"L’indemnisation des salariés démissionnaires peut entraîner de nombreuses désillusions"

"L’indemnisation des salariés démissionnaires peut entraîner de nombreuses désillusions"

10.12.2019

Gestion du personnel

Karine Lair, directrice générale adjointe du cabinet Oasys, revient sur les nouvelles règles d’assurance chômage concernant les salariés démissionnaires. A ses yeux, l’exécutif souhaite à travers cette mesure que chacun devienne responsable de son devenir professionnel et de son employabilité. Reste que les projets des candidats risquent de ne pas coïncider avec les besoins du marché du travail.

La réforme de l’assurance chômage prévoit, depuis le 1er novembre, l’ouverture de l’indemnisation aux salariés démissionnaires ayant un projet professionnel. Quels sont les premiers retours ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Selon nos informations, les conseils en évolution professionnelle comme Pôle emploi et l'Apec sont très sollicités. L’Apec, par exemple, a été submergée de demandes d’informations en Ile-de-France dès le lendemain de la publication des nouvelles règles. Il y a eu, dans certains centres, deux fois plus d'appels que le mois précédent la réforme et la moitié concernait des renseignements sur les démissions. Il faut dire que cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron suscite de nombreux espoirs. Beaucoup de salariés, dotés de cinq ans d’expérience, parfois pressurés, travaillant dans des organisations de plus en plus complexes, ou qui ne se reconnaissent plus dans leur entreprise ou leur poste, attendaient cette ouverture des droits avec impatience pour partir en toute sécurité.

Ces nouvelles règles seront-elles à la hauteur de leurs attentes ?

Rien n’est moins sûr. Le projet très cadré peut entraîner de nombreuses désillusions. Attention à ne pas démissionner sur un coup de tête, c’est-à-dire avant que le projet soit validé par la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR -association Transition pro). Car ce n’est qu’une fois attesté le caractère réel et sérieux de leur projet professionnel, création, reprise d’entreprise, reconversion avec formation, que les porteurs dudit projet pourront être indemnisés. Les CPIR ont deux mois, une fois le dossier reçu, pour valider ou non la demande.

Quels peuvent-être les risques d’une telle mesure ?

Votre emploi ne vous convient plus ? Alors prenez une nouvelle orientation, identifier vos compétences pour vous repositionner sur le marché du travail.

Il s’agit ici d’un changement de paradigme complet. En donnant aux salariés démissionnaires la possibilité de bénéficier de l’assurance-chômage, l’exécutif souhaite que chacun devienne acteur de son devenir professionnel, responsable de son employabilité. Le compte personnel de formation et son application digitale qui en facilite l'accès a constitué la première brique de cette philosophie. Les nouvelles règles d’assurance chômage complète cette approche. Derrière cette idée, on cherche à autonomiser l’individu, à individualiser le parcours de chacun à travers une sorte de "GPEC" nationale. Votre emploi ne vous convient plus ? Alors prenez une nouvelle orientation, identifier vos compétences pour vous repositionner sur le marché du travail. C’est à vous de vous armer pour être compétitif.

Quelles sont vos réserves ?

D’une part, tous les salariés ne sont pas égaux face à de telles choix. Il est parfois difficile d'accéder à l'information sur l'évolution des métiers, de comprendre les compétences attendues par les employeurs ou encore d'entreprendre ou de reprendre des études. Jusqu’ici, il revenait aux partenaires sociaux d’accompagner ces décisions, à travers les Fongecif. D’autre part, cette nouvelle donne peut constituer un véritable miroir aux alouettes. L’offre risque de ne pas rencontrer la demande. C’est-à-dire que les projets professionnels des salariés démissionnaires risquent de ne pas coïncider avec les besoins du marché.

Pourquoi ?

Une CPIR pourra-t-elle valider le projet d’un chef de projet informatique, vers un métier d’ébéniste d'art, alors que son métier est considéré comme pénurique ?

Nous le voyons déjà dans notre activité sur l’accompagnement des plans de départs volontaires. Quand il y a reconversion, ou création d’entreprise, les personnes ne se bousculent pas vers les métiers dits pénuriques, l’informatique, le commercial… Ils recherchent des métiers porteurs de sens. Il peut s’agir des métiers autour du "care" (métiers d’aide à domicile), du bien-être (sophrologie, yoga..) voire de l’artisanat. Or, quel sera l’impact de ces nouveaux projets professionnels sur le marché du travail ? Leur faisabilité sera jugée à la lumière des perspectives d’emploi de sa région. Or, une CPIR pourra-t-elle valider le projet d’un chef de projet informatique, vers un métier d’ébéniste d'art, alors que son métier est considéré comme pénurique, par exemple ? Pourra-t-elle, en effet, extraire du marché du travail, une personne bien formée et expérimentée sur un poste qui correspond aux besoins actuels du marché pour valider sa nouvelle orientation vers un domaine moins porteur ? C’est la grande interrogation.

Mais on peut, d’ores et déjà, supposer que la CPIR optera davantage pour la sécurisation des parcours professionnels afin d’éviter l’échec et le chômage de longue durée. Est-ce que la CPIR va prendre le risque de faire remonter le taux de chômage des cadres sur des marchés comme l'Ile-de-France, en ouvrant les vannes des démissions indemnisées ? En tout état de cause, il faudra bien une année pour voir les conséquences complètes d'une telle réforme et les pratiques de la CPIR.

Et côté entreprise, quel sera l’impact des nouvelles règles sur la gestion des ressources humaines ?

 On peut s’attendre à une diminution du nombre de rupture conventionnelle individuelle, à l’initiative du salarié

On peut s’attendre à une diminution du nombre de rupture conventionnelle individuelle, à l’initiative du salarié. De fait, en cas de démission, l’employeur n’a pas d’indemnités à verser. Certains craignent que des employeurs, mal attentionnés, puissent également faire pression sur des salariés vulnérables pour qu’ils démissionnent en leur faisant miroiter la situation d'un départ par le versement des allocations d’assurance chômage.

Et côté salariés ?

Un salarié, pourrait penser, par exemple, demander à démissionner pour aller à la concurrence ou mener un projet personnel. Attention, cette option serait hasardeuse : les CPIR doivent étudier l’ensemble des pièces d’un dossier qui caractérise le caractère réel et sérieux du projet : programme de formation et son financement, promesse d’embauche pour une demande de reconversion ; business plan, prêt bancaire, choix d’un associé, pour un projet de création ou de reprise d’entreprise, par exemple… Un projet mal ficelé sera refusé.

Anne Bariet
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