Adaptation du cadre juridique des fusions, scissions et apports partiels d'actifs domestiques
28.06.2023
Gestion d'entreprise

Une ordonnance du 24 mai 2023 et un décret du 2 juin 2023 simplifient, complètent et modernisent les règles applicables aux fusions, scissions et apports partiels d'actifs «domestiques», au regard de celles applicables aux opérations transfrontalières. La scission partielle est introduite en droit interne. Dans sa chronique, Paul Delpech, associé fondateur de Lawderis Avocats, revient sur les avancées fondamentales opérées par ces textes.
Le 24 mai 2023, le Gouvernement a adopté, en application de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 (art. 13), une ordonnance réformant le régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales. Elle a été complétée par un décret du 2 juin 2023, qui en précise les modalités d’application.
Cette réforme transpose la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières.
Elle a pour objet de modifier le cadre juridique des fusions, scissions et apports partiels d’actifs aux fins de faciliter la réalisation de ces opérations au sein de l’espace européen. A ce titre, elle introduit notamment en droit national les procédures de scissions transfrontalières et transpose les nouvelles dispositions relatives aux fusions transfrontalières prévues par les textes européens.
Au-delà des dispositions propres aux opérations transfrontalières, cette réforme vise également à simplifier, compléter et moderniser les règles applicables aux fusions, scissions et apports partiels d’actifs « domestiques », au regard de celles applicables aux opérations transfrontalières. Il en résulte des aménagements significatifs du régime des opérations de restructuration entre sociétés de droit français, présentés ci-dessous.
Les dispositions de l’ordonnance et du décret s’appliqueront aux opérations dont le projet sera déposé au greffe du tribunal de commerce à compter du 1er juillet 2023 (Ord., art. 13 ; D., art. 10).
L’ordonnance procède à un redécoupage du chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce, désormais intitulé « De la fusion, de la scission et de l’apport partiel d’actifs » et divisé de la manière suivante :
- une section 1 dédiée à la seule opération de fusion (C. com., art. L. 236-1 à L. 236-17), elle-même divisée en deux sous-sections : l’une consacrée aux dispositions générales applicables aux fusions entre sociétés commerciales, l’autre aux dispositions particulières applicables aux fusions comportant la participation de sociétés par actions ou de SARL ;
- une section 2 dédiée à la seule opération de scission (C. com., art. L. 236-18 à L. 236-26), elle-même divisée en deux sous-sections : l’une consacrée aux dispositions générales applicables aux scissions entre sociétés commerciales, l’autre aux dispositions particulières applicables aux scissions comportant la participation de sociétés par actions ou de SARL ;
- une section 3 dédiée à la seule opération de l’apport partiel d’actifs (C. com., art. L. 236-27 à L. 236-30) ;
- une section 4 dédiée aux seules opérations transfrontalières (voir remarque introductive).
Le décret adopte le même redécoupage pour le chapitre VI du titre III du livre II de la partie réglementaire du code de commerce.
En individualisant chacune des opérations, la réforme contribue à améliorer la lecture et la compréhension du régime juridique auquel celles-ci sont respectivement soumises.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
En cas de fusion ou de scission, les associés de la société absorbée ou scindée doivent, en principe, échanger leurs titres contre ceux de la société absorbante ou bénéficiaire afin de devenir associés de celle-ci (C. com., art. L. 236-3, I, mod., sur renvoi, pour les scissions, de l’art. L. 236-19, nouv.).
Toutefois, la loi prévoit une dispense d’échange de titres dans les cas suivants : absorption ou scission d’une filiale à 100 % (C. com., art. L. 236-3, II, 1°, sur renvoi, pour les scissions, de l’art. L. 236-19, nouv.), fusion ou scission entre sociétés sœurs détenues chacune à 100 % par la même société mère (C. com., art. L. 236-3, II, 3°, sur renvoi, pour les scissions, de l’art. L. 236-19, nouv.) et enfin, auto-détention de ses propres titres par la société absorbée ou scindée (C. com., art. L. 236-3, II, 2° sur renvoi, pour les scissions, de l’art. L. 236-19, nouv.).
