Selon Etienne Pujol, avocat associé au sein du cabinet STC Partners, invité hier de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), le droit à la déconnexion reste le grand absent du projet de loi Travail. A moins que le texte examiné cette semaine en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ne subisse quelques retouches...
Il devait être un sujet emblématique du projet de loi El Khomri. Mais il a été relégué à l'arrière plan. Le droit à la déconnexion, préconisé par Bruno Mettling, l’ex DRH d'Orange, aujourd'hui DG adjoint Moyen Orient, dans son rapport remis à la ministre du travail, en septembre dernier, est resté quasi lettre morte. Le sujet est renvoyé à la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail, à partir du 1er janvier 2018. A défaut d’accord, l’employeur est tenu de préciser les contours d’une telle déconnexion à l’intérieur d’une charte. "Une occasion ratée" regrette Etienne Pujol, avocat associé au sein du cabinet STC Partners, invité, hier, de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). En clair : "ce renvoi n’est pas satisfaisant. Le projet de loi ne tire pas les conséquences du rapport Mettling".
Il y a pourtant urgence. A l’heure où portables, tablettes et smartphones sont devenus incontournables, les frontières entre vie professionnelle et vie privée s’estompent. Non pas uniquement pour les salariés en forfait jour. Mais pour tous les collaborateurs qui exercent "une prestation de travail intellectuel". Or, l’entreprise se doit de protéger la santé des salariés. D’où l'obligation, réitérée par la Cour de cassation, de mieux encadrer le temps de travail. "Dans un arrêt du 17 février 2004, rappelle Etienne Pujol, la chambre sociale a estimé que l'absence de réponse d'un salarié joint en dehors de ses horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvue de caractère fautif". Ce silence "ne permet donc pas de justifier un licenciement disciplinaire pour faute grave".
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
La question de la déconnexion bute toutefois sur la difficulté de mesurer le temps de travail. Car cet indicateur n’est pas suffisant pour arbitrer sur le respect ou non des temps de repos. "Il doit s’y ajouter une mesure sur la charge de travail plus adaptée", poursuit Etienne Pujol en se référant au rapport de Bruno Mettling. Mais sur ce sujet, le droit social tâtonne. En cause : "la notion de charge de travail est pour partie subjective". La perception n’est pas la même d’un salarié à l’autre. Il s’appuie ici sur les travaux réalisés par l’Anact. L’agence fait ainsi la distinction entre la charge de travail prescrite, c’est-à-dire théorique, la charge de travail réelle qui résulte des moyens mis à la disposition du salarié pour atteindre les objectifs fixés et la charge subjective, celle qui est vécue.
Reste donc à confronter les perceptions entre managers et salariés. Quelles sont les moyens mis à disposition du collaborateur ? L’offre des priorités ? Ses marges de manœuvre ?
Pour éviter d’éventuels contentieux, quelques entreprises ont pris les devants. Certaines, à l’instar du groupe Réunica ou de La Poste, ont formalisé par accord le droit à la déconnexion. D’autres ont décidé, comme Orange, de réguler ces pratiques par des dispositifs plus rigides en fermant, par exemple, les serveurs des messageries pendant le week-end. Mais entre ces deux positions, la plupart des sociétés (comme Assystem) ont opté pour des chartes de bonnes pratiques définissant les règles d’utilisation des NTIC. Avec à la clef, "l’accès aux sites licites et illicites, l’utilisation et les modes d’expression de la messagerie interne, les modalités de déconnexion lorsque le salarié est en arrêt maladie ou encore la limitation des envois de mails hors des heures de bureau ou le week-end".
Il reste cependant beaucoup à faire. 72 % des cadres travaillent dans des entreprises qui n’ont pris aucune mesure de régulation de la communication circulant par les TIC, selon un rapport de Francis Jauréguiberry, de l’Agence nationale de recherche, pointée par l’étude d’impact du projet de loi. Pire : plus du tiers d'entre eux ont le sentiment de ne bénéficier d’aucun droit à la déconnexion.
La commission des affaires sociales ne s’y est pas trompée. Alors qu’elle entamait cette semaine l’examen du projet de loi El Khomri, elle a posé ses garde-fous en adoptant deux amendements similaires (voir ci-dessous) afin de mieux protéger le salarié. Le projet de loi prévoyait, en effet, que "lorsque l’employeur a fixé des échéances et une charge de travail compatibles avec le respect des repos quotidien et hebdomadaire et des congés du salarié, sa responsabilité ne peut être engagée au seul motif que le salarié n’a, de sa propre initiative, pas bénéficié de ces repos ou congés". Or, pour les députés PS, à l’origine des correctifs, le texte était ambigu, la responsabilité du contrôle du temps de travail devant rester une prérogative du l’employeur et non du salarié. Les amendements suppriment donc cette disposition.
D’autres modifications ont été déposés sur ce sujet. La question devrait également revenir au cœur des débats des partenaires sociaux. Le gouvernement a, en effet, prévu, dans le projet de loi, une négociation interprofessionnelle d’ici le 1er octobre sur la question du télétravail. La concertation inclura les sujets liés au droit à la déconnexion, au nomadisme, au co-travail ou au management à distance. A moins que, d'ici là, les parlementaires ne passent à l'offensive...
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