101 entreprises françaises, représentant plus de 1 650 milliards d'euros de chiffre d'affaires, ont signé un nouveau French Business Climate Pledge, à l'issue de l'université d'été du Medef. Elles s'y engagent à flécher une partie de leurs investissements industriels et de R&D vers des solutions bas carbone. Pour les jeunes du "Manifeste étudiants pour un réveil écologique", il y a urgence à ce qu'elles prennent la mesure des enjeux, au risque d'avoir de gros problèmes de recrutement. Ils promettent un guide "anti-greenwashing" à destination des jeunes diplômés.
"Vous aurez des devoirs à faire en rentrant", lance Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric, aux patrons réunis pour la plénière de clôture de la REF ("rencontre des entrepreneurs de France"), nouveau nom de l'université d'été du Medef, qui se tenait à Paris les 28 et 29 août 2019. Jeudi soir, une centaine d'entreprises, représentant plus de 1 650 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 6 millions d'emplois dans le monde, ont pris des engagements pour la lutte contre le dérèglement climatique en signant un nouveau French Business Climate Pledge.
Elles y affirment, souligne le Medef, "la nécessité de changer collectivement de cap en accélérant l’innovation et la R&D à travers leurs investissements dans des solutions bas carbone, afin d’engager une baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la planète". Tels sont les "devoirs". "Désormais, on fera tous les ans le point, promet le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux. On ne peut pas rentrer en décroissance, mais on ne peut pas continuer à produire en émettant autant de CO2."
En décembre 2017, 91 entreprises avaient déjà pris des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre en signant le French Business Climate Pledge, lors du One Planet Summit voulu par Emmanuel Macron au lendemain de la COP23.
Elles promettaient d'investir 60 milliards d’euros dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et d’autres technologies bas carbone sur la période 2016-2020. Objectif largement dépassé : selon le Medef, elles auraient investi 68 milliards d’euros en seulement deux ans (2017-2018).
Ce coup-ci, pour 2020 à 2023, si l'on en croit les promesses des 55 entreprises (sur les 101 signataires, jeudi soir) ayant transmis leurs prévisions d’investissements : 73 milliards d’euros seront injectés dans "les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, le déploiement d’autres technologies bas carbone, et de pratiques agricoles durables".
Parmi les "pionnières", Engie s'affiche comme élève modèle. L'énergéticien aurait "atteint voire dépassé [ses] engagements pris en 2017" : - 28,7 % d'émissions de CO2 par kWh en 2020 par rapport à 2012 (alors que l'objectif fixé en 2017 n'était que de - 20 %), une part de 24,8 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique (l'objectif était de 25 % en 2020), désengagement de 75 % des actifs charbon. Cette année, Engie s'engage à être "compatible à 2°C d'ici 2050" et à réduire de 85 % ses émissions directes dans le monde.
"Notre modèle a touché ses limites, et ce n'est pas un signal faible, c'est extrêmement vibrant", plaide Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie. À la tête "d'un des premiers émetteurs de gaz à effet de serre du monde", elle a sérieusement impulsé la transition "il y a trois ans". "On était entre 5 et 10 % de décroissance organique. Aujourd'hui, on est passé à 5-6 % de croissance ! On a amélioré notre profitabilité, on est reparti dans le bon sens. Les entreprises qui n'intègrent pas ça vont disparaître", prévient-elle.
Sur scène, face à ses adhérents mais aussi à la ministre de la transition écologique Élisabeth Borne, le Medef a fait venir les deux étudiants porte-parole du "Manifeste étudiant pour un réveil écologique". La veille, ils discutaient de façon informelle avec la secrétaire d'État Brune Poirson, qui les a incités à "ne rien lâcher", promettant un rendez-vous au ministère.
Ils n'y vont pas avec le dos de la cuillère. Théo Miloche a fustigé l'intervention de Nicolas Sarkozy qui, quelques heures plus tôt, ironisait sur Greta Thunberg et déclarait une nouvelle fois que la crise climatique est avant tout une crise démographique. "On ne peut plus se permettre d'être aussi léger", s'agace le jeune homme.
Publié il y a un an, le manifeste a rapidement atteint les 30 000 signataires, issus de 300 établissements de l'enseignement supérieur, avec deux objectifs principaux : interpeller grandes écoles et autres universités sur les insuffisances de leurs programmes quant à la question climatique, et mettre la pression sur les entreprises en pointant l'absence d'engagements à la hauteur des enjeux.
"À quoi bon aller travailler à vélo, si c'est pour travailler pour une entreprise qui pollue, dont l’activité contribue à accélérer le changement climatique et l’épuisement des ressources ?", lance Théo Miloche. Et de prévenir les patrons : "Le changement climatique induit chez vous des risques économiques, juridiques ou encore assurantiels. Mais nous sommes ici pour vous dire que vous allez également rencontrer un risque de recrutement des jeunes diplômés si vos entreprises ne réagissent pas."
