"Le dialogue social doit être au service de l’efficacité opérationnelle de l’entreprise"

"Le dialogue social doit être au service de l’efficacité opérationnelle de l’entreprise"

15.11.2016

Gestion du personnel

L’ESCP Europe lance, ce jeudi, une chaire "Dialogue social et compétitivité des entreprises", avec le soutien d’Airbus, de Renault, de Solvay et de Sodexo. A sa tête, Jean-François Pilliard, ancien vice-président du Medef en charge du pôle social et ancien délégué général de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM). Interview.

Vous présidez la chaire "Dialogue social et compétitivité des entreprises" qui sera lancée, ce jeudi, à l’ESCP Europe. Quel est son objectif ?

Il est triple. Tout d’abord, nous voulons démontrer, par le biais de travaux de recherche universitaire, que les politiques de ressources humaines, en particulier le dialogue social, peuvent avoir des effets positifs sur la compétitivité des entreprises. Nous voulons ensuite sensibiliser les étudiants et les jeunes cadres dotés de 5 à 10 d’expérience professionnelle, sur ces sujets avant qu’ils ne prennent des responsabilités managériales. Cette discipline est actuellement inexistante dans les cursus des grandes écoles. Le constat avait, d’ailleurs, été dressé par Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’Etat, dans son rapport sur la négociation collective. Il avait été repris, en mai dernier, dans le rapport du Cese "Le développement de la culture du dialogue social en France" dont j’ai été le co-rapporteur avec Luc Bérille, président de l’Unsa. L’idée est donc d’instiller cette matière dans les cursus, sous forme de modules spécifiques. Le dialogue social a toute sa place dans le foisonnement des disciplines qui composent les sciences de gestion.

Enfin, l’objectif de cette chaire est de réunir des experts de plusieurs nationalités et une communauté de praticiens afin de réfléchir à l’évolution des relations sociales dans les entreprises de dimension internationale. C’est-à-dire de façon rigoureuse, loin des idées reçues.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Les appréciations portées actuellement sur le dialogue social sont partielles et parfois partiales. On ne peut pas faire un constat général. Au niveau micro, il fonctionne même très bien dans certaines entreprises ou dans certaines branches. En témoigne l’accord sur l'emploi et la modulation du temps de travail, signé en septembre, dans la métallurgie. Le dialogue social peine, en revanche, à prouver son efficacité au niveau institutionnel, c’est-à-dire interprofessionnel. En clair : dès que l’on s’éloigne du terrain, le résultat est moins performant.

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Peu de candidats, hormis Alain Juppé, reconnaissent le rôle des partenaires sociaux. Or, confier à l’Etat la responsabilité sociale est extrêmement risqué. D’abord, l’Etat n’est pas un bon gestionnaire de la dépense publique. Rares ont été les budgets à l’équilibre. Ensuite, on a besoin d’une régulation. La régulation sociale permet, en effet, d’éviter les conflits. Le dialogue social et le paritarisme jouent donc un rôle important dans la société française.

Comment rénover le dialogue social ?

Le dialogue social n’est pas une fin en soi. Il est au service de l’efficacité opérationnelle. C’est pourquoi, il ne doit pas être laissé entre les mains des seuls spécialistes. Il doit être intégré à l’environnement économique. L’objectif est de permettre aux salariés de mieux comprendre les enjeux économiques, sociaux et technologiques pour faire évoluer les conditions de travail. D’où un champ d’étude plus large. La méthode doit également changer pour donner plus de lisibilité au contenu des accords.

Il faut également développer l’expérimentation. Pourquoi une loi à peine promulguée doit-elle concerner tout le monde à la fois ?

Enfin, le paritarisme de gestion peut encore être amélioré. Même si l’accord de février 2012 relatif à la modernisation et au fonctionnement du paritarisme a permis de nombreuses avancées sur la qualité de la gouvernance, son financement, la formation et la valorisation des parcours professionnels des titulaires de mandats. C'est, par exemple, ce que nous avons mis en oeuvre à l'Unedic que j'ai présidée. Nous y avons installé, en 2013, un comité d'audit et un comité de rémunération pour renforcer la qualité de la gouvernance de cet organisme paritaire.

Qu’attendez-vous pour cette chaire ?

Nous souhaitons convaincre les managers que le dialogue social n’est pas uniquement un rite immuable auquel ils doivent impérativement se soumettre. Il colle aussi à la réalité du business. Et notamment à son internationalisation. La chaire, dotée d’un comité scientifique, réunira des écoles de commerce européennes et nord-américaines qui ont une bonne connaissance du monde asiatique. Nous projetons également de créer un observatoire international du dialogue social.

Anne Bariet
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