"Le travail du dimanche doit rester une exception"

"Le travail du dimanche doit rester une exception"

23.05.2016

Gestion du personnel

Fathallah Charef, DRH du BHV/Marais, revient sur l'accord concernant l’ouverture dominicale, signé, en avril dernier, par SUD et la CFE-CGC. Sa méthode ? Beaucoup de consultations, de pédagogie et une forte maîtrise de la négociation. Interview.

Dans quel contexte social avez-vous conclu votre accord sur le travail dominical qui entre en vigueur le 3 juillet?

Notre objectif était de retrouver une croissance positive. Les grands magasins sont confrontés, depuis les attentats de novembre, à une perte de clientèle. Or, l’ouverture du dimanche pourrait générer une augmentation du chiffre d’affaires de 6% à 9%. C’est donc une nécessité vitale pour la pérennité de l’enseigne mais cette ouverture doit se faire avec vigilance. D’autant que nous sommes le seul commerce fermé dans le quartier du Marais. Aussi cet accord ne concerne-t-il que l’établissement du BHV/ Marais. Les deux magasins lyonnais et l’établissement de Parly 2 (78) ne sont pas concernés : ils seront ouverts uniquement 12 dimanches par an.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Comment avez-vous mené la négociation ?

Ce texte s’inscrit dans la continuité des accords sociaux négociés ces dernières années, à l’instar de l’accord "solidarité familiale" permettant aux salariés de mettre dans un pot commun des jours de congés et de RTT pour aider les collaborateurs aidants. Toutes nos négociations sont guidées par la recherche constante de la conciliation de l'intérêt de l’entreprise et le bien-être des collaborateurs. Ce dialogue social constructif a permis à SUD et à la CFE-CGC, conscients du contexte économique et social de l'entreprise, de signer un accord "gagnant-gagnant".

Dès le départ, nous sommes convenus de ne pas nous limiter à des compensations salariales mais d’inscrire la question dans une réflexion plus large. Nous nous sommes ainsi engagés à pérenniser les emplois actuels durant toute la durée de l’accord (sur l’ensemble des établissements) et à créer 150 emplois (dont une quarantaine de postes de managers), deux revendications phares des organisations syndicales. Par ailleurs, nous avons prévu la création d’un crédit temps formation au bénéfice des salariés embauchés spécifiquement pour travailler en fin de semaine dont le dimanche. Il sera alimenté à hauteur de 3% du temps de travail dominical. Chaque salarié pourra ensuite mobiliser ce temps pour bénéficier d’une formation professionnelle sur le temps de travail.

Notre souhait était de parvenir à un véritable pacte social qui associe direction, représentants du personnel et salariés.

La consultation organisée en octobre auprès des salariés révélait pourtant une opposition au projet ?

Entre novembre dernier, début de la négociation, et mars, nous avons associé le personnel en organisant de nombreuses tables-rondes. Elles nous ont permis de rencontrer plus de 300 collaborateurs (sur un effectif de 1500), de tout métier et de tout statut, afin de présenter et d'échanger sur le projet. Puis nous avons lancé la consultation. Celle-ci a révélé deux inquiétudes. Le projet d’accord initial n’était pas suffisamment précis sur la question du volontariat. De même, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle n’était pas assez affirmée. Le texte ne prévoyait que 5 jours de récupération. Nous avons donc modifié le projet d’accord dans un sens plus favorable. Ce dialogue s’est poursuivi tout le long de la concertation avec les organisations syndicales. Il a été constructif car il a permis de lever les inquiétudes.

Comment prenez-vous en compte le volontariat ?

Nous avons mis en place un process précis, décliné en trois étapes. L’entreprise organisera chaque année au 1er octobre de l’année N-1, un appel au volontariat. Les salariés auront un mois pour exprimer, par écrit, leurs souhaits de travailler un ou plusieurs dimanches de l’année N. L’entreprise élabore alors un planning pour permettre à chaque collaborateur de planifier son temps de travail sur l'année à venir. Mais il ne sera pas définitif. A tout moment, le salarié peut se rétracter et revenir sur sa décision. De même, il peut se rendre indisponible pour un dimanche initialement travaillé.

Quelles sont les contreparties salariales proposées ?

L’accord, conclu pour trois ans, prévoit un plafond de 15 dimanches travaillés par an majorés de 100%, c’est-à-dire que le salaire de base est payé double (excluant la prime liée à la réalisation du chiffre d’affaires) et assortis d’une récupération pour les salariés travaillant habituellement la semaine. Néanmoins, la majoration pourra également être accordée sous forme de repos. Au-delà de ces 15 dimanches, la majoration est de 50% (à partir du 16ème dimanche), sans repos compensateur. L’idée était de créer un effet dissuasif, le travail du dimanche devant rester une exception. Idem pour les salariés en forfait-jour. Pour les salariés de fin de semaine, les 15 premiers dimanches seront majorés de 100%, les suivants de 50%, sans récupération.

Quelles sont les autres compensations?

Nous prenons en charge les frais de garde d’enfant (jusqu’à 14 ans ou 16 ans pour un enfant handicapé) à hauteur de 55 euros par dimanche travaillé. De plus, nous avons décidé de mettre en place un système de co-voiturage donnant droit à un remboursement intégral des frais kilométriques ainsi que la mise à disposition d'une place de parking. Enfin, nous proposons le remboursement des frais kilométriques entre le domicile et la station de transport en commun, la plus proche.

Quels garde-fous prévoyez-vous pour éviter les dérives ?

Nous avons lancé un observatoire du travail dominical, composé de représentants syndicaux (y compris les non-signataires de l’accord) et de membres de la DRH pour évaluer l'impact du travail dimanche et proposer des actions correctives. Il est doté d’un budget de 10 000 euros permettant à ses membres de se faire assister par des experts. L’entretien professionnel annuel inclura également un temps d’échange sur les conséquences du travail dominical.

Quid des personnels extérieurs, démonstrateurs ( 48% du personnel de vente) et personnels de sécurité ?

Nous nous assurerons, au moment des appels d’offres concernant les contrats de prestations de service, que les prestataires respectent le principe du volontariat et prévoient des compensations sociales/salariales au travail dominical. Les dispositions relatives au travail dominical s'appliquent à tous les salariés, quelle que soit l'entreprise concernée.

Anne Bariet
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