Accord vertical de revente à des prix minimum imposés : appréciation du degré de nocivité à l'égard de la concurrence
11.08.2023
Gestion d'entreprise

L’accord par lequel un fournisseur impose des prix minimum de revente à ses distributeurs n’est pas nécessairement restrictif de concurrence par son objet.
D’une jurisprudence européenne bien établie, il ressort que l’accord par lequel un fournisseur impose à un distributeur des prix minimum de revente de ses produits peut relever de l’interdiction des ententes édictée à l’article 101 TFUE. La Cour de justice de l’UE clarifie cette jurisprudence dans un arrêt du 29 juin 2023.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
En l’espèce, la Cour européenne était interrogée à titre préjudiciel par la cour d’appel de Lisbonne saisie d’un recours contre une décision du Tribunal portugais de la concurrence confirmant la condamnation, par l’Autorité nationale de la concurrence, d’un fournisseur de bières et autres boissons établi au Portugal, pour avoir enfreint l’article 101 TFUE en imposant des prix minimum applicables à la revente de ces produits par un réseau de distributeurs indépendants dans le canal de distribution de ce fournisseur, couvrant la quasi-totalité du territoire national.
Des réponses de la Cour aux questions préjudicielles qui lui étaient posées, il ressort que l’accord des distributeurs pour pratiquer des prix minimum de revente peut s’exprimer par leur consentement tacite, que cet accord peut être prouvé au moyen d’indices objectifs et concordants, qu’un tel accord n’est pas nécessairement restrictif de concurrence par son objet, et qu’il peut relever de l’interdiction de l’article 101 TFUE même s’il ne s’étend qu’à la quasi-totalité du territoire d’un Etat membre.
L’accord des distributeurs portant sur la revente aux prix minimum imposés par le fournisseur peut s’exprimer par leur consentement tacite
Selon une jurisprudence constante de la CJUE, pour qu’il y ait accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée. Un accord ne saurait donc se fonder sur l’expression d’une politique purement unilatérale d’une partie à un contrat de distribution.
Toutefois, un acte ou un comportement apparemment unilatéral constitue un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dès lors qu’en réalité, il est l’expression de la volonté concordante de deux parties au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n’étant pas déterminante par elle-même. Cette volonté concordante peut résulter de clauses du contrat de distribution contenant une invitation explicite à respecter des prix minimaux de revente, ou autorisant le fournisseur à imposer de tels prix. Elle peut également résulter du comportement des parties, tel qu’un acquiescement explicite ou tacite de la part des distributeurs à une invitation à respecter des prix minimaux de revente.
Le fait qu’un fournisseur transmette régulièrement aux distributeurs des listes de prix minimaux de revente et des marges de distribution, ou le fait qu’il leur demande de les respecter sous sa surveillance sous peine de mesures de rétorsion ne manifestent pas en eux-mêmes une volonté concordante.Ils expriment un comportement unilatéral du fournisseur qui peut cependant conduire à une volonté concordante, et donc à un accord, si les distributeurs respectent les prix indiqués. Il en est ainsi même dans le cas où les distributeurs se plaignent auprès du fournisseur des prix indiqués, mais sans pour autant les refuser en pratiquant des prix différents de leur propre initiative.
La volonté concordante constitutive d’un accord peut donc résulter de l’existence d’un acquiescement, explicite ou tacite, de la part des distributeurs.
Un accord de revente portant sur des prix minimum imposés peut être prouvé au moyen d’indices objectifs et concordants
Interrogée sur les moyens de preuve de l’existence d’un « accord » , au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, entre un fournisseur et ses distributeurs, la Cour rappelle qu’en l’absence de règles de l’UE relatives aux principes régissant l’appréciation des preuves et le niveau de preuve requis dans le cadre d’une procédure nationale d’application de l’article 101 TFUE, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque Etat membre de les établir en vertu du principe de l’autonomie procédurale. Mais les règles ainsi adoptées ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne, conformément au principe d’équivalence, ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’UE, conformément au principe d’effectivité.
Or, le principe d’effectivité exige, selon la Cour, que la preuve d’une violation du droit de la concurrence de l’UE puisse être apportée non seulement par des preuves directes, mais également au moyen d’indices, pourvu qu’ils soient objectifs et concordants. Il s’agit là d’une exigence pragmatique puisque l’existence d’une pratique concertée ou d’un accord visé par l’article 101 TFUE doit, dans la plupart des cas, être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence.
