Action en justice : sort d'un appel "total"

13.02.2020

Gestion d'entreprise

Lorsque l'acte d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

Auparavant, l’appel était général sauf si l’appelant l’avait limité à certains chefs du jugement. Depuis le décret n° 2017-891 du 17 mai 2017, le principe est inversé: l’appel est limité aux chefs du jugement critiqués par l’appelant. L’appel général ne subsiste qu’à titre d’exception lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou lorsque l’objet du litige est indivisible.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible (C. proc. civ., art. 562). La mise en œuvre de cette règle passe par la déclaration d'appel qui doit préciser les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité (C. proc. civ., art. 901, 4°). La Cour de cassation estime que cette obligation a pour finalité de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel. Aucune atteinte n’est portée à la substance du droit d’accès au juge d’appel.

Le plaideur invoquait la violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l’espèce, un dirigeant est condamné à combler le passif et à une interdiction de gérer. Il dépose deux déclarations d’appel qui mentionnent seulement "appel total". La Cour de cassation tranche le sort de cet appel. Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. En l’absence de mention des chefs de jugement critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas. Cette absence constitue un vice de forme qui peut être régularisé par une nouvelle déclaration d’appel à condition d’intervenir dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1 du code de procédure civile. Les juges n’accordent aucune valeur à la mention d’un appel "total" : elle ne peut être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement. Ils refusent également tout effet de régularisation à des conclusions au fond qui énonceraient les chefs de jugement que l’appelant entendait critiquer.

La décision commentée reprend en grande partie les solutions données dans différents avis délivrés par cette même chambre le 20 décembre 2017 (Cass. avis., 20 déc. 2017, n° 17-70.034, n° 17-70.035 et n° 17-70.036 : Procédures 2018, comm. 69, obs. H. Croze.).

En revanche, les juges du second degré après avoir jugé que les deux déclarations d'appel ne déféraient à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué et que la cour n'est par suite saisie d'aucune demande, la cour d’appel a cependant confirmé le jugement. La censure intervient sur ce point précis : n’étant saisie d’aucune demande, la cour d’appel ne pouvait statuer sur le fond. Elle a donc excédé ses pouvoirs. La cassation est sans renvoi puisqu’elle intervient par voie de retranchement.

La circulaire du 4 août 2017 précisait déjà en ce sens que "l’effet dévolutif ne jouera pas en l’absence de critique expresse sur des chefs du jugement déterminés" et que "la cour ne sera pas saisie par un appel général en dehors de ces exceptions" (Circulaire du 4 août 2017 ; BOMJ n°2017-08 du 31 août 2017 – JUSC1721995C, p 6.). Le rapport de l’inspection générale de la justice sur la réforme de la procédure d’appel du 4 juillet 2019 arrive à la même conclusion (p 18.).
Jean-Pierre Legros, Professeur de droit privé, Université de Franche-Comté

Nos engagements