"Il faut s'engager dans une réflexion concernant l'adéquation des temps de travail tout au long de la vie"

"Il faut s'engager dans une réflexion concernant l'adéquation des temps de travail tout au long de la vie"

08.09.2016

Gestion du personnel

Fabrice Lenglart, commissaire général adjoint de France Stratégie, détaille les thématiques sociales qui ne manqueront pas de nourrir les débats lors de la présidentielle en 2017. Ce travail d'identification a été fait pendant ces sept derniers mois dans le cadre d'un travail prospectif pour les 10 années à venir.

France Stratégie a lancé en mars dernier une série de notes d'enjeux, intitulées 2017-2027, pour éclairer la présidentielle et lancer des débats essentiels pour les 10 années à venir. Le premier volet de ce travail vient de s'achever avec la publication de la 13e note. L'ensemble de ces publications seront regroupées dans un ouvrage à paraître le 5 octobre à la Documentation française. Ce travail va se poursuivre par un second ouvrage afin d'aller plus en détail, sur certains "noeuds" identifiés par France Stratégie.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Alors que les candidats aux différentes primaires de gauche et de droite se positionnent et dévoilent peu à peu leur programme, nous avons demandé à Fabrice Lenglart, commissaire général adjoint de France Stratégie, les sujet sociaux identifiés au cours de ce travail d'analyse et de prospective, sujets sur lesquels les candidats à la présidentielle ne pourront pas faire l'impasse.

Comment avez-vous procédé pour rédiger ces notes d'analyses ?

Nous avons sélectionné des thématiques qui, de notre point de vue, seront cruciales dans les 10 années qui viennent. Notre mission est d'éclairer le débat dans une perspective de moyen terme donc au-delà d'une échéance de 5 ans. Les questions relatives au marché du travail restent parmi les questions prioritaires pour le pays : le niveau du chômage et de l'emploi bien sûr, mais aussi les transformations induites par les nouvelles technologies qui font émerger de nouvelles façons de travailler. L'évolution à venir de nos dépenses sociales ou encore celle de la structure de notre fiscalité sont également des questions clés. Bien entendu, l'actualité ramène au premier plan la question de la sécurité intérieure et extérieure, mais la santé d'un pays aussi dépend de sa situation économique et sociale.

L'arrivée du numérique vient bousculer un certain nombre de repères dans le monde du travail, mais son appréhension par le politique reste faible. Faut-il accélérer la prise en compte de ces problématiques ?

Il s'agit de sujets qui émergent, mais qui vont structurer la société ; il est logique que les décisions politiques en la matière se prennent peu à peu. Les politiques ont commencé à s'en saisir mais il s'agit nécessairement d'un travail de longue haleine. La question à se poser est celle de l'adaptation de notre droit du travail et de notre système de protection sociale, aujourd'hui beaucoup centré sur le statut du salarié pour prendre en compte l'émergence de nouvelles formes de travail qui vont toucher une part croissante de la population, même si cette part restera minoritaire. Face à ces changements, faut-il adapter à la marge le statut de salarié ? Faut-il inventer un nouveau statut, intermédiaire entre celui du salarié et celui du travailleur indépendant ? Faut-il réfléchir à un statut plus général de l'actif ? Il s'agit d'une problématique qui traverse l'ensemble des pays développés.

Quels sont les leviers que vous avez identifiés en matière d'emploi ?

La question de l'identification des publics prioritaires reste centrale. Le chômage en France touche d'abord les peu qualifiés, c'est-à-dire une population qui a un niveau d'éducation faible. Le premier levier reste donc celui de la formation, tant initiale que continue.

Se pose également la question de l'efficience des dépenses publiques en faveur de l'emploi. Chaque année, nous dépensons 5 points de PIB pour l'emploi, dont la moitié sous la forme d'allégements du coût du travail (exonérations de cotisations sociales sur bas salaire, CICE,...). Faut-il poursuivre cette politique, voire l'amplifier ? Faut-il revoir notre politique en matière de salaire minimum ? Faut-il consacrer plus d'argent afin d'accompagner des personnes en difficultés ? Le moment est venu de se réinterroger sur la meilleure combinaison possible des instruments que nous mobilisons en faveur de l'emploi.

La question du temps de travail reste centrale dans les débats, qu'il s'agisse de la réduire ou de laisser plus de marge de manoeuvre aux entreprises. Qu'en pensez-vous ?

Sur le temps de travail, le débat s'est jusqu'à présent beaucoup focalisé sur la durée légale hebdomadaire et le niveau auquel il conviendrait de la fixer. Peut-être faut-il élargir la perspective, et s'engager dans une réflexion concernant l'adéquation des temps de travail tout au long de la vie, pour répondre aux attentes des salariés et des besoins des entreprises. En somme, avant de débattre de la norme précise que nous voudrions établir, il faut s'interroger au préalable sur le type de norme que nous voulons construire.

Les débats autour du contrat de travail peuvent-ils également continuer à prospérer ?

Aujourd’hui, notre marché du travail peut être qualifié de dual. Une partie de la population, minoritaire, peine à s’y insérer durablement et reste enfermée dans des allers retour entre chômage et contrats courts, de plus en plus courts. Peut-être faut-il réfléchir à la façon dont l'assurance chômage pourrait s’adapter à cette réalité, en mettant en place un système dans lequel les contributions à l’assurance chômage payées par les entreprises refléteraient pour partie la qualité de leur politique de recrutement et de formation, en observant l’intensité du roulement qu’elles opèrent sur leur main d’œuvre et la facilité avec laquelle les salariés dont elles se séparent retrouvent un emploi.

Le CPA, annoncé comme la "grande réforme du quinquennat" en est juste à ses balbutiements...

L'idée sous-jacente à ce dispositif est pourtant essentielle : individualiser les droits, avoir une seconde chance, transférer des droits d'un emploi à l'autre. Alors que le développement économique va de pair avec des flux permanents de création et de destruction d'emplois, le compte personnel d'activité permet d'imaginer une protection sociale davantage attachée à protéger les personnes que les postes de travail. Il s'agit là d'une idée forte et le CPA est un outil qui doit monter en puissance pour lui donner du contenu et le mettre en pratique.

Florence Mehrez
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