Le gouvernement entend amplifier la coopération entre l'inspection du travail et les services judiciaires en cas de survenance d'accidents graves ou mortels. Une instruction indique de quelle manière le travail commun va être renforcé.
Selon les chiffres du gouvernement, 810 personnes sont décédées au travail en 2023 dont 38 âgées de moins de 25 ans et 590 000 accidents du travail ont été dénombrés dont 40 000 graves. Face à cette réalité, le gouvernement entend renforcer sa politique pénale. C'est ce qu'a dévoilé Le Monde le 9 juillet dernier avec la publication à venir d'une instruction du ministère du travail, de la santé, de la solidarité et des familles et du ministère de la justice. Cette instruction, que nous nous sommes procurés, doit permettre de renforcer la coordination entre l'inspection du travail et les procureurs de la République. Elle vise à compléter le plan de prévention des accidents graves et mortels présenté en 2022 et complété en février 2024, un sujet essentiel pour Astrid Panosyan-Bouvet qui répond ainsi à des demandes formulées par des victimes et leurs familles avec lesquelles elle travaille régulièrement depuis plusieurs années.
Ce renforcement de la politique pénale s'articule autour de deux axes, avec un volet "accompagnement".
D'une part, afin de prévenir le plus en amont possible la survenance d'accidents graves ou mortels, l'inspection du travail devra user largement de son pouvoir de verbalisation pour les infractions à la législation sur la sécurité au travail (article L.8113-7 du code du travail) et ce, même en l'absence d'accident du travail.
L'instruction liste plusieurs points prioritaires :
- la prévention des risques de chutes de hauteur ;
- l'utilisation des équipements de travail et des moyens de protection non conformes aux prescriptions techniques de sécurité ;
- la formation à la sécurité des travailleurs ;
- l'exposition à des agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques ;
- la protection des jeunes travailleurs et des travailleurs intérimaires.
D'autre part, il est demandé de donner priorité à la transaction pénale (instituée par l'ordonnance du 7 avril 2016) en l'absence de survenance d'un accident du travail.
Cette procédure, applicable à l'ensemble des infractions prévues à la 4e partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité des travailleurs, permet d'apporter une première réponse pénale rapide avec le paiement d'une amende transactionnelle et la régularisation par la prise de mesures complémentaires. Le texte indique que la transaction pénale sera "largement favorisée par les procureurs de la République et les Dreets, et sous l'autorité de ceux-ci, les DDETS, chaque fois qu'une mesure de régularisation sera possible et apparaîtra opportune pour concourir à la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise mise en cause".
Les procureurs de la République devront être vigilants et engager des poursuites lorsque les entreprises mises en cause auront refusé le principe d'une transaction pénale ou n'auront pas respecté les termes de la transaction homologuée.
Enfin, en cas d'accident grave ou mortel, une réponse pénale ferme et appropriée devra être apportée.
L'instruction insiste sur l'importance de bien veiller à identifier et à poursuivre l'ensemble des responsables impliqués dans la survenance d'accidents du travail. Si l'engagement de la responsabilité de la personne morale doit être privilégiée, des poursuites contre les personnes physiques doivent également être envisagées dès lors que les conditions juridiques de l'article 121-3 du code pénal sont remplies.
La peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision de condamnation pourra être enclenchée (article 131-35 du code pénal).
Par ailleurs, afin de responsabiliser davantage les maîtres d'ouvrage et les donneurs d'ordre, il conviendra de démontrer l'imputabilité de l'infraction d'homicide ou de blessure involontaire à toutes les personnes débitrices d'une obligation de sécurité au travail qu'elles soient impliquées en vertu d'un lien contractuel, licite ou illicite, ou qu'elles soient intervenues en l'absence de toute relation contractuelle.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
L'instruction insiste sur l'intérêt de la co-saisine des services de l'inspection du travail et de ceux de la police ou de la gendarmerie. Cette co-saisine doit permettre de limiter le temps des investigations à ce qui est strictement nécessaire pour caractériser les manquements en cause dans la survenance de l'accident et ainsi garantir la réparation des préjudices subis par les victimes ou leurs ayants droit dans des délais raisonnables. Les deux services saisis pourront ainsi se transmettre directement et réciproquement les pièces de procédure utiles à l'accomplissement de leur mission commune et, notamment, les procès-verbaux (éléments de constat, auditions) sans la nécessité de recueillir l'accord préalable du procureur.
Il est aussi recommandé la participation à l'audience de jugement des agents de l'inspection du travail afin qu'ils puissent présenter leurs observations orales ou écrites pour apporter une expertise technique aux juges.
L'instruction cite l'article 3 de la convention OIT n° 81 qui charge l'inspection du travail d'informer les victimes sur les différentes voies leur permettant de demander la réparation de préjudices résultant d'une atteinte à la santé en lien avec le travail.
Le document recommande aussi à l'inspection du travail de manifester à la victime et à ses proches toute l'écoute rendue nécessaire par les situations rencontrées et de les orienter vers des structures de soins et de conseil propres à les prendre en charge comme les unités médico-judiciaires et les associations d'aide aux victimes.
► A noter : cette instruction sera complétée par des fiches techniques qui seront diffusées aux services des parquets et de l'inspection du travail.
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