L’ordonnance ajoute un nouveau cas de dispense d’échange de titres dans l’hypothèse où les titres sont détenus par les associés des sociétés qui fusionnent dans les mêmes proportions dans toutes ces sociétés, lorsque ces proportions sont conservées à l'issue de l'opération (C. com., art. L. 236-3, II, 4°, nouv.). Cette nouveauté a pour objet de simplifier les opérations de fusion dans lesquelles l’actionnariat des sociétés participantes est identique avant la fusion concernée et reste inchangé après la réalisation de l’opération. Elle ne dispense pas, par ailleurs, de soumettre l’opération au régime de droit commun des fusions (intervention d’un commissaire à la fusion, approbation de l’opération par l'AGE ou la collectivité des associés des sociétés participantes, etc.).
Ce nouveau cas de dispense est également applicable en cas de scission (C. com., art. L. 236-3, II, 4°, nouv., sur renvoi de l’art. L. 236-19, nouv.).
Publication du projet au registre du commerce et des sociétés (RCS)
L’article L. 236-6, al. 2 du code de commerce prévoit désormais que le projet de fusion doit être annexé au RCS (C. com., art. L. 236-6, al. 2, mod.) afin d’être « mis à la disposition du public » au sens des textes européens (Rapp. Président de la République, p. 3).
Cette obligation est également applicable au projet de scission (C. com., art. L. 236-6, al. 2, mod., sur renvoi de l’art. L. 236-19, nouv.) et au projet d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions (C. com., art. L. 236-6, al. 2, mod. sur renvoi des art. L. 236-19, nouv. et L. 236-27, al. 1, nouv.).
Modalités de publication du projet sur le site internet des sociétés participantes
Concernant la publication sur le site internet du projet de fusion (qui dispense de l’insertion d’un avis au BODACC et, le cas échéant, au BALO), il était jusqu’à présent nécessaire que chaque société participante soit dotée de son propre site internet, même si celles-ci appartenaient au même groupe (en ce sens, Lettre de la Direction des affaires civiles et du sceau à l’ANSA, 25 nov. 2011, ANSA, 2011-V, n° 11-055).
Cette publication peut désormais intervenir sur le site internet « principal » de chacune des sociétés participantes (C. com., R. 236-3, al. 1, mod.), ce qui devrait permettre, en cas de fusion intervenant entre sociétés d’un même groupe, de considérer qu’une publicité sur le site internet du groupe vaut pour l’ensemble des sociétés parties à l’opération.
Cette précision s’applique également aux scissions (C. com., art. R. 236-3, al. 1, nouv., sur renvoi de l’art. R. 236-17, nouv.) et aux apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions (C. com., art. R. 236-3, al. 1, nouv., sur renvoi des art. R. 236-17, nouv. et L. 236-27, al. 1, nouv.).
Le décret supprime par ailleurs une ambiguïté qui figurait à l’article R. 236-2-1 du code de commerce (C. com., art. R. 236-3 nouv.). En effet, cet article visait jusqu'alors indifféremment le projet de fusion (al. 1) et l’avis de projet (al. 2), qui sont pourtant deux éléments distincts, ce qui a pu générer une incertitude sur la nature des documents (avis et/ou projet de fusion) à publier sur le site internet des sociétés participant à l’opération.
Le décret met fin à cette insécurité juridique. Désormais, il est clair que seul le projet de fusion doit être publié sur le site internet des sociétés participantes (C. com., art. R. 236-3, al. 2 nouv.). Celles-ci pourront toutefois continuer, sur une base volontaire, à publier également l’avis dès lors que ce document peut constituer un résumé utile de l’opération projetée pour les actionnaires et les associés de ces sociétés (ANSA, CJ, 7 déc. 2011, n° 11-069).
Cette modification s’applique également aux scissions (C. com., art. R. 236-3, nouv., sur renvoi de l’art. R. 236-17, nouv.) et aux apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions (C. com., art. R. 236-3, nouv., sur renvoi des art. R. 236-17, nouv. et L. 236-27, al. 1, nouv.).
