"Rien ne serait pire que de revenir à nos habitudes sans avoir appris de cette crise"

"Rien ne serait pire que de revenir à nos habitudes sans avoir appris de cette crise"

03.06.2020

Gestion du personnel

Avec Nicolas Bourgeois, Gilles Verrier est co-auteur du livre "Les RH en 2030, 30 pistes concrètes pour réinventer l'entreprise", qui paraît aujourd'hui. Pour cet ancien DRH passé par Philips et Decathlon, fondateur du cabinet Identité RH, les entreprises devront capitaliser sur la crise du Covid-19 pour accélerer les mutations à venir, qu'elles soient organisationnelles, managériales ou relationnelles.

Pourquoi écrire aujourd’hui un livre sur 2030 (*) ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Dans notre activité de conseil, nous sommes en permanence en veille sur les bonnes pratiques des entreprises mais aussi sur ce qui émerge et sur les tendances innovantes. Si nous nous sommes projetés à l’horizon 2030, c’est parce que cette échéance permet à la fois de fixer un cap accessible et d’identifier des pistes concrètes de transformation à décliner par étapes successives. Certaines sont d’ores et déjà à l’œuvre dans les entreprises, nous les avons expérimentées. D’autres sont en gestation. La crise du Codiv-19 pourrait bien accélérer ce passage à l’acte.

Pourquoi ? Quelles leçons tirer de la crise sanitaire ?

Pendant la pandémie, les entreprises ont dû mettre en œuvre de façon concrète et rapide des modalités jusqu’ici inédites chez certaines, avec par exemple le déploiement du télétravail à grande échelle, des pratiques de management basées sur la confiance et l’autonomie, de nouveaux modes relationnels. Ces expériences laisseront des traces. Demain les entreprises devront capitaliser sur ces pratiques. Rien ne serait pire que de revenir à nos habitudes sans avoir appris de cette crise. Il s’agit d’une opportunité pour les RH d’ouvrir le "champ des possibles", en œuvrant à réconcilier l’économique et l’humain.

Sur quoi les entreprises peuvent-elles d’ores et déjà capitaliser ?

Durant le confinement, plusieurs enjeux ont pris une importance accrue : le maintien du lien social, la place du facteur humain dans l’entreprise, les solidarités, la contribution sociétale, le modèle social, la mobilisation des collaborateurs. Les réponses que les entreprises ont déployées sont des repères pour construire le futur. Demain, l’entreprise ne s’interrogera pas uniquement sur sa raison d’être telle que définie dans la loi Pacte, mais elle devra plus profondément redéfinir sa finalité, ses valeurs, la responsabilité sociétale qui est la sienne, en se focalisant sur ce que vivent et attendent les collaborateurs. Concrètement, au-delà de la finalité économique, quelle est son utilité ? L’optimisation des revenus des actionnaires ne peut être l’unique finalité, avec des salariés gérés comme des variables d’ajustement. La fixation de cette ambition peut être un levier d’engagement important en constituant une boussole pour les salariés.

Demain, loin des discours marketing, l’entreprise devra accorder sa parole et ses actes. Elle devra construire un projet partagé. La stratégie doit devenir l’affaire de tous. Au risque sinon de générer de la frustration, de la distanciation vis-à-vis de l’entreprise, voire une perte d’engagement important.

Vous proposez justement un nouveau contrat social. Quelles sont ses composantes ?

Que le terme utilisé soit celui de contrat social, d’"Employee value proposition", de "deal" ou encore de "promesse employeur", il s’agit de définir ce qui structure et maintient le lien entre l’entreprise et le collaborateur. Pour ce faire, elle va devoir passer au crible les différentes dimensions RH afin d’identifier les contributions que chacune peut apporter au projet stratégique : responsabilité confiée, pratiques de management, développement des compétences, ambiance de travail, rétribution, conditions de travail, perspectives d’évolution.

Chaque entreprise aura besoin de définir sa propre identité en tant employeur.

Vous insistez sur l’importance de repenser les organisations. Pourquoi ?

La crise a par exemple démontré aux entreprises jusqu’ici réticentes que le travail à distance pouvait fonctionner, elles devront en tirer les conséquences. La période post confinement sera l’occasion de penser le travail "hors les murs" tout en veillant à maintenir le lien social.

Plus largement, l’enjeu va consister à construire un nouveau modèle basé sur la confiance, l’autonomie et la responsabilité, en abandonnant les postures "parents-enfants" qui caractérisent encore les rapports de certaines entreprises avec leurs collaborateurs. Les managers ont un rôle crucial à jouer dans cette transformation, en abandonnant le mode de management "command and control", calqué sur le modèle patriarcal à l’ancienne.

Quels sont leurs leviers d’action ?

Parmi les pistes à travailler, le développement d’une nouvelle approche de la transformation. Non pas avec des démarches supposées participatives servant de caution ou d’alibi. Dans de trop nombreux cas encore, l’entreprise n’attend des collaborateurs que la mise en œuvre de mesures décidées par d’autres.

L’entreprise devra également intégrer le besoin croissant d’équité et de transparence, notamment en matière de rémunération. Elle devra préciser ce que rémunère chacune des composantes de la rétribution (fixe, variables individuels et collectifs, benefits…). Il n’est pas rare qu’il y ait confusion sur le sujet.

Comment la fonction RH va-t-elle évoluer en 2030 ?

La gestion RH récurrente pourra être optimisée grâce aux technologies. En 2030, les activités administratives seront toujours placées sous la responsabilité de la DRH. Mais à cette échéance, les entreprises auront poussé plus loin la logique d’automatisation, en développant de nouvelles fonctionnalités, disponibles sur les mobiles des salariés.

Les RH vont aussi s’approprier l’analytique RH. Par exemple en développant le recrutement prédictif pour présélectionner des candidats en fonction des attentes et des critères d’évaluation du client. L’objectif étant d’établir, à l’aide d’algorithmes, des corrélations entre la performance et les comportements, c’est-à-dire d’identifier les postulants qui ont les plus fortes probabilités de s’adapter à l’environnement de l’entreprise, sa culture et son collectif de travail. Ou bien en réinventant les démarches de GPEC par l’analyse des compétences et des métiers ainsi que leurs évolutions futures. L’analyse des données individuelles permettra de mesurer les risques de démission, au regard des départs antérieurs ou d’identifier les opportunités d’évolution le plus pertinentes ainsi que les plans de développement de compétences permettant de combler le déficit de compétences.

Cela suppose toutefois que le praticien RH ait un regard critique et une connaissance précise du fonctionnement et des résultats qui peuvent être attendus par ces outils.

Enfin, les DRH ne pourront plus se cantonner à la gestion du quotidien. Ils ont apporté pendant la crise la preuve de leur légitimité. Ils doivent conserver ce rôle de gestion en première ligne des transformations, en intervenant en amont des sujets stratégiques. Quitte à faire entendre une voix différente au sein des Codir.

 

(*) "Les RH en 2030, 30 pistes concrètes pour réinventer l'entreprise", de Gilles Verrier et de Nicolas Bourgeois, Editions Dunod.

Anne Bariet
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