Activité partielle, consultation du CSE, prime exceptionnelle : une nouvelle ordonnance pour ajuster le droit à la crise sanitaire

Activité partielle, consultation du CSE, prime exceptionnelle : une nouvelle ordonnance pour ajuster le droit à la crise sanitaire

23.04.2020

Gestion du personnel

Le Conseil des ministres a adopté hier une nouvelle ordonnance dont certaines dispositions concernent le droit du travail : activité partielle, délais de consultation du CSE, prime exceptionnelle, accidents du travail et maladies professionnelles, titres de séjours. Détail de ces nouvelles dispositions qui viennent compléter l'arsenal législatif pour faire face à la crise sanitaire.

Modification du régime d'activité partielle

Le régime de l'activité partielle est une nouvelle fois modifié sur plusieurs points.

Régime social  des indemnités complémentaires

A compter du 1er mai 2020,  si le cumul de l’indemnité d’activité partielle avec l'indemnité complémentaire versée par l’employeur, en application d'un accord collectif ou d'une décision unilatérale, excède 70 % de 4,5 fois la valeur du Smic, la part de l'indemnité complémentaire versée au-delà de ce montant sera assujettie aux contributions et cotisations sociales applicables aux revenus d’activité. 
Autrement dit, l'indemnité complémentaire versée par l'employeur ne sera exonérée de cotisations que pour son montant inférieur à 3,15 Smic horaire, soit 31,97 euros. Au-delà de cette somme, l'indemnité complémentaire sera soumise à cotisations.
 Employeurs publics couverts

Certains salariés de droit privé d'employeurs publics peuvent bénéficier du dispositif d'activité partielle, dès lors que ces employeurs exercent à titre principal une activité industrielle et commerciale dont le produit constitue la part majoritaire de leurs ressources. Sont concernés :

  • les établissements publics à caractère industriel et commercial de l’Etat (Epic) ; 
  • les groupements d’intérêt public ; 
  • les sociétés publiques locales peuvent être placés en activité partielle dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre Ier de la cinquième partie du même code et par la présente ordonnance ; 
  • les entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'Etat ;
  • les établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) des collectivités territoriales ; 
  • les sociétés d'économie mixte dans lesquelles ces collectivités ont une participation majoritaire ;
  • les salariés non statutaires des chambres de métiers, des chambres d'agriculture, ainsi que les salariés des établissements et services d'utilité agricole de ces chambres ;
  • les personnels des chambres de commerce et d'industrie ;
  • les fonctionnaires de France Télécom placés hors de la position d'activité dans leurs corps en vue d'assurer des fonctions soit dans l'entreprise, en application du cinquième alinéa de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, soit dans l'une de ses filiales ;
  • les entreprises de la branche professionnelle des industries électriques et gazières soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières ;
  • dans le cas où l'Etat ne détiendrait plus la majorité du capital de La Poste, les personnels de la société anonyme La Poste. 

S'agissant des entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'Etat, les salariés relevant soit des établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales, soit des sociétés d'économie mixte dans lesquelles ces collectivités ont une participation majoritaire et des salariés des entreprises de la branche professionnelle des industries électriques et gazières soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières, ne sont concernés par le remboursement de la part d’allocation d’activité partielle financée par l’Unedic que celles qui sont en auto-assurance qui n'ont pas adhéré au régime d’assurance chômage. 

Prise en compte des heures supplémentaires structurelles dans l'assiette de l'indemnité d'activité partielle

Il est désormais possible de prendre en compte, dans les heures non travaillées indemnisables, les heures de travail au-delà de la durée légale ou collective du travail, dès lors qu’elles sont prévues par une stipulation conventionnelle ou une stipulation contractuelle conclue avant la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance. 

Ainsi, la durée stipulée au contrat pour les conventions individuelles de forfait ou la durée collective du travail conventionnellement prévue est prise en compte en lieu et place de la durée légale du travail. Il est tenu compte des heures supplémentaires prévues par la convention individuelle de forfait en heures ou par la convention ou l’accord collectif pour la détermination du nombre d’heures non travaillées indemnisées.

Individualisation de l'activité partielle

Enfin, l'ordonnance permet le placement en activité partielle de salariés de façon individualisée ou selon une répartition non uniforme des heures chômées ou travaillées au sein d’un même établissement, service ou atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle, lorsque cette individualisation est nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise d’activité, à la condition : 

  • que cela résulte de l'application d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut d'un accord de branche ;
  • ou à défaut d’accord, après avis favorable du CSE ou du conseil d’entreprise. 

