Cette année encore, les dossiers qui concernent la profession comptable française sont lourds de conséquences. Transition numérique des cabinets, finalisation de la réforme de l’audit ou encore avenir de la réglementation de l’expertise comptable font partie des sujets à traiter.
En avril 2015, Compta in touch rentrait dans le club très fermé des cabinets d’expertise comptable 100% en ligne exerçant en France. Cet acteur n’établit aucun contact physique avec ses clients. La communication se fait par mail, par téléphone ou par visioconférence. Ce cabinet n’est pas le seul en 2015 à avoir fait le choix du tout en ligne. Deux mois plus tôt, Ca compte pour moi lançait une offre totalement dématérialisée à destination des TPE de moins de 5 salariés qui peuvent tenir une comptabilité de trésorerie en cours d’exercice. Il propose des services en ligne tels que l'immatriculation de société, la comptabilité, la paie, le conseil ou encore la consultation d'un tableau de bord. En fin d’année, Terre de compta s’est positionné sur l’expertise comptable 100 % en ligne à destination des agriculteurs.
Ces trois exemples annoncent-ils une tendance lourde, celle de la transition vers l’expertise comptable entièrement en ligne, ou représentent-ils des exceptions qui confirment la règle selon laquelle les cabinets gardent une relation physique avec leurs clients ? Quelle que soit la réponse, le numérique sera de plus en plus présent dans la vie des cabinets. Cette mutation, dont on ne connaît probablement pas encore tous les aboutissants, leur générera des opportunités. Par exemple fournir des prestations plus rapidement, automatiser davantage la production de l’information, se concentrer sur la valeur ajoutée ou encore étoffer la palette d’activités.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Cette transition numérique représente aussi des défis à surmonter. Il est probable que la quasi-totalité des cabinets fonctionne encore cette année, et même l'année prochaine, avec un système hybride qui n’est pas simple à maîtriser dans lequel cohabitent des documents dématérialisés et papier. Cela soulève des difficultés organisationnelles, économiques et parfois même juridiques. Autre défi, celui de la cyber-sécurité. Les PME et les TPE, et donc notamment les cabinets et leurs clients, sont les plus vulnérables aux attaques informatiques. Pourquoi ? Parce que ces entreprises sont probablement autant agressées que les grandes, par exemple via les fraudes aux présidents de société ou par les rançons réclamées pour déverrouiller des fichiers bloqués par des pirates sans oublier les inconnues touchant les données stockées en ligne même en cas d'engagements contractuels du prestataire informatique. Or ces entreprises sont moins protégées que les grandes.
Compta in touch, Ca compte pour moi ou encore le — désormais — célèbre cabinet 100 % en ligne ECL direct s’adressent à des TPE implantées n’importe où en France. Si ce modèle réussit, cela signifie que la relation entre la TPE et le cabinet d’expertise comptable peut s’entretenir de façon déterritorialisée. Bref, plus besoin de proximité géographique. Conséquence : la protection, géographique donc, dont jouissent généralement les cabinets d’expertise comptable disparaîtrait. Mais la relation exclusivement à distance avec l’entreprise pose aussi des questions de compatibilité avec la règlementation de l’expertise comptable. Selon nous, plus le niveau d’assurance de la mission est élevé (de la présentation des comptes à l’audit contractuel en passant par l'examen limité), plus ce modèle en ligne est difficile à mettre en œuvre quand ce n’est pas impossible.
D’ici le 8 avril, l’ordonnance (ou les ordonnances) relative (s) aux sociétés interprofessionnelles du chiffre et du droit doit être publiée. Fruit de la loi Macron d’août 2015, la nouveauté consiste à autoriser certains professionnels du droit, tels que les avocats, les huissiers et les notaires, à travailler dans une même société que les experts-comptables. Cela signifie aussi que les commissaires aux comptes sont exclus de ces structures pour y exercer en tant que tel. Est-ce à dire qu'une société mixte d'expertise comptable et d'audit légal devra être scindée pour qu'elle puisse exercer, d'un côté, l'expertise comptable via la société interprofessionnelle du chiffre et du droit et, de l'autre côté, le commissariat aux comptes via la structure mixte de la profession comptable ? La question devrait être tranchée via cette ordonnance. D’autres points essentiels doivent être précisés tels que l’exercice exclusif, ou non, via la structure interprofessionnelle ou le respect du secret professionnel dans un contexte interprofessionnel.
D’ici là, la réforme de l’audit sera achevée en France. Les textes transposant la directive sur le contrôle légal des comptes et le règlement sur le contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public doivent être publiés d’ici fin mars. C’est-à-dire plus de cinq ans après la sortie du livre vert de la Commission européenne. Que va-t-il en ressortir ? Tout d’abord très vraisemblablement un changement de cadre conceptuel à la fois pour les entités d’intérêt public (EIP) et les autres entités. Même si cela ne devrait pas entraîner de conséquence à court terme sur les services non audit autorisés et interdits, cela marque toutefois une évolution juridique importante. La France passerait d’un système où ce qui n’est pas autorisé est interdit à un système où ce qui n’est pas interdit est autorisé. Parmi les questions qui restent en suspens se pose celle du périmètre d’audit. Le ministère de la justice, via sa directrice des affaires civiles et du Sceau, semble défavorable à une remontée des seuils d’audit légal. Mais cette position n’est pas forcément celle du gouvernement qui voulait, en 2013, aligner les seuils d’audit légal de la SAS sur ceux de la SARL avant de finalement décider de geler le dossier. Cette question devrait être tranchée à l’occasion de la transposition de la réforme européenne dans le droit national.
L’année 2016 et les suivantes seront également intéressantes à suivre en termes d’évolution stratégique du rôle du commissaire aux comptes. Depuis peu, ce dernier peut valider des données environnementales et sociales dans le cadre des obligations de RSE de certaines entreprises. La question qui se pose consiste à savoir si cette évolution du commissariat aux comptes à la française vers des missions extra-financières est symptomatique d’une tendance. Elle intéresse aussi l’expertise comptable qui pourrait se trouver davantage concurrencée. Ce sujet renvoie à la question récurrente du maintien de la réglementation de l’expertise comptable en France, cette caractéristique n’existant pas ou différemment dans les autres Etats de l’Union européenne. Le prochain congrès annuel de l’Ordre, qui se tiendra à Bruxelles, devrait à ce propos fournir une indication importante sur les possibilités de réussite de la grande ambition de Philippe Arraou : bâtir une Europe de l’expertise comptable. Pour y parvenir, le président du CSOEC compte notamment sur la mise en place d’une réglementation, communautaire donc, sur les services fiscaux. Un dossier à suivre en 2016 et au-delà.
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