Abus de confiance : non-lieu pour absence de remise insuffisamment motivé

11.04.2022

Gestion d'entreprise

La preuve de l’absence de remise précaire ne saurait résulter de l’autorité d’un jugement définitif du tribunal de commerce prononçant la liquidation judiciaire d’une société dont le dirigeant bénéficie en conséquence d’un non-lieu pour abus de confiance. En effet un tel jugement ne s’impose pas au juge pénal et constitue un élément soumis à la discussion des parties.

Un pilote de ligne avait créé une société qui avait conclu avec une compagnie aérienne un accord, simplement verbal, aux termes duquel la première société devait former moyennant rémunération le personnel navigant de la seconde société. Cet accord n’eut aucune suite en raison de la situation financière catastrophique de la seconde société dont la liquidation judiciaire fut prononcée trois ans plus tard par un jugement devenu définitif du tribunal de commerce. Le pilote formateur se constitua partie civile essentiellement du chef d’abus de confiance, soutenant que l’engagement de former le personnel navigant de la compagnie aérienne était une remise ayant nécessairement une contrepartie non réalisée en raison de son licenciement. Le juge d’instruction puis la chambre de l’instruction prononcèrent néanmoins un non-lieu, les juges d’appel relevant qu’il ressort du jugement du tribunal de commerce que non seulement aucun contrat n’a été signé, mais encore qu’aucun accord sur des prestations réciproques n’a été établi. Le jugement étant définitif, les juges en déduisent qu’il ne peut être constaté l’existence d’une remise précaire devant être suivie d’une contrepartie déterminée.

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Pour la chambre criminelle, en se déterminant ainsi la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision. En effet l’autorité de la chose jugée attachée à une décision, même définitive, d’un tribunal de commerce ne s’impose pas à une juridiction répressive et ne constitue pour elle qu’un élément soumis à la discussion des parties. La cassation est en conséquence prononcée au visa de l’article 593 du code de procédure pénale, texte imposant aux juges du fond d’adopter une motivation suffisante dans leurs décisions.

L’absence de toute autorité sur la juridiction pénale d’un jugement définitif d’un tribunal de commerce est une règle bien établie et, comme l’arrêt attaqué avait fondé le non-lieu sur ce jugement, sa motivation était très insuffisante et la censure inévitable. La cour d’appel de renvoi, si elle opte pour le non-lieu, pourra tirer argument du jugement du tribunal de commerce après un débat contradictoire à son sujet et, mieux encore, ajouter d’autres éléments pour étayer sa motivation.

Mais là n’est pas le plus intéressant et il convient de s’interroger sur la nature de la remise précaire envisagée – puis jugée faisant défaut – par la chambre de l’instruction. Cette remise précaire serait l’engagement pris par la société de la partie civile, à compter du 17 décembre 2000, de former le personnel navigant de la compagnie aérienne dirigée par la personne poursuivie pour abus de confiance. Le jugement du tribunal de commerce rendu le 5 décembre 2003 révèle qu’aucun accord n’a été signé et qu’aucun accord sur des prestations réciproques n’a été établi. La remise, aux termes de l’article 314-1 du code pénal doit porter sur des fonds, valeurs ou un bien quelconque. Il est plus que hasardeux de considérer un simple engagement oral de fournir une prestation de service comme un bien quelconque. Il n’y a pas de véritable remise et encore moins possibilité de détournement futur. C’est du vent ou presque. Le cadre de l’abus de confiance paraît ici complètement inadapté et le litige, sur ce point du moins, relever du droit commercial.

Wilfrid Jeandidier, Professeur agrégé des facultés de droit
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