"Ignorer les difficultés de repositionnement des cadres, c’est méconnaître le marché du travail"

"Ignorer les difficultés de repositionnement des cadres, c’est méconnaître le marché du travail"

13.11.2019

Gestion du personnel

Karine Lair, directrice générale adjointe du cabinet Oasys, met en garde contre la dualité du marché du travail des cadres. Tous les salariés de cette catégorie ne sont pas concernés par l’embellie. D’où des difficultés de rebond notamment pour les seniors. Voici pourquoi.

La réforme de l’assurance chômage, et notamment l'instauration d'une dégressivité des allocations pour les cadres, âgés de moins de 57 ans, va avoir un impact sur leur réinsertion professionnelle. Quelle est votre analyse ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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La dégressivité avait été abandonnée en 2002 faute de résultants tangibles et les partenaires sociaux avaient refusé lors de leurs dernières négociations sur l’assurance chômage de revenir sur le dispositif. Mais le gouvernement qui a repris la main sur le dossier a décidé de frapper fort. Or, qui va être touché par ce couperet ? Ce ne sont ni les cadres dirigeants, ni les dirigeants eux-mêmes qui vont êtes conseillés pour négocier leurs départs mais bien les cadres médians, les seniors et les autodidactes. Précisons que 12 % des cadres franciliens n’ont pas le bac, selon une étude de l’Insee de septembre dernier. Autrement dit, ce sont les cadres qui ont réussi à se hisser à ce niveau par la force du poignet, qui ont réussi à monter les échelons ; ils sont issus de la méritocratie. Ce sont eux qui vont être les plus exposés au chômage et notamment au chômage de longue durée.

Les perspectives de recrutement sont pourtant très favorables pour cette catégorie de salariés?

 D’autres secteurs sont en pleine transformation, en raison de la digitalisation ou encore de l’évolution des modes de consommation

Oui mais le dynamisme de l’emploi cadre masque d’énormes disparités. Certes, les employeurs ont besoin d’informaticiens, de développeurs, de commerciaux, de conseils aux entreprises. Mais d’autres secteurs sont en pleine transformation, en raison de la digitalisation ou encore de l’évolution des modes de consommation. C’est le cas, par exemple, du retail, de la grande distribution, de la banque, ou encore de l’industrie pharmaceutique et de beaucoup de fonctions dites supports (finance, RH, communication...). Ici, les métiers disparaissent ou évoluent ; et les cadres exerçant dans ces professions doivent aujourd’hui se repositionner professionnellement. Mais les obstacles sont nombreux notamment en raison de ce chômage résiduel (3,5 %). Par conséquent, ces cadres sont en difficulté, notamment les femmes plus nombreuses à travailler dans ces secteurs et les seniors. Ignorer ces difficultés, c’est méconnaître le marché du travail des cadres.

Quelles sont ses caractéristiques justement ?

J’ai une cliente qui a passé neuf entretiens avant d’être recrutée comme cadre supérieure 

Le retour à un emploi est long. Pour un cadre, il faut compter en moyenne 4,5 mois entre un premier entretien en cabinet de recrutement et la signature d’un contrat. De fait, les procédures de recrutement se sont allongées. Les entreprises se sont dotées d’organisations matricielles. Aussi le nombre d’interlocuteurs s’est multiplié pour avaliser l’embauche d’un cadre : RH, patron fonctionnel, opérationnel, directeur de la business unit situé parfois à l’étranger…. Au point d’arriver à des aberrations : j’ai une cliente qui a passé neuf entretiens avant d’être recrutée comme cadre supérieure. D’où des situations stressantes.

D’autant qu’une fois dehors, les cadres sont fragilisés. Ils ont 15 ans de maison, ils se sont donnés et n’ont pas tous fait le deuil de leur activité. Difficile dans ces conditions de rebondir. La première étape est de reprendre du poil de la bête avant de repartir. Pas sûr que la nouvelle dégressivité puisse permettre ce travail de reconstruction.

Quelles sont les portes de sortie ?

Les PME font moins la fine bouche sur les seniors. C’est une opportunité pour de nombreux cadres issus des grandes entreprises qui ont envie de proximité, de polyvalence. La création d’entreprise et le conseil sont également des pistes très souvent envisagées. On observe également depuis une dizaine d’années, un développement continu des missions de management de transition, en particulier pour la finance, les RH, l’industrie et les directions générales.

Quels sont les obstacles à la réinsertion professionnelle des cadres ?

Il y a une vraie différence entre les règles de l’assurance chômage et la réalité du marché du travail 

Sans surprise, l’âge reste un critère discriminant. Les stéréotypes demeurent bien ancrés. On les juge difficiles à manager, moins adaptables que leurs cadets, peu mobiles, rétifs aux nouvelles technologies…. Résultats ? Les seniors sont les premiers pénalisés, l’âge reste très discriminant. En Ile-de-France, les cadres présentent des taux de chômage plus élevés lorsqu’ils sont plus âgés tandis que pour les non-cadres ce sont les plus jeunes qui sont au chômage.

Le seuil critique démarre même à partir de 45 ans. De fait, il y a une vraie différence entre les règles de l’assurance chômage et la réalité du marché du travail. Les entreprises placent la barre à 45 ans, comme l’attestent les accords de GPEC.

Quel bilan dressez-vous des ruptures conventionnelles individuelles, instaurées en 2008 ?

L’idée initiale est intéressante. Il s’agissait de permettre à des salariés et des employeurs de se séparer de manière plus souple et plus rapide et ainsi d’éviter la judiciarisation à outrance des départs et son lot de souffrance pour le salarié et de dysfonctionnement pour l’entreprise. Les cadres et les DRH ont dû s’habituer les premières années à ce type de dispositif et à ne pas sous-estimer cette séparation ni en terme de contentieux (notamment celui du salarié qui argue avoir été contraint), ni en terme de facilité de repositionnement professionnel. Les DRH et cadres s’entendent, par exemple, de plus en plus maintenant pour introduire une prestation d’outplacement notamment quand la séparation est à l’initiative de l’employeur.

Il va être intéressant de voir dans quelle mesure ce type de séparation va évoluer avec la nouvelle indemnisation chômage pour les démissionnaires porteurs d’un projet professionnel. Il serait dommage que cette réforme soit la séparation amiable des non-cadres ou une remise en question de la rupture conventionnelle individuelle qui a trouvé des repères plus ou moins équilibrés entre salarié et employeur.

Anne Bariet
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