Le mouvement promet un guide "anti-greenwashing" pour aider les étudiants. Un questionnaire sera envoyé à une centaine d'entreprises courant septembre. Emmanuelle Huet présente quelques uns des critères qui serviront à élaborer le guide : "Avez-vous mis en place une formation d’au moins 20 heures sur les problématiques environnementales pour les dirigeants et cadres ? Une comptabilité carbone en interne ? Prenez-vous en compte les enjeux carbone dans votre revue d'actifs ?".
"Le temps n'est plus au greenwashing, mais à rendre des comptes, à des consommateurs et des investisseurs de mieux en mieux informés, réellement soucieux de la durabilité des biens et des services", déclare la ministre Élisabeth Borne. Elle fait remarquer qu'"au nom de la compétitivité, certaines pratiques ont été tolérées, certains projets encouragés en dépit de leur coût environnemental" et que "le marché a longtemps ignoré le prix des atteintes à l’environnement".
C'est Bertrand Piccard, psychiatre et aéronaute suisse, l'homme du premier tour du monde en ballon et en avion solaire, qui avait ouvert cette plénière clôturant la REF 2019. Quelques jours plus tôt, il s'adressait aux chefs d'État du G7 à Biarritz, invité par Emmanuel Macron, défendant une "croissance qualitative" – qu'il oppose à la décroissance et à la "croissance quantitative" actuelle. "La dégradation de la planète augmente de façon exponentielle, quand les réponses apportées avancent de manière linéaire. À chaque instant, l'écart entre ce qu'on fait et ce qu'on devrait faire se creuse", expose-t-il.
Il assure avoir regardé de près les engagements du Climate Pledge. "Tout ce qui est dedans est remarquable, mais tant que cela reste entre pionniers volontaires, cela ne marchera pas. Cela ne marchera que si les entreprises aujourd'hui encore récalcitrantes sont obligées de s'aligner". Bertrand Piccard appelle les entreprises à "demander aux politiques de rendre obligatoires les mesures que prennent spontanément les pionniers" : "La balle est dans votre camp."
► Le 29 août 2019, à l'issue de la REF, le Medef annonçait 101 entreprises signataires : Accor, Groupe ADP, AG2R, Airbus, Air France-KLM, Air Liquide, Alstom, ArcelorMittal, ARKEMA, ARMOR, Atos, Auchan Retail, Avril, AXA, Bel, BIC, BNP Paribas, Bouygues, Bureau Veritas, Groupe Capgemini SE, Carrefour, Groupe Casino, CETUP, CNP Assurances, Crédit Agricole, Danone, Derichebourg, DRT, Ecocean SAS, Edenred, EDF, Eiffage, Enedis, ENGIE, ENVEA Group, Eramet, Eurazeo, EUROPCAR MOBILITY GROUP, Eurostar Engineering Plastics, Faurecia, GECINA, GSE, Hermès International, HOROQUARTZ, Icade, Imerys, Ingenico Group, Ipsen, JCDecaux, KEM ONE, Kering, Korian, L'Oréal, Groupe La Poste, Les Tissages de Charlieu (LTC), LafargeHolcim, Legrand, LVMH, Michelin, Nexans, Orange, Orano, Orrion Chemicals Orgaform, Pellenc ST, Pernod Ricard, Plastic Omnium, Groupe PSA, Publicis Groupe, Qwant, Groupe RATP, Rémy Cointreau, Groupe Renault, Rexel, RTE, Groupe SACRED, Safran, Saint-Gobain, Sanofi, SCARA, Schneider Electric, SCOR, Groupe SEB, SEQENS, Société Générale, Sodexo, Solvay, Sonepar, Sopra Steria, Groupe SPHERE, STMicroelectronics, SUEZ, Sunna Design, TechnipFMC, Thales, Total, Unibail-Rodamco-Westfield, Vallourec, Veolia, VINCI, VIVENDI, Worldline. ► Le Medef précise que "l’ensemble du CAC 40 et du SBF120, les principaux réseaux d’entreprises ont été sollicités (Medef, AFEP, Global Compact, Entreprises pour l’Environnement)" et que 22 entreprises ont rejoint l’initiative en 2019 : Atos, Bureau Veritas, Capgemini, Casino, CNP, Edenred, Eramet, Eurazeo, Europcar, Gecina, Hermès, Ingenico, Ipsen, KemOne, Korian, Orrion Chemicals Orgaform, RTE, Safran, SEB, STMicroelectronics, Vivendi, Worldine. ► En revanche, 14 entreprises signataires en 2017 "n’ont pas souhaité rejoindre l’initiative en 2019" : Agralis, Aqylon, Arjowiggins, Chevalier Cleret Eltec, Elior, Essilor, Guard Industrie, LAB, MTB Recycling, Rhodia Acetow, Rocher, SmartHome, SNCF (qui devrait finalement signer cette semaine), Verteego. |
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La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)
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