L’accord ou le document soumis à l’avis du CSE ou du conseil d’entreprise doit notamment déterminer : 

  1. les compétences identifiées comme nécessaires au maintien ou à la reprise de l’activité de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier ;
  2. les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l’objet d’une répartition différente des heures travaillées et non travaillées ;
  3. les modalités et la périodicité, qui ne peut être inférieure à trois mois, selon lesquelles il est procédé à un réexamen périodique des critères mentionnés précédemment afin de tenir compte de l’évolution du volume et des conditions d’activité de l’entreprise en vue, le cas échéant, d’une modification de l’accord ou du document ;
  4. les modalités particulières selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés concernés ;
  5. les modalités d'information des salariés de l’entreprise sur l’application de l’accord pendant toute sa durée.

► L'ordonnance du 27 mars 2020 prévoit que l'accord des salariés protégés n'est pas nécessaire pour les placer en activité partielle pendant toute la période de crise sanitaire. La nouvelle ordonnance apporte une modification à cette disposition qui semble exclure cette dérogation en cas d'individualisation de l'activité partielle. En effet, l'ordonnance prévoit désormais que, pour imposer l'activité partielle à des salariés protégés, il est nécessaire que le régime d'activité partielle affecte "dans la même mesure" tous les salariés de l’entreprise ou du service. Toutefois, l'analyse de cette disposition fait débat. Nous avons demandé la position du ministère du travail.

Les accords conclus et les décisions unilatérales cesseront de produire leurs effets au plus tard le 31 décembre 2020. 

Cinq jours au lieu de deux pour déclarer un accident du travail

L’ordonnance prolonge les délais applicables aux procédures de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles. Beaucoup d’aspects de ces procédures sont concernés, du stade de la déclaration à celui de l’instruction. La prolongation concerne les délais qui expirent entre le 12 mars 2020 et une date qui sera fixée par arrêté (au plus tard un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, pour l’instant fixée au 24 mai).

Accidents du travail

Déclarations

Délai légal habituel

Durée de prolongation du délai par l’ordonnance

Durée totale prolongée

Déclaration de l’accident par la victime auprès de son employeur

24 heures suivant l’accident

24 heures

48 heures suivant l’accident

Déclaration de l’accident par l’employeur auprès de la CPAM

48 heures à partir du jour où l’employeur a connaissance de l’accident

Trois jours

Cinq jours à partir du jour où l’employeur a connaissance de l’accident

Déclaration de l’accident par l’employeur auprès de la CPAM lorsqu’un accident bénin entraîne ultérieurement un arrêt de travail ou des soins médicaux

48 heures suivant la survenance des circonstances nouvelles

Trois jours

Cinq jours suivant la survenance des circonstances nouvelles

Formulation de réserves auprès de la CPAM

10 jours francs à compter de la date de la déclaration d’accident du travail

Deux jours

12 jours francs à compter de la date de la déclaration d’accident du travail

Réponse au questionnaire sur les circonstances ou la cause de l’accident

30 jours francs à compter de la date de réception du questionnaire

10 jours

40 jours francs à compter de la date de réception du questionnaire

Délai à l’issue duquel la caisse décide d’engager des investigations complémentaires/statue sur le caractère professionnel de l’accident

30 jours  à compter de la réception de la déclaration d'accident du travail

 

Jusqu’à une date fixée par arrêté, au plus tard le 1er octobre 2020

 

 

Maladies professionnelles

Déclarations Délai légal habituel Durée de prolongation du délai par l'ordonnance Durée totale prolongée

Déclaration de la maladie professionnelle par la victime à la CPAM

15 jours à compter de la cessation du travail

15 jours

30 jours à compter de la cessation du travail

Déclaration de la maladie professionnelle par la victime à la CPAM dans le cas d’une révision ou d’un ajout de tableau des maladies professionnelles

Trois mois à compter de la date d’entrée en vigueur du nouveau tableau

Deux mois

Cinq mois à compter de la date d’entrée en vigueur du nouveau tableau

Réponse au questionnaire sur les circonstances ou la cause de la maladie

30 jours francs à compter de la date de réception du questionnaire

10 jours

40 jours francs à compter de la date de réception du questionnaire

Durée de mise à disposition du dossier dans le cadre de la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles

20 jours francs avant la prise de décision par la CPAM

20 jours

40 jours francs avant la prise de décision par la CPAM

Délai à l’issue duquel la caisse décide d’engager des investigations complémentaires/statue sur le caractère professionnel de la maladie

Trois mois  à compter de la réception de la déclaration de maladie professionnelle

 

Jusqu’à une date fixée par arrêté, au plus tard le 1er octobre 2020

 

Rechutes/nouvelles lésions

Déclarations Délai légal habituel Durée de prolongation du délai par l'ordonnance Durée totale prolongée

