"Solvay France finance les adhésions syndicales pour développer l'engagement syndical de ses salariés"

"Solvay France finance les adhésions syndicales pour développer l'engagement syndical de ses salariés"

06.06.2016

Gestion du personnel

C’est un accord inédit, signé sur la base de la loi Rebsamen. Solvay France prévoit la fusion des DP et du CHSCT, valorise les parcours syndicaux et encourage financièrement les adhésions syndicales. Le détail des mesures avec Jean-Christophe Sciberras, directeur des relations sociales et de l’innovation sociale groupe, DRH France de Solvay.

Vous avez conclu, le 31 mai, l’un des premiers accords majoritaires sur la fusion des IRP, avec la CFDT et la CFE-CGC. Comment avez-vous procédé ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous avons constitué des groupes de travail dès septembre 2015, pour établir un état des lieux de notre dialogue social (heures de délégation, nombre de titulaires, d’instances…) et partager un diagnostic commun quantitatif et qualitatif. L’un des objectifs était d’adapter la représentation du personnel à la nouvelle configuration du groupe, suite à l’intégration de Rhodia par Solvay, en 2011. Or, depuis cette date, le CCE de Solvay, le CCE Rhodia et le comité de groupe Solvay coexistaient toujours. Pour un groupe de notre taille (6 000 salariés en France), cette multiplicité d’instances centrales de représentation était excessive. Les mêmes sujets étaient traités à plusieurs endroits différents : tout ceci est confus, fragmenté et du coup peu efficace. Il s’agissait donc de travailler sur ce "mille-feuilles" social. D’où l’idée de saisir l’opportunité offerte par la loi Rebsamen, en fusionnant certaines de nos instances représentatives du personnel. Au préalable, toutefois, il a fallu dénoncer les accords et usages existants dans ce domaine pour permettre cette remise à plat. Mais le sujet était difficile, à la fois pour les organisations syndicales et les services RH. Car nous commencions un page blanche. Le risque était d’aboutir à un échec. Avec à la place de notre précédent accord, l’application des dispositions légales moins-disantes que nos accords et usages antérieurs.


Il s'agissait de travailler sur le mille-feuilles social, lié à la multiplicité des instances de représentation 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Quelles ont été les étapes de la négociation ?

Nous avons procédé à la création d’une unité économique et sociale (UES) couvrant l’intégralité des 20 entités de Solvay en France, comprenant les 14 sites industriels, les centres de Recherche & innovation ainsi que les sites tertiaires. C’est dans ce cadre unifié que les instances de représentation du personnel exercent désormais leurs attributions. Dès lors, le comité central d’entreprise unique se substituera aux 2 CCE existants et au comité de groupe France, dès ce mois de juin. Ce nouveau CCE est doté, en outre, d’une instance nationale traitant des sujets transversaux d’hygiène, de sécurité, d’environnement et de développement durable. Il nous permettra ainsi d’avoir un dialogue social couvrant l’ensemble de la France.


Cette disposition a fait l’objet d’un pré-accord, en novembre dernier, signé par l’ensemble des organisations syndicales. Y compris la CGT.


C’était une avancée importante car ce pré-accord nous a permis de poursuivre les négociations et d’appréhender, dans un climat serein, la fusion des instances au niveau local, c’est-à-dire au niveau des établissements.



Le nombre de mandats titulaires va diminuer mais l’instance disposera de suppléants et de représentants syndicaux 
Quelle est désormais la nouvelle configuration au niveau local ?

Dans les établissements de moins de 100 salariés et tertiaires, une instance unique de représentation du personnel regroupera les missions de délégués du personnel, du comité d’établissement et du CHSCT. Dans les établissements industriels ou les plus importants, ce sont les CHSCT et les DP qui ont été fusionnés (le comité d’établissement demeurant à part) dans une nouvelle instance qui est dénommée comité d’hygiène sécurité environnement-conditions de travail-développement durable (CHSECT-DD). Ce regroupement sera effectif lors des prochaines élections professionnelles, en mars 2018. A cette date, cette nouvelle instance (CHSECT-DD) se réunira tous les deux mois (toutes les  6 semaines pour les sites SEVESO). Les questions des DP ne seront inscrites à l’ordre du jour que si elles n’ont pas trouvé de réponse auprès des RH. Le nombre de mandats titulaires va diminuer, si l���on compare au cumul des actuels DP et CHSCT, mais l’instance disposera de suppléants et de représentants syndicaux (limités jusque-là aux établissements de 300 salariés et plus).


Quelles sont les autres contreparties proposées ?

L’accord attribue un crédit global de 400 jours-hommes aux coordinateurs des trois syndicats représentatifs au niveau national chez Solvay, calculé en partie selon leur poids électoral, pour leur permettre de réunir leurs adhérents. Même chose au niveau local : un crédit global de 200 à 600 heures (selon la taille de l’entité) sera réparti entre les délégués syndicaux de chaque établissement, pour animer la vie des sections syndicales, les délégués ayant eux-mêmes un crédit d’heures augmenté (25 heures par mois, quelle que soit la taille de leur établissement).



 Dans 5 ans, la moitié de nos représentants ne seront plus là
L’accord fait aussi la part belle aux parcours syndicaux ?

C’est l'un des points clefs du texte : reconnaître les compétences acquises par les salariés dans le cadre de l’exercice de leur mandat. Concrètement, nous nous engageons à valoriser les parcours des représentants du personnel afin d’attirer vers ces fonctions des collaborateurs qui pouvaient jusqu’ici hésiter à s’engager. L’enjeu est crucial : dans 5 ans, la moitié de nos représentants ne seront plus là. L’accord prévoit ainsi des entretiens professionnels, l’aménagement de la charge de travail, mais aussi la responsabilité donnée aux DRH de gérer les carrières des représentants dans un cadre de règles d’évolutions de rémunération et de classification clarifiées. A titre expérimental, nous proposons la mise en place d’un dispositif de validation des acquis de l’expérience syndicale (VAES). L’accord prévoit également des garanties d’évolution des rémunérations pour tous les représentants qui disposent d’un mandat d’au moins 30% de leur durée du travail.


Et au niveau des salariés ?

Solvay remboursera, à partir de 2017, la partie des cotisations syndicales restant à la charge des salariés, après crédit d’impôt. Nous souhaitons ainsi disposer d’organisations syndicales puissantes, car s’appuyant sur un nombre d’adhérents significatif pour permettre une réelle représentativité des salariés. Pour l’heure, nous sommes dans la moyenne des entreprises privées, environ 5% de salariés syndiqués. Un organisme extérieur indépendant vérifiera le nombre et le montant des adhésions déclarées par chaque syndicat représentatif. L'entreprise n'aura, bien sûr, pas accès aux noms des intéressés. Elle versera ensuite une subvention correspondant au reste à charge à chaque syndicat, lequel les redistribuera à ses adhérents.


Parallèlement, les managers de Solvay vont désormais bénéficier d’une formation étendue aux enjeux et à la pratique du dialogue social, afin de compenser l’absence de ce type de formation au sein des universités et des grandes écoles.

Anne Bariet
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