"Les entreprises entretiennent une relation ambivalente avec les salariés aidants"

"Les entreprises entretiennent une relation ambivalente avec les salariés aidants"

08.10.2019

Gestion du personnel

Pour Thierry Calvat, sociologue, co-fondateur du Cercle Vulnérabilité et société, spécialisé dans la dépendance, le congé de proche aidant indemnisé, figurant dans le PLFSS pour 2020, est un signal fort du gouvernement. Mais il ne doit pas occulter la nécessité pour les entreprises de s’adapter à la conciliation des temps et à la reconnaissance des compétences des aidants exerçant une activité professionnelle.

Le PLFSS pour 2020 prévoit un congé de proche aidant indemnisé. L’allocation serait d’un montant journalier compris entre 43 et 52 euros, selon la composition du foyer, durant au maximum trois mois. Ce coup de pouce est-il à la hauteur des enjeux ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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C’est un signal important politiquement : le gouvernement prend ici en compte la situation des aidants. Dans son économie générale, cette aide semble pouvoir être fractionnée et pourrait, par exemple, être utilisée deux ou trois jours par semaine. Mais il s’agit d’un projet d'expérimentation qui vient prendre le relais du congé de proche aidant, instauré par la loi d’adaptation de la société au vieillissement du 28 septembre 2015, et qui demeure encore très peu utilisé. Cette mesure n’a pas rencontré son public. De fait, à peine 1 % ou 2 % des aidants y ont recours.

Est-ce à dire que ce dispositif ne répond pas aux attentes des aidants ? L’indemnisation peut-elle pallier ce manque de succès ?

A ce stade, il est prématuré de le dire puisque l'expérimentation va être lancée. Mais le fait d'indemniser ce congé n'est sans doute pas le seul facteur de succès: en effet, les aidants ne demandent pas tous à quitter l’entreprise. D’autant qu’il est parfois difficile de parler de sa situation dans un cadre professionnel, de peur d’être ostracisé ou menacé dans ses promotions futures.

D'une façon générale, les aidants sont majoritairement favorables à des mesures leur permettant de concilier l’aide au travail, de s’absenter si nécessaire et donc des solutions qui maintiennent le contact avec l'entreprise - des aménagements d’horaires, du télétravail - plutôt que des congés qui les éloignent, avec le risque d'être assigné à résidence.

Pour un montant équivalent à l'indemnisation, ne pourrait-on pas, par exemple, offrir le choix et développer davantage de solutions d’aide extérieure ? Cette aide ne doit pas faire oublier que le rôle des proches aidants est complémentaire à celui des aidants professionnels et ne peut se substituer à ces derniers.

Vous identifiez plusieurs risques liés au congé d’aidant indemnisé. Quels sont-ils ?

Le premier est, tout d’abord, de créer de l’inégalité. Cette indemnisation ouvre la possibilité aux entreprises les mieux loties de verser un abondement en sus de l’aide financière. Mais toutes et - a fortiori les petites structures- ne seront pas en mesure de le faire... Le deuxième risque porte sur le périmètre de la mesure. Rappelons que sur 8 à 11 millions d’aidants, près de la moitié exerce une activité professionnelle, soit un actif sur cinq ou six. Mais leur situation est extrêmement hétérogène - aidant principaux, aidants secondaires, aidant isolé… Dans ces conditions qui sera concerné? Uniquement les ascendants, les descendants, la fratrie ou le cercle amical - ce dernier représente près d’un aidant sur cinq. Il y a nécessité pour l’entreprise à définir avec précision son périmètre. Enfin, ce qui est actuellement une indemnisation semble parfois entendu comme une rémunération. On lit déjà ça et là que le gouvernement envisage de la rétribuer à environ 2,50 euros l’heure… Ce qui induit alors une sorte de marchandisation de la relation d’aide qui, si elle n’est évidemment pas le sens de ce congé, peut avoir à terme des effets pervers.

Les entreprises ont-elles pris la mesure du problème ?

Les entreprises entretiennent une relation ambivalente avec ce sujet. Elles s’impliquent de plus en plus à des colloques, à des rencontres sur ce sujet, mènent pour certaines des démarches saluées dans le cadre d’initiatives telles le Prix "Entreprise et salariés aidants", que j’anime avec son fondateur Edouard de Hennezel, ou la remise de labels. Mais on observe encore bien des timidités... Sans doute, la vision extrêmement négative souvent projetée sur les problèmes posés par les salariés aidants - le fameux absentéisme présumé par exemple et qui relève du mythe - ne facilite-t-elle pas les choses.

Le don de jours de congés proposé par la loi du 13 février 2018 a-t-il apporté un peu de répit aux aidants ? 

Pour les exemples que je connais, si la mise en place du don a créé un appel d’air de solidarité chez l’ensemble des salariés, il demeure encore très faiblement "consommé" par les aidants eux-mêmes, sans doute parce que l’anticipation nécessaire à la prise d’un RTT demeure peu adaptée à la vie de l’aidant dominée par l’urgence et l’immédiateté. De ce point de vue, le nombre de jours importe sans doute moins que les conditions dans lesquelles on peut prendre ces congés.

Certains syndicats, à l’instar de FO, sont favorables à la création d’un statut de "proche aidant", notamment pour prendre en compte l’absence de cotisations retraite pour les aidants ayant arrêté le travail pour s’occuper de leur proche. Y êtes-vous favorable ?

Si l’absence de cotisation retraite constitue un vrai problème, il n’est pas réductible aux seuls aidants. Il est aussi commun à d’autres types de populations qui, par exemple, doivent arrêter de travailler du fait d’une maladie chronique. Dans ces conditions, donner un statut à une catégorie plutôt qu’à une autre, c’est reproduire une vision en silo dans les entreprises - et au-delà de rigidifier des situations évolutives et d'enfermer les personnes. Il vaudrait sans doute mieux raisonner de façon transverse en termes de besoins plutôt qu’en terme de statut. De surcroît, là encore on peut aussi s’interroger sur les limites de son éligibilité : à qui le réserver, pour des accompagnements de quelle nature ?

Que proposez-vous ?

En envisageant le phénomène comme une opportunité plutôt qu’un risque, la société y gagnerait. Les entreprises auraient tout intérêt à tirer parti des compétences nouvelles issues d’une expérience d’aide qu’aucune formation n’enseigne : coordination des soins, gestion du stress, créativité, mobilité, gestion … Le fameux temps passé aux côtés du proche, par exemple, apporte une réelle valeur ajoutée en termes de compétences. Récemment Linkedin vient d’ailleurs d’accepter des compétences telles que "j’ai eu un cancer". C’est encore un volet largement occulté par les DRH et très peu étudié. Mais c’est un sujet qui mérite d’être pris très au sérieux, car il est bénéfique à la fois pour le salarié et pour l’entreprise.

Anne Bariet
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