Onze ans après la conclusion de l’un des premiers accords de maintien dans l’emploi, le groupe Poclain, spécialisé dans les moteurs hydrauliques (2 500 salariés), récidive en signant un accord de performance collective. A la clef, une baisse de rémunération 20% assortie d’une baisse proportionnelle du temps de travail. Interview d'Alain Everbecq, DRH du groupe.
Vous avez signé le 29 avril dernier un accord de performance collective. Quel est le contexte économique de cet accord ?
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
La crise sanitaire a été brutale : nous avons dû faire face à une chute des prises de commandes, des difficultés d’approvisionnement, de transports et un arrêt de plusieurs projets. Résultat ? Les prévisions au titre de l’année 2020 font apparaître une baisse du chiffre d’affaires de 28 %, passant de 375 millions d’euros à 270 millions d’euros. Pour réduire l’impact économique, nous avons eu recours à l’activité partielle. Toutefois, ces mesures ne sont pas suffisantes. C’est pourquoi nous avons opté pour un accord majoritaire de performance collective, avec l’ensemble des organisations syndicales, la CGT, la CFE-CGC et la CFTC, afin de mieux préparer la reprise d’activité pour 2021. Cela nous permet de passer l’année sans trop recourir au chômage partiel.
Quelles sont les grandes lignes de cet accord ?
Nous avons opté pour une baisse concomitante du temps de travail et des rémunérations de 20 %. Ce qui signifie que nous nous engageons à maintenir une rémunération nette minimum de 80 %. Même si des disparités existent en fonction du statut des salariés : nous avons mis en place un certain nombre d’amortisseurs comme le maintien des primes de nuit et des primes d’équipe. Au global, les salariés percevant entre 1 800 et 2 000 euros bruts ne devraient perdre que 3 % de leur rémunération et les cadres, 18 %. Quant aux cadres dirigeants, la réduction sera de 20 % ; y compris pour le PDG.
Quelles sont les contreparties proposées ?
Nous nous engageons en échange, pendant cette période, à ne pas mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi de 120 personnes sur le site de Verberie dans l’Oise (600 salariés).
Dans quel état d’esprit sont les partenaires sociaux ?
Les partenaires sociaux ne sont pas favorables aux accords de performance collective. Pour eux, il n’y a aucune urgence à mettre en place ce type de dispositions. Mais nous avons eu des discussions franches et ouvertes. L’une des clefs est de partager le maximum d’informations économiques, de donner des chiffres, de poser les choses sur la table. Surtout, nous avons ajusté les objectifs. Le périmètre de la négociation doit cadrer avec son ambition. Cet accord est à durée déterminée. Il s’applique jusqu’à la fin de l’année 2020 avec un retour de plein droit aux dispositions antérieures en 2021, sans nouvelle négociation. Concrètement, nous ne remettons pas en cause les acquis sociaux. Il s’agit donc bien d’un accord temporaire qui s’applique du 1er mai au 31 décembre pour le site de Verberie et du 1er juin au 31 décembre pour nos usines de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe) et de Marnaz (Haute-Savoie).
Au final, nous avons ainsi eu une négociation rapide, d’une quinzaine de jours, pour passer le cap.
Quelles ont été les concessions ?
La question des dividendes, même si elle ne relève pas des partenaires sociaux, a été mise sur la table par la CGT. Nous nous sommes donc engagés à baisser de 20 % les indemnités des membres du comité d’administration. C’était l’une des conditions mises en avant par le délégué syndical de cette organisation.
La loi du 17 juin 2020 prévoit un nouveau régime d’activité partielle, "Arme", comme Activité réduite pour le maintien en emploi, dont les modalités devraient être connues rapidement. Ce dispositif ne remet-il pas en cause votre accord ?
Nous attendons de voir ce que le gouvernement prépare dans un prochain décret. Par exemple, s’il prévoit une rémunération des salariés à 100 % pendant la période d’activité partielle, nous allons analyser les conséquences de ce dispositif et voir comment réagir au mieux des intérêts de l’entreprise. Nous privilégions toujours le dialogue social avec les partenaires sociaux.
Vous aviez déjà conclu, en 2009, un premier accord de maintien dans l’emploi. Quels ont été les résultats ?
A l’époque, ce dispositif n’existait pas. Nous l’avons créé, avec l’accord du 31 mars 2009. C’est grâce à la loi Aubry II et plus particulièrement à l’article L 1222-8 du code du travail que nous avons réussi à mettre en place un accord de compétitivité avant l’heure. C’est-à-dire trois ans avant l’instauration du dispositif par la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013. Avec des résultats plutôt satisfaisants : le maintien des compétences internes en évitant un plan social de 120 personnes en France et le moindre recours au chômage partiel (37 jours au lieu de 80 initialement prévus). La réduction du temps de travail était, à l’époque, assortie d'une baisse proportionnelle des salaires (de 5 % pour les ouvriers, 15% pour les cadres, 25 % pour les cadres dirigeants) pour les 1 700 salariés du groupe (sites étrangers compris). Cet accord signé par la CGT, la CFDT et la CFE-CGC pour une durée de neuf mois a permis le rétablissement de la situation dès 2010. Avec le sentiment d'avoir échappé au pire.
Quelles différences entre l’accord de 2009 et les APC d’aujourd’hui ?
L’accord de performance collective est beaucoup plus souple. Nous avons choisi de corréler la baisse du temps de travail avec la baisse des rémunérations mais nous pouvons désormais décider d'une perte de rémunération tout en maintenant ou en augmentant le temps de travail. Par ailleurs, nous ne sommes plus tenus de rédiger un avenant individuel pour chaque salarié. Vous pouvez déroger aux clauses individuelles et collectives du contrat de travail, uniquement par accord, conformément à l’article L 2254-2 du code du travail. Ce qui simplifie considérablement les choses. Si les salariés ne se prononcent pas, l’accord est tacite. En cas de refus - les salariés disposent d’un mois à compter de la date de réception de la notification individuelle pour faire connaître leur désaccord - l’entreprise a deux mois pour engager une procédure de licenciement. Celui-ci repose sur une justification spécifique "sui generis", et non plus économique, qui constitue une cause réelle et sérieuse. Une disposition issue des ordonnances de 2017. Une quinzaine de salariés ont refusé la modification de leur contrat, contre 39 en 2009.
Quelles garanties sociales pouvez-vous apporter pour 2021 ?
Pour l’heure, il est difficile de prévoir ce que sera 2021. Les incertitudes économiques et politiques sont nombreuses. Nous nous sommes engagés à revoir les partenaires sociaux tous les mois, avec un bilan plus poussé en septembre.
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