"Les outils existent pour mieux sécuriser l’emploi saisonnier mais ils ne sont pas tous activés"

"Les outils existent pour mieux sécuriser l’emploi saisonnier mais ils ne sont pas tous activés"

22.08.2019

Gestion du personnel

Les dispositifs visant à sécuriser l’emploi saisonnier sont-ils pertinents ? Contraignants ? Ou utilisés à mauvais escient ? Le point avec Christian Gilquin, animateur du Pôle européen de recherche et d’ingénierie sur la pluriactivité et la saisonnalité (Peripl).

Quel état des lieux dressez-vous de l’emploi saisonnier en France ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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On peut alerter sur une forme d’ubérisation de ces activités 

 

Hormis un comptage effectué en 2013, chiffrant à 740 000 les postes saisonniers dans les secteurs touristiques, aucune évaluation précise n’existe concernant l’emploi saisonnier. Les déclarations sociales nominatives (DSN) effectuées chaque mois par les entreprises permettent de quantifier les CDD, mais pas leur motif. D’où la difficulté de chiffrer le phénomène. C’est pourquoi de nombreux experts demandent une codification de ce type d’emploi. On peut toutefois alerter sur une forme d’ubérisation de ces activités ; des employeurs, par méconnaissance du droit ou par intérêt, demandant aux saisonniers de prendre un statut de micro-entrepreneur, en toute illégalité. Certes, il est là encore difficile de savoir quel est l’ampleur de cette substitution. Mais nous avons recueillis plusieurs témoignages de saisonniers en ce sens.

Plusieurs dispositions réglementaires, notamment la loi El Khomri de 2016, ont tenté de sécuriser l’emploi saisonnier. Où en est-on aujourd’hui ?

Ce CDD intégrant une clause de reconduction n’a rien de révolutionnaire 

La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri, comprend plusieurs dispositions spécifiques. La première porte sur l’intégration de la définition du travail saisonnier dans le Code du travail, au titre des cas de recours au CDD. Il s'agit simplement de la transcription dans la loi de la définition jurisprudentielle.

La seconde mesure enjoint une quinzaine de branches professionnelles, principales consommatrices d’emplois saisonniers (sociétés d’assistance, casinos ; hôtellerie de plein air ; HCR ; commerces de sports ; thermalisme ; transport routier…) d’engager des négociations visant une meilleure sécurisation de l’emploi de ces salariés précaires. Concrètement, la loi leur demande d’intégrer une clause de reconduction des contrats d’une saison à l’autre. Jusqu’alors seules les branches du tourisme social et familial et des remontées mécaniques et domaines skiables avaient négocié de tels accords.

En l'absence d'accord, l'ordonnance du 27 avril 2017 relative à la prise en compte de l’ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction précise que le saisonnier bénéficie d’un droit à la reconduction de son contrat lorsqu'il a effectué au moins deux mêmes saisons dans la même entreprise sur deux années consécutives et que l’employeur dispose d’un emploi saisonnier compatible avec la qualification du salarié. Les employeurs ne pouvant pas garantir l’emploi d’une saison à l’autre, notamment à conserver le même effectif, ce CDD intégrant une clause de reconduction n’a donc rien de révolutionnaire.

Quels sont les autres dispositifs?

La meilleure façon de sécuriser un emploi saisonnier est le contrat de travail intermittent  

La meilleure façon de sécuriser un emploi saisonnier est le contrat de travail intermittent (CTI), créé dans les années 2000. Le saisonnier est engagé en CDI, avec tous les avantages que cela comporte, et l’employeur s’assure de sa fidélité. Néanmoins, deux freins importants bloquent son développement. Tout d’abord, la mise en place d’un tel contrat suppose un accord de branche ou d’entreprise. Or, sur 200 branches professionnelles, seules huit ont signé l’accord (chocolatiers, tourisme social, hôtellerie de plein air…). Et comme les entreprises du tourisme sont constituées à 95% de TPE, il est difficile de signer un accord d’entreprise en raison de l’absence de délégués syndicaux.

L’autre problème tient à l’indemnisation des périodes non travaillées, le salarié n’a pas droit à des indemnités de chômage en fin de saison. A moins que le salarié puisse cumuler CTI et activité non salarié.

Les entreprises n’ont pas recours au CDI intérimaire ?

Très peu. Si ce contrat prend en compte l’indemnisation des périodes non travaillées, il constitue néanmoins un surcoût pour les employeurs qui doivent passer, de fait, par une agence de travail temporaire.

Les groupements d’employeurs ont-ils plus la cote ?

 Le succès des groupements d'employeurs est limité

Pour l’instant, leur succès est limité. Mais ce dispositif est approprié aux problématiques de saisonnalité. A condition toutefois de proposer des activités complémentaires (agriculture, BTP, emploi public..) qui peuvent être exercées hors saison. Comme le CTI, le salarié est en CDI et travaille pour plusieurs employeurs. Les outils existent pour mieux sécuriser l’emploi mais ils ne sont pas tous activés suffisamment.

Quelles sont les avancées de la loi Montagne de 2016?

Plusieurs points de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne peuvent être soulignés. Tout d’abord, la loi prévoit qu’un salarié, travaillant pour un groupement d’employeurs mixte (intégrant des employeurs privés et publics) puisse travailler jusqu’à neuf mois pour le compte d’une collectivité locale, contre six mois auparavant. Ce qui permet à ce dernier d’exercer une activité quasi toute l’année, s’il est employé trois mois pour la saison touristique. Par ailleurs, les groupements d’employeurs peuvent être créés sous forme d’association loi 1901 ou de société coopérative. Ce dernier statut permet d’intégrer dans le groupement des pluriactifs qui exercent à la fois des activités salariées et non salariées, en facturant des prestations.

Enfin, la loi prévoit que toute commune "touristique" conclut une convention avec l’État pour le logement des travailleurs saisonniers. Le délai, initialement fixé à deux ans (décembre 2018) a été porté à décembre 2019 par la loi Elan. Même s’il reste beaucoup à faire, quelques communes ont pris les devants. Courchevel a fait construire il y a une quinzaine d'années des logements sociaux dont certains sont réservés aux saisonniers. Les stations de ski, Les deux Alpes et Chamonix, contactent les propriétaires de logements vacants pour leur proposer de les mettre à disposition des employeurs de saisonniers.

Anne Bariet
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