"Les salaires partent en flèche pour les auditeurs qui quittent leur cabinet pour intégrer une entreprise"

"Les salaires partent en flèche pour les auditeurs qui quittent leur cabinet pour intégrer une entreprise"

27.10.2019

Gestion d'entreprise

Retrouvez chaque semaine notre interview sur un sujet d'actualité. Diminution des processus d'embauche, hausse des salaires sur certains postes, cote des auditeurs issus de cabinets auprès des entreprises... Aurélien Boucly, associate business director chez Robert Half, fait le point sur les tendances de recrutement dans le secteur comptable et financier en entreprise.

Le secteur comptable et financier en entreprise se porte toujours aussi bien, avec une hausse des embauches selon votre dernière étude annuelle. Quelles en sont les raisons ?

De manière générale, nous observons une conjoncture économique favorable sur ce secteur. Par exemple, en Ile-de-France, le marché est bien orienté sur la fonction finance. Les entreprises souhaitent investir et donc embauchent. Des postes se créent mais la part la plus importante des recrutements est du remplacement, soit suite à une mobilité interne, soit suite à une démission. Les candidats sont très courtisés et ont aujourd’hui le choix entre plusieurs propositions d’embauche.

Les entreprises font-elles face à un turnover important sur les postes comptables et financiers, à l’instar des cabinets comptables ?

Le turnover en entreprise est bien moindre. Ce n’est pas comparable, par exemple, avec les cabinets d’audit où le turnover est énorme, même si les niveaux de rémunération ont été revus à la hausse. Les perspectives d’évolution ne motivent plus les auditeurs. Ils partent en moyenne au bout de trois saisons. Et ils sont hyper sollicités par les entreprises.

Pourquoi ces candidats issus de cabinets d’audit ont la cote auprès des entreprises ?

Les entreprises vont les chercher sur du contrôle de gestion, du contrôle financier, de l’analyse financière, ou encore pour des postes en consolidation. Ce sont des candidats qui ont un solide parcours académique (écoles de commerce, écoles d’ingénieur…) et dont l’expérience en cabinet est valorisée au même titre qu’une bonne formation initiale. Les entreprises apprécient aussi leurs compétences techniques larges, leur forte capacité d’apprentissage et leur caractère évolutif dans l’organisation. Cette tendance s’observe aussi bien dans les grandes entreprises que dans les PME et les ETI.

Vous constatez par ailleurs une diminution des processus d’embauche : au-delà d’une semaine, une entreprise peut perdre 50% de chance en moyenne de collaborer avec le profil de son choix. La rareté des talents oblige les entreprises à faire des propositions d’embauche très rapidement, parfois dans les 72h suivant l’entretien. Quels sont les impacts sur l’organisation des entreprises ?

Nous leur conseillons de rationaliser leur processus de recrutement, de le concentrer sur deux semaines maximum avec un nombre d’interlocuteurs raisonnable. Les candidats perçoivent de plus en plus mal un processus d’embauche trop long, surtout les plus jeunes. Ils veulent davantage de dynamisme. Cette lenteur (parfois plusieurs semaines dans les grandes structures) peut aussi donner l’image d’une entreprise qui a du mal à prendre des décisions.

Quelles sont alors les nouvelles pratiques des entreprises sur ce point ?

Durant les entretiens d’embauche, certaines entreprises mettent en avant la culture d’entreprise, le bien-être au travail pour se démarquer. Ces pratiques sont plus courantes dans des structures jeunes ou sur des marchés spécifiques (par exemple, dans le digital).

De nouvelles compétences sont demandées aux candidats. Les entreprises sont, notamment, plus exigeantes au niveau de la maîtrise des outils de reporting, d'après votre étude…

Cette exigence-là n’est pas nouvelle mais est toujours très demandée sur les profils comptables. Ce qui fait aussi de plus en plus la différence, ce sont les compétences linguistiques dans des entreprises qui ont une présence à l’international notamment. Sur les postes comptables, c’est relativement nouveau. Par ailleurs, le savoir être prend aujourd’hui tout son sens avec une recherche forte de soft skills : qualités relationnelles, intérêt pour l’activité, intégration, etc.

Les entreprises exigent aussi de meilleures capacités analytiques de ces profils comptables et financiers. Est-ce au niveau de la gestion des données ? Les entreprises recherchent-elles davantage de "data experts", comme dans les cabinets comptables ?

Ce n’est pas systématique. La recherche de ce type de profils se fait à la marge. Il existe des fonctions hybrides, avec une partie technique classique d’un côté et une appétence ou une expérience de la data (mise en place d’un logiciel…) d’un autre côté. Par ailleurs, la connaissance du SAP peut être indispensable pour certaines entreprises, et pas du tout nécessaire pour d’autres. C’est donc très variable.

Certaines spécialisations ont la cote, telles que la consolidation…

La consolidation est toujours en tension mais ce n’est pas nouveau. Au bout de quelques années, les collaborateurs sur ces postes veulent faire autre chose donc il y a de nombreuses opportunités et, souvent, des rémunérations bien positionnées. Mais ces postes sont très techniques et on observe souvent une pénurie de candidats. Dans les grandes entreprises, il n’est pas rare qu’un auditeur externe soit embauché dans un département consolidation étoffé. Ce n’est pas possible dans une PME – où généralement une seule personne s’occupe des problématiques de consolidation – car l’expérience d’audit n’est pas suffisante.

Les rémunérations sont en hausse sur les postes comptables et financiers en entreprise. Quels postes en profitent le plus ?

Les responsables comptables et les contrôleurs de gestion bénéficient de fortes hausses de salaire en 2019-2020. De plus, les salaires partent en flèche pour les auditeurs qui quittent leur cabinet pour intégrer une entreprise. Ce marché est très dynamique. Nous sommes parfois surpris par les attentes de candidats très gourmands. Mais certaines entreprises refusent et restent vigilantes pour éviter un trop grand décalage de rémunération avec les équipes déjà en place. Toutefois, nous assistons à des niveaux de salaires jamais atteints jusqu’alors sur ces profils.

La rémunération reste-t-elle le premier critère d’un candidat pour accepter une offre d’emploi ?

Certes, les candidats attendent une évolution de leur rémunération quand ils changent d’entreprise, en raison du risque pris, mais ce n’est pas le premier sujet. Ils veulent aussi un périmètre de responsabilité plus large et un épanouissement dans leur fonction. Ce n’est plus la course au salaire comme avant. Le sens des missions est aussi un critère de choix pour ceux qui ont déjà un bon salaire.

Propos recueillis par Céline Chapuis

Nos engagements