Contenu du projet d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions
Le décret allège le contenu du projet d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions de certaines informations qui demeurent requises pour le projet de fusion ou de scission (C. com., art. R. 236-19, I, nouv.). Il s’agit des informations suivantes :
- modalités de remise des parts ou actions et date à partir de laquelle ces parts ou actions donnent droit aux bénéfices ainsi que toute modalité particulière relative à ce droit ;
- rapport d’échange (parité) des droits sociaux et, le cas échéant, montant de la soulte ;
- droits accordés aux associés ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres autres que des actions ainsi que, le cas échéant, tous avantages particuliers.
En cas de fusion intervenant entre sociétés par actions uniquement, la loi Pacte (L. n° 2019-486, 22 mai 2019) a permis de recourir, au profit des dirigeants de la société absorbante, à un système combiné de délégation de compétence et de pouvoir relatif à l’autorisation de la fusion et à l’éventuelle augmentation de capital en résultant (C. com., art. L. 236-9, II).
A noter que l’ordonnance n’a pas étendu cette faculté aux fusions impliquant uniquement des SARL ou des SARL et des sociétés par actions.
Incertitude sur l’applicabilité du régime de délégation aux scissions et aux APA
Par le jeu des renvois, cette faculté de délégation était également applicable aux scissions (C. com., art. L. 236-9, II sur renvoi de l’art. L. 236-16, anc.) et aux apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions (C. com., art. L. 236-9, II sur renvoi des art. L. 236-16, anc. et L. 236-22, anc.) impliquant exclusivement des sociétés par actions.
Or, le nouvel article L. 236-21 du code de commerce introduit par l’ordonnance ne vise que le I de l’article L. 236-9 du même code, à l’exclusion du II de cet article prévoyant le mécanisme de délégation (C. com., art. L. 236-21, al. 1, nouv.). Une interprétation littérale pourrait conduire à considérer que la faculté de délégation n’est désormais plus applicable en cas de scission ou d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions, à défaut de fondement juridique.
On peut cependant espérer que la loi de ratification répare cette erreur, le rapport du Président de la République indiquant que le législateur a opéré à droit constant en la matière.
Précisions relatives à la mise en œuvre du mécanisme de délégation
La procédure de délégation permet de se dispenser de la réunion de l’AGE (ou de la collectivité des associés) de l’absorbante. En outre, les dirigeants doivent simplement établir un rapport écrit, dont le contenu est libre, qui est à mis à la disposition des actionnaires ou associés.
Toutefois, les autres dispositions relatives notamment à la publicité du projet de fusion et à l’information des actionnaires ou associés des sociétés participantes demeurent applicables.
L’ordonnance apporte plusieurs précisions sur la mise en œuvre de ce régime de la délégation en matière de fusion :
- le rapport du commissaire à la fusion sur les modalités de l’opération doit être fourni un mois au moins avant la date de l’AGE (ou de la réunion de le collectivité des associés) de la société absorbée (C. com., art. L. 236-10, IV, nouv.) ;
- le dépôt au greffe du projet de fusion et la publicité de l’avis de fusion doivent également intervenir un mois au moins avant la date de l’AGE (ou de la réunion de la collectivité des associés) précitée (C. com., art. R. 236-2, dernier al., nouv.) ;
- concernant la publication sur le site internet du projet de fusion (qui permet de se dispenser de l’insertion d’un avis au BODACC et, le cas échéant, au BALO), celle-ci doit être réalisée pendant une période ininterrompue commençant au plus tard 30 jours avant la date à laquelle l’organe compétent a décidé la fusion (C. com., art. R. 236-3, al. 1, nouv.) ;
- les documents devant être mis à la disposition des actionnaires ou des associés au siège social de la société préalablement à la fusion (projet de fusion, rapport du commissaire à la fusion, rapports des dirigeants, comptes annuels, etc.) doivent l’être 30 jours au moins avant la date à laquelle l’organe compétent est appelé à se prononcer sur le projet (C. com., art R. 236-4, al. 1, nouv.) ;
- concernant la publication de ces documents sur le site internet de la société (qui permet de se dispenser de leur mise à disposition au siège social de celle-ci), elle doit être réalisée pendant une période ininterrompue commençant au plus tard 30 jours avant la date à laquelle l’organe compétent est appelé à se prononcer sur le projet (C. com., art. R. 236-5, al. 1, nouv. – cet article précisant en outre que cette publication peut intervenir sur le site internet « principal »).
