Chaque semaine, retrouvez notre interview sur un sujet d'actualité. Thierry Leprince, expert-comptable et fondateur de la société de conseil Triskelis, livre son point de vue sur la transformation numérique des cabinets, le partage des tâches avec le client et l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché.
Le congrès de 2015 [dont le thème était le numérique] a permis une prise de conscience de la majorité des cabinets, même si une minorité y pense depuis longtemps. Puis il y a eu la période fiscale… Ce sont les cabinets de petite et moyenne taille qui sont les plus impactés par les nouveaux process et les nouvelles méthodes de travail. Ceux-ci commencent à bouger mais beaucoup n’ont pas encore franchi le cap, par manque de temps : il faut mobiliser les esprits, adopter une stratégie d’entreprise. Ce qu’on ne fait pas dans la profession : les cabinets n’ont pas de ligne directrice, ni de ligne de service homogène. C’est un frein au développement. L’économie numérique nécessite une stratégie d’entreprise. De plus, la plupart de la profession n’est pas digitale native. Mais je reste optimiste.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
La dématérialisation de A à Z est un des axes de cette transformation numérique. Pour le traitement de l’information et la restitution, nous avons tous les outils. Là où le bât blesse, c’est au niveau de la collecte de l’information, c’est-à-dire l’arrivée de toutes les informations (sauf les données sociales) chez l’expert-comptable sous forme numérique.
Pour les opérations de caisse et les factures de ventes, des systèmes permettent d’aller plus vite (saisie et scan par OCR…). Mais aujourd’hui, peu de cabinets demandent les fichiers de facturation de l’entreprise ; on en est encore aux tableaux Excel ! On perd un temps incommensurable !
Concernant les mouvements bancaires, beaucoup de cabinets saisissent encore à la main les extraits de banques. Dans mon ancien cabinet, avant la saisie automatique, on ne pouvait traiter que 250 lignes par heure. Après le virage numérique, on digérait 1,6 million de lignes ! Imaginez le gain de temps ! Trois opératrices de saisie ont vu disparaître leur fonction mais ont été affectées à des tâches plus valorisantes.
Les factures fournisseurs nécessitent quant à elles l’intervention du client (pour scanner les documents…).

Ce partage des tâches avec le client est-il une pratique à développer ?
Obligatoirement. Le travail collaboratif doit être mis en place dans les cabinets.
En gros, 10% des clients s’y mettent tout de suite, 10% sont "indécrottables" et 80% constituent le vendre mou qu’il faut convaincre. Cela prend du temps, de 6 à 9 mois. Voici un scénario possible à appliquer par les cabinets : pendant 3 mois, le client apporte ses pièces au cabinet, le collaborateur les scanne avec lui et le client repart avec ses documents. Les 3 mois suivants, le collaborateur se rend chez le client avec son scan, numérise sur place et le client voit que c’est très simple. Le collaborateur est acteur dans la conviction du client, ainsi que dans son éducation car le client ne doit pas scanner n’importe quoi.
On doit s’y préparer en amont. Lors de l’établissement de la lettre de mission, l’expert-comptable doit négocier sur la base du prix de vente, et non sur le prix de revient, quand il propose un travail collaboratif. Car la partie "saisie" est nécessairement moins élevée. Contractuellement, il doit décomposer le prix de vente pour valoriser les tâches de révision et de restitution.
Les cabinets doivent employer les techniques de dématérialisation, mais sans perdre cette activité. Si on perd la tenue comptable, on perd le client. Car le client ne peut pas faire toute la tenue ; les saisies les plus complexes seront toujours réalisées par le cabinet (par exemple, ventilation sur certaines opérations : pièces enregistrées par la banque, appels de cotisation du RSI…).
Les collaborateurs oublient que le numérique ne vaut que par la chaîne qu’elle représente (....client – collaborateur...). Tous les maillons de cette chaîne doivent être numérisés pour que ça marche. Le numérique est un ensemble de tâches qui nécessitent du temps, de la pédagogie et de la formation.

Que pensez-vous de l’arrivée de nouveaux acteurs qui proposent des offres de comptabilité en ligne ?
Ils ont forcément leur place. Ils s’adressent à une nouvelle génération d’entrepreneurs qui ont moins besoin d’un expert-comptable. Une partie du marché va basculer chez ces nouveaux acteurs qui proposent des solutions en ligne. On peut citer Intuit (Quickbooks), Exact (qui met en place des agents commerciaux régionaux), Compta-clémentine ou encore l’australien Exo parmi tant d’autres. Ce n’est pas une menace pour la profession, sauf pour les cabinets qui ne bougent pas.
On a les capacités technologiques et 5-10% des clients y sont favorables. Mais la relation de visu me semble indispensable, à condition de développer de nouveaux services. Cela nécessite notamment de mettre à jour son fichiers clients. Par exemple, peu de cabinets connaissent la part de tenue comptable dans leurs dossiers.
Le cabinet est un Big data à lui tout seul. Nous avons une masse d’informations à portée de main, que beaucoup nous envient. Les cabinets oublient qu’ils sont avant tout des chefs d’entreprises.
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