Définir les catégories professionnelles dans lesquelles les suppressions de poste sont envisagées dans le cadre d'un licenciement collectif n'est pas simple. C'est ce qu'expliquent Stéphanie Dumas et Florence Aubonnet, avocates associées au sein du cabinet Flichy Grangé Avocats, qui craignent que les ordonnances ne s'attaquent pas au vrai problème.
Les articles L. 1233-2 et L. 1233-24-4 du code du travail prévoient que dans le cadre d'un licenciement économique collectif, l'employeur doit déterminer les catégories professionnelles dans lesquelles des suppressions de poste sont envisagées ainsi que les critères d'ordre de licenciement retenus. Mais la détermination des catégories professionnelles n'est pas toujours un exercice facile. D'ailleurs le projet de loi d'habilitation compte y apporter des modifications. Explication avec Stéphanie Dumas et Florence Aubonnet, avocates associées au sein du cabinet Flichy Grangé Avocats.
Stéphanie Dumas : Il faut rappeler l'objectif de départ qui est, par la définition de catégories professionnelles, de ne pas choisir "à la tête du client" ceux qui vont être licenciés. Il y a une volonté d'objectiver le choix, en regroupant au sein d'une même catégorie les salariés qui occupent des fonctions qui sont substituables.
Mais si la loi impose de déterminer ces catégories professionnelles elle n'en donne pas de définition. C'est la jurisprudence qui a encadré la notion. La catégorie professionnelle est ainsi définie comme l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune (notamment, arrêt du 13 février 1997). Elle est depuis appliquée de manière constante par la Cour de cassation. Le Conseil d'Etat s'est aligné sur cette définition.
Florence Aubonnet : Il faut préciser qu'au sein d'une catégorie ce n'est pas nécessairement la personne qui occupe le poste supprimé qui sera licenciée. C'est celle qui aura le moins de points qui devra partir. Prenons l'exemple d'une d'une société qui a plusieurs départements : achats, comptabilité, marketing, etc. et que chaque département a sa/son assistante(e) qui dispose d'une formation professionnelle commune. Si le département achats souhaite supprimer le poste de sa/son assistante(e), il va falloir regrouper tou(te)s les assistant(e)s dans une même catégorie professionnelle et appliquer les critères d'ordre. Ce pourra être finalement l'assistant(e) du département comptable qui sera licencié(e) au sein de cette catégorie professionnelle en application des critères d"ordre du licenciement et qui sera remplacé(e) à son poste par l'assistant(e) du département achats dont le poste est supprimé ; cela montre bien qu'il faut au sein d'une catégorie, que les salariés soient à peu près substituables.
Stéphanie Dumas : La définition suppose une formation professionnelle commune, mais le Conseil d'Etat a précisé dans un arrêt du 30 mai 2016 que, pour caractériser une catégorie professionnelle, on pouvait le cas échéant tenir compte des acquis de l'expérience professionnelle. Mais c'est à la condition que ces acquis équivalent à une formation complémentaire, excédant l'obligation d'adaptation incombant à l'employeur. En pratique il souvent très difficile de faire le départage entre ces différents types de formation.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Florence Aubonnet : Il s'agit d'un critère dont on peut se servir pour définir les catégories professionnelles. Par exemple, si on souhaite fixer deux catégories professionnelles "commerciaux", cadres et non cadres, il va falloir examiner chacune de ces catégories très finement. Si ces salariés ont la même formation et exercent les mêmes fonctions, on ne va pas forcément créer deux catégories professionnelles distinctes. Il faudra aussi comparer avec ce qui a été fait pour les autres catégories professionnelles de l'entreprise. Il s'agit d'un travail minutieux ; l'ensemble doit avoir du sens.
Il faut aussi être vigilant car l'administration n'est pas forcément favorable à un nombre trop important de catégories professionnelles. Les Direccte portent également une attention soutenue aux catégories où le salarié est seul. Elle surveille aussi les catégories qui présentent des intitulés dont les emplois sont extrêmement proches et qui ne sont pourtant pas dans la même catégorie.
Stéphanie Dumas : Le projet de loi d'habilitation évoque seulement la possibilité de préciser "les conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d'ordre de licenciement dans le cadre des catégories professionnelles en cas de licenciement collectif pour motif économique". L'étude d'impact apporte davantage d'informations. Elle fait le constat selon lequel les problèmes d'irrégularité de la définition des catégories professionnelles sont de plus en plus souvent soulevés dans les contentieux devant les juridictions administratives.
Il est prévu de sécuriser les catégories professionnelles en dotant les accords majoritaires d'une présomption de conformité, ce qui entraînerait une absence de contrôle ou un contrôle restreint de la Direccte. Toutefois, c'est déjà le cas aujourd'hui ; le contrôle restreint existe déjà en cas d'accord majoritaire.
Florence Aubonnet : D'ailleurs lorsque les entreprises vont consulter la Direccte au début de procédure et que la question des catégories professionnelles apparaît compliquée, l'administration incite souvent à conclure des accords majoritaires pour justement opérer un contrôle restreint.
Stéphanie Dumas : Le vrai problème reste en cas de document unilatéral. Or, l'étude d'impact se contente de dire que "des modalités adaptées au contrôle des catégories professionnelles pourront être déterminées en l'absence d'accord majoritaire", ce qui n'est pas très éclairant.
Il faudrait plutôt prendre le mal à la racine en modifiant la définition des catégories professionnelles.
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