemble des acteurs (monde de l'entreprise et pouvoirs publics) à s'inscrire dans une démarche vertueuse".
Le rôle des branches, dont il est beaucoup question en ce moment dans le cadre des ordonnances, est loin d'être négligeable dans ce travail de connaissance des besoins. Cela "suppose que le monde de l'entreprise travaille sur l'identification de ses besoins en compétences. Certaines branches et certains territoires ont déjà commencé ce travail en mettant en place des outils d'accompagnement des entreprises : accompagnement de proximité réalisé par les branches professionnelles ou les Opca, plateforme RH financée par l'Etat, etc.", explique France Stratégie.
"Les branches ont effectivement un rôle fort à jouer, surtout si on veut s'inspirer du modèle allemand de la formation", insiste Morad Ben Mezian. La plupart des branches ont en effet aujourd'hui un observatoire prospectif des métiers pouvant jouer ce rôle d'identification prospective des besoins. Mais il faudrait qu'elles assument un rôle renforcé et une participation plus active dans la construction et le pilotage des formations. Et que les normes que les branches édictent soient bien diffusées au niveau des entreprises. Selon les branches, l'information descendante se fait plus ou moins bien, constate ainsi Morad Ben Mezian.
(*) "Renforcer la capacité des entreprises à recruter". Rapport du groupe de travail n° 4 du Réseau Emplois Compétences, août 2017.
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