Réponse au questionnaire en cas de rechute ou nouvelle lésion

30 jours francs à compter de la date de réception du questionnaire

Cinq jours

25 jours francs à compter de la date de réception du questionnaire

Délai à l’issue duquel la caisse rend sa décision

60 jours francs à compter de la réception du certificat médical mentionnant la rechute ou nouvelle lésion

 

Jusqu’à une date fixée par arrêté, au plus tard le 1er octobre 2020

 

L’ordonnance précise que dans le cadre de la procédure de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles, le salarié et l’employeur peuvent produire des éléments qui n’étaient pas présents au dossier au moment de la consultation des pièces. Si tel est le cas, une nouvelle consultation doit être organisée pour les parties avant que la caisse ne se prononce.

L’ordonnance ajoute que l’introduction des demandes d’expertises médicales ainsi que des recours préalables bénéficie de la prorogation des délais permise par l’ordonnance du 25 mars 2020. Les délais de mise en œuvre des expertises et ceux relatifs aux conditions d’examen des recours sont également prorogés de quatre mois.  

Les délais de consultation du CSE vont être réduits

L'ordonnance permet au gouvernement de raccourcir, durant cette crise sanitaire, les délais d'information, de consultation du CSE, mais aussi les délais de réalisation des expertises lancées par le comité, des délais déjà strictement encadrés depuis la loi Rebsamen. Actuellement, en l'absence d'accord collectif, le comité social et économique (CSE) dispose, pour rendre son avis, d'un délai d'un mois, ce délai étant porté à deux mois si le comité recourt à une expertise, et à trois mois lorsque plusieurs expertises concernent à la fois le niveau central (comité social et économique central) et un ou plusieurs établissements.

Le texte de l'ordonnance renvoie à un décret, qui est annoncé par le ministère du travail pour la semaine prochaine, la définition du nouveau délai de consultation et des expertises, ainsi que leurs modalités. Ce décret pourra donc modifier les délais légaux du CSE y compris de façon rétroactive : l'ordonnance indique que les nouvelles limites pourront s'appliquer "aux délais qui commencent à courir avant une date fixée par décret". Les délais pourraient être ramenés jusqu'à huit jours, a indiqué mardi le ministère aux partenaires sociaux, mais le gouvernement refuse pour l'heure de confirmer cette durée. Sont concernées les consultations et informations du CSE "sur les décisions de l'employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19" ainsi que "le déroulement des expertises réalisées à la demande du CSE" lorsque celui-ci est consulté sur des décisions liées à l'épidémie.

Prime exceptionnelle et accord d'intéressement dans les associations et fondations

Les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat ont déjà été assouplies par l'ordonnance du 1er avril 2020. Celle-ci prévoit que les employeurs peuvent verser aux salariés la prime exceptionnelle exonérée de cotisations et contributions sociales pour l'employeur (et d'impôt sur le revenu côté salarié) à condition que son montant ne dépasse pas 1 000 euros par bénéficiaire, ou 2 000 euros si l'entreprise dispose d'un accord d'intéressement.

L'ordonnance prévoit que l'obligation de conclure un accord d'intéressement pour bénéficier du plafond de 2 000 euros ne s'applique pas aux associations et fondations, où un tel accord est rarement mis en place.

Les organismes ainsi visés sont les fondations ou associations reconnues d'utilité publique, universitaires ou partenariales, ainsi que les œuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

Durée de validité de certains documents de séjour 

La fermeture des guichets des préfectures et le confinement de la population empêchent les personnes étrangères d'effectuer leurs démarches. Lors de la réouverture des préfectures, le gouvernement souhaite que soient accueillis en priorité les mineurs étrangers devenant majeurs et les étrangers dont le titre a expiré avant le 16 mars ou expirera après le 15 mai 2020. L'objectif de l'ordonnance est de différer les démarches des étrangers disposant déjà d'un document leur accordant un droit au séjour. Le gouvernement a déjà augmenté de trois mois la durée de validité des documents de séjour dans l'ordonnance du 25 mars 2020. La loi d'habilitation lui permet cependant de porter cette durée à six mois. C'est l'objet de l'ordonnance. Ainsi, les documents suivants arrivés à expiration entre le 16 mars et le 15 mai 2020 voient leur durée de validité prolongée de 180 jours :

  • visas de longs séjours ;
  • titres de séjour (sauf ceux du personnel diplomatique et consulaire étranger) ;
  • autorisations provisoires de séjour ;
  • récépissés de demandes de titres de séjours.

La durée de validité des attestations de demande d'asile arrivées à expiration entre le 16 mars et le 15 mai n'est prolongée que de 90 jours.

Ces mesures sont aussi applicables à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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