Un accord de revente à des prix minimum imposés n’est pas nécessairement restrictif de concurrence par son objet
Pour relever de l’interdiction de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord doit avoir pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur, le caractère alternatif de cette condition conduisant d’abord à la nécessité d’examiner l’objet même de l’accord sans rechercher ses effets sur la concurrence, dès lors que son objet est anticoncurrentiel. D’où l’importance de la notion de restriction de concurrence par objet qui, précise la Cour, « doit être interprétée de manière restrictive », et ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre des entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, de telle sorte que l’examen des effets de l’accord en cause n’est pas nécessaire. La Cour ajoute que si tel est le cas de certains accords horizontaux, les accords verticaux peuvent aussi, dans certaines circonstances, comporter un potentiel restrictif particulièrement élevé.
Dans tous les cas, et aux termes d’une jurisprudence constante, le critère juridique essentiel pour déterminer si un accord, qu’il soit horizontal ou vertical, comporte une restriction de concurrence par objet, réside comme déjà indiqué, « dans la constatation qu’un tel accord présente, en lui-même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence ». Afin d’apprécier si ce critère est rempli, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre, à son contexte économique et juridique, à la nature des biens ou des services considérés, ainsi qu’aux conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés concernés.
En outre, doivent être pris en compte les effets proconcurrentiels attachés à l’accord, dès lors que ces effets sont avérés, pertinents, propres à celui-ci et significatifs, puisque de tels effets peuvent permettre de douter raisonnablement du caractère suffisamment nocif de l’accord sur la concurrence.
Enfin, après avoir souligné que la notion de restriction par objet ne doit pas être confondue avec celle de « restriction caractérisée » employée par les règlements d’exemption de certaines catégories d’accords verticaux pour désigner les prix imposés, ces deux notions n’étant pas conceptuellement interchangeables et ne coïncidant pas nécessairement, la Cour conclut :
- que la constatation qu’un accord portant sur la revente à des prix minimum imposés comporte une restriction de concurrence par objet ne peut être effectuée qu’après avoir déterminé qu’il révèle un degré suffisant à l’égard de la concurrence,
- que la juridiction de renvoi ne saurait donc faire l’économie d’un examen de la nocivité de l’objet de l’accord en cause sur la concurrence, « au motif qu’un accord vertical de fixation de prix minimaux de revente constituerait en toute hypothèse ou serait présumé constituer une telle restriction par objet ».
On ne saurait être plus clair, la qualification de restriction de concurrence par objet d’un tel accord dépend de son examen préalable au regard des éléments rappelés par la Cour.
En d’autres termes, un accord de revente à des prix minimum imposés n’est pas nécessairement restrictif de concurrence par son objet.
Remarque : en adoptant cette position, la CJUE s’oppose à la tendance générale selon laquelle un accord vertical fixant des prix minimum de revente est en tant que tel restrictif de concurrence par son objet.
Un accord de revente à des prix minimum imposés ne s’étendant qu’à la quasi-totalité du territoire d’un Etat membre peut relever de l’interdiction de l’article 101 TFUE
L’accord portant sur la revente à des prix minimum imposés dans l’affaire au principal s’étendant à la quasi-totalité, mais non à l’intégralité du territoire du Portugal, la juridiction de renvoi demandait à la CJUE s’il était néanmoins susceptible d’affecter le commerce entre Etats membres au sens de l’interdiction de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, condition d’application de cette interdiction.
Il est de jurisprudence constante que cette condition est remplie lorsque l’accord en cause permet d’envisager avec un degré de probabilité suffisant, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échange entre les Etats membres, de manière à faire craindre qu’il puisse entraver la réalisation d’un marché unique entre lesdits Etats.
Etant rappelé qu’il est aussi de jurisprudence constante qu’une entente ne couvrant qu’une partie du territoire d’un Etat membre peut, dans certaines circonstances, être susceptible d’affecter le commerce entre Etats membres, la Cour répond à la juridiction de renvoi que la circonstance qu’un accord vertical de fixation de prix minimaux de revente s’étende à la quasi-totalité, mais non à l’intégralité du territoire d’un Etat membre n’empêche pas que cet accord puisse affecter le commerce entre Etats membres. Il appartient donc à cette juridiction de déterminer si, eu égard à son contexte économique et juridique, l’accord en cause est susceptible de remplir cette condition.
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