Retrouvez chaque semaine notre interview sur un sujet d'actualité. Trésorerie et activité partielle sont deux sujets majeurs qui intéressent les entreprises dans la crise actuelle. Bruno Geeraert, président du réseau de cabinets comptables Exco France, livre son point de vue (*).
Aujourd’hui, dans les entreprises il y a deux problématiques phares qui apparaissent. La première se situe autour de la question de savoir si on va avoir droit au chômage partiel et, si oui, à quelle hauteur. La seconde consiste à savoir si nos clients vont nous payer et si tel n’est pas le cas comment on fait pour s’en sortir financièrement. Pour l’instant la trésorerie des entreprises va encore. Mais si les clients ne paient pas eux-mêmes leurs propres fournisseurs, etc., là le système peut se gripper et devenir un peu délicat. C’est pour ça que le système de financement qui a été mis en place est plutôt intéressant. Nous sommes en train d’accompagner nos clients sur cette thématique-là.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Il y a différents profils de clients et vous avez soulevé plusieurs questions. S’agissant des clients, il y a ceux qui ont été obligés de fermer du jour en lendemain en raison d’une «ordonnance» ou d’un «décret». Et nous, nos prélèvements passent le 24 du mois. On a eu déjà des rejets de prélèvement qui ont été faits automatiquement. C’est-à-dire que dès que le prélèvement s’est présenté, l’opération a été immédiatement annulée. Le client avait donné instruction à sa banque de rejeter tout paiement qui se présentait. Heureusement, pour mon cabinet, on a statistiquement peu de clients qui ont été touchés par l'obligation de fermeture immédiate. Donc pour l’instant on n’a pas eu tant de rejets de prélèvements que ça.

Par contre, pour ceux qui ont beaucoup de clients dans la restauration par exemple, là ça peut être problématique. Tout le système tient parce que chacun se paie les uns les autres. Grosso modo, on dit que l’enveloppe des financements mis en place par les banques représente à peu près 20 % et le financement réalisé entre les sociétés commerciales représente 80 %. Si le financement entre sociétés commerciales se grippe, cela peut être extrêmement compliqué. Donc à court terme, certains clients sont malheureusement déjà concernés et ne peuvent pas payer. C’est le cas de ceux qui ont obligatoirement dû fermer. Il peut aussi y avoir certains qui utilisent un peu le système. Ils ne paient pas alors qu’ils ont la trésorerie. De notre côté, ce n’est pas ce que l’on entend. Nos clients nous disent «on a besoin de vous, on vous paie».
Oui. Peut-être sommes-nous des privilégiés parce que nos clients ont besoin de nous en ce moment. La plupart des clients n’a pas la capacité pour monter tous les dossiers qu’ils soient juridiques, administratifs ou financiers. Donc pour l’instant on est plutôt confiants sur nos portefeuilles de clientèle. Mais pour mon cabinet, j’ai demandé un financement car je prévois qu’on aurait une réduction dans la durée de 50 % des encaissements. Gérer c’est prévoir. Et là il faut prévoir le pire.
C’est le dernier sujet sur lequel on attend des ordonnances suffisamment détaillées. Certaines sont passées en disant qu’on a tant de jours pour faire la formalité, qu’on peut demander le chômage partiel pour 12 mois et non plus pour 6, etc. Ce genre de choses est arrivé. Par contre effectivement, il manque un petit peu de clarification autour de qui y a droit et qui n’y a pas droit. Il y a des organigrammes de décision qui ont été diffusés qui sont bien faits en termes de raisonnement intellectuel. On verra dans les jours qui viennent quelle en sera l’application. Quand on doit ouvrir un dossier de chômage partiel, l’entreprise ou le cabinet doit d'abord en faire la demande. Ensuite, il faut faire officiellement la demande de chômage partiel. Et là, l’Etat, à travers la Direccte, a désormais 48 heures, mais avant c’était 15 jours, pour donner sa position d’accord ou de refus [le nouveau délai de 2 jours est entré en vigueur le jour même de cette interview] .

Les difficultés vont se poser quand l’employeur estime qu’il ne pouvait pas assurer la sécurité de ses salariés. En tant qu’employeur, nous avons une responsabilité civile et pénale si on fait prendre des risques inconsidérés à nos salariés, etc. On ne peut pas dire qu’en temps de crise un chef d’entreprise va demander à ses salariés d’aller tous travailler parce qu’il n’a pas le chômage partiel alors qu’il n’a ni de masques ni de gants et que les gestes barrière et la distance de sécurité ne sont pas respectés ! Ca j’y crois peu. Mais potentiellement il y aura des situations conflictuelles lorsque le chômage partiel aura été refusé alors que l’employeur ne pouvait pas permettre à ses salariés d’exercer correctement. Ce sujet se manifeste aussi pour nos cabinets. Dans le mien, j’ai mis toutes les équipes en télétravail. La médecine du travail nous a dit que c’est la meilleure décision possible. Parfait. Mais certains salariés ne peuvent pas exercer de chez eux. C’est le cas des secrétaires par exemple. Elles n’ont plus de clients à accueillir et plus de courrier à rédiger. Je ne sais pas si ce service aura droit au chômage partiel car les textes ne sont pas suffisamment clairs.
(*) cette interview a été réalisée le 26 mars. Depuis, plusieurs textes ont été publiés et la situation économique et financière est susceptible d'être perçue différemment
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