Remarque : concernant le rapport du commissaire à la fusion, ces deux dernières dispositions (C. com., art. R. 236-4, al. 1, nouv. et art. R. 236-5, al. 1, nouv.) semblent contradictoires avec celle imposant de fournir ce rapport un mois au moins avant la date de l’AGE (ou de la réunion de la collectivité des associés) de la société absorbée (C. com., art. L. 236-10, IV, nouv., cf. ci-dessus). Par précaution, il conviendra de retenir la première des deux dates suivantes : date de l'AGE (ou de la réunion de la collectivité des associés) de la société absorbée ou date à laquelle l'organe compétent est appelé à se prononcer sur le projet de fusion, selon le cas.
Une procédure de fusion « semi-simplifiée » est applicable en cas de fusion-absorption d’une filiale à 90 % ou intervenant entre sociétés sœurs détenues chacune à au moins 90 % par la même société mère (C. com., art. L. 236-11-1, anc. ; art. L. 236-12, nouv.).
Cette procédure présente un certain nombre d’avantages :
- dispense d’approbation de la fusion par l’AGE (ou la collectivité des associés) de la société absorbante, sauf demande de minoritaires (l’AGE ou la collectivité des associés de la société absorbée demeurant toutefois tenue d’approuver la fusion) ;
- dispense, pour l’organe de direction (ou les dirigeants) et le commissaire à la fusion et/ou aux apports, d’établir un rapport, à condition que la société absorbante fasse une offre de rachat aux minoritaires de la société absorbée avant la fusion.
L’ordonnance apporte plusieurs modifications à ce régime « semi-simplifié ».
Extension du régime des fusions « semi-simplifiées » aux fusions impliquant des SARL
Avant l’ordonnance, le régime « semi-simplifié » était exclusivement applicable aux fusions réalisées entre sociétés par actions en raison de l’absence de renvoi à l’article L. 236-11-1 du code de commerce par les articles L. 236-2 et L. 236-23.
Désormais, ce régime est également ouvert aux fusions impliquant des SARL uniquement ou des SARL et des sociétés par actions (C. com., art. L. 236-12, nouv., sur renvoi de l'art. L. 236-8, al. 2 nouv.).
L’ordonnance met en conformité les modalités de calcul du seuil de 90 % avec celles prévues par les textes européens (Dir. 2017/1132, art. 113). Désormais, ce seuil doit être calculé par référence aux parts et autres titres conférant un droit de vote et non plus aux droits de vote eux-mêmes (C. com., art. L. 236-12, nouv.).
Conditions de détention lorsque l’une des sociétés sœurs est détenue à 100 % par la société mère
Une difficulté particulière s’est présentée concernant l’applicabilité du régime « semi-simplifié » dans le cas d’une fusion entre sociétés sœurs dont l’une serait détenue à 100 % et les autres à 90 % au moins par la même société mère (v., sur ce point, CJ ANSA, 7 avr. 2021, n° 21-016).
Le texte prévoyait en effet que le régime « semi-simplifié » était applicable lorsqu’une même société détient en permanence au moins 90 % des droits de vote de la société absorbante et des sociétés absorbées, « sans en détenir la totalité » (C. com., art. L. 236-11-1, anc.). A contrario, il pouvait être déduit de ce texte que faute pour la société mère de remplir la condition de détention de moins de 100 % dans chacune des sociétés sœurs, ce régime n’était pas applicable et qu’il était ainsi nécessaire de suivre la procédure de droit commun des fusions.
En insérant, immédiatement après les termes « sans en détenir la totalité », les termes « lorsque les dispositions de l’article L 236-11 ne sont pas applicables » (C. com., art. L. 236-12, nouv.), l’ordonnance confirme l’applicabilité du régime « semi-simplifié » aux cas dans lesquels la société mère détient 100 % du capital de l’une des sociétés sœurs participant à la fusion.
La suppression par la loi de simplification du droit des sociétés n° 2019-744 du 19 juillet 2019 du renvoi exprès à l’article L. 236-11 du code de commerce par l’article L. 236-16 (applicable uniquement aux scissions réalisées entre sociétