Action paulienne et qualité pour agir du liquidateur

29.03.2023

Gestion d'entreprise

Le liquidateur, qui représente l'intérêt collectif des créanciers a qualité pour exercer l'action paulienne contre un acte frauduleux ayant eu pour effet de soustraire un bien du patrimoine du débiteur soumis à la liquidation judiciaire et de réduire ainsi le gage commun des créanciers.

Le présent arrêt, à paraître au bulletin confirme la qualité pour agir du liquidateur en cas de fraude paulienne car elle soustrait un bien au patrimoine du débiteur et elle réduit le gage commun des créanciers de la procédure.

L’apport de la décision est significatif car la référence à la reconstitution du gage des créanciers n’est pas visée tout en expliquant implicitement le rejet. Surtout le liquidateur est conforté dans l’étendue de ses pouvoirs alors même que la répartition des dividendes profite exclusivement à certains créanciers.

La fraude est indéniable à la lecture des faits. Après l’échec d’une cession en vue d’une opération de promotion immobilière, une somme due au titre d’une indemnité d’immobilisation reste à payer par la société A. Cette dernière, avant d’être placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, a opéré un apport en nature de terrains litigieux et un apport en parts sociales à une société B privant la société A d’un bien et réduisant le gage commun de ses créanciers.

Cette fraude établie, la question de la qualité du liquidateur de la société A pour exercer l’action paulienne est posée. La Cour de cassation répond dans un attendu de principe que le liquidateur, qui représente l'intérêt collectif des créanciers en application de l'article L. 622-20 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-4 du même code, a qualité pour exercer l'action paulienne contre un acte frauduleux ayant eu pour effet de soustraire un bien du patrimoine du débiteur soumis à la liquidation judiciaire et de réduire ainsi le gage commun des créanciers, y compris lorsque la répartition des dividendes profite exclusivement à certains d'entre eux. La jurisprudence définissant les limites des pouvoirs du liquidateur est ici complétée.

L’arrêt apporte une précision intéressante sur les circonstances de l’espèce. Il est relevé en l'occurrence le transfert, sous le couvert d'un apport en nature, du patrimoine immobilier de la société A dans celui de la société B, la cession de l'ensemble des parts sociales de la société A au bénéfice des parents de son gérant au moyen d'une compensation fictive dénuée de contrepartie. Ainsi, le simple constat de la commission d’actes frauduleux à l’égard des créanciers par la société en liquidation judiciaire par la cour d'appel, suffit pour justifier sa décision de déclarer cet apport en nature inopposable à la procédure collective de la société A peu important que cette inopposabilité ne profite pas à l'ensemble des créanciers.

Cette dernière précision mérite d’être liée au constat de la fraude paulienne. Elle ne remet pas en cause le critère de la reconstitution de l’actif par l’action du liquidateur car l’inopposabilité de l’action en apport conduit nécessairement à ce résultat. Il ne faut pas « confondre la qualité à agir du liquidateur et l’efficacité concrète de son action ». L'intérêt collectif des créanciers s’apprécie plutôt au regard de l’appauvrissement du débiteur qu’à l’aune du règlement de tous les créanciers de la procédure. 

Laurence-Caroline Henry, professeur à l’université de Nice Sophia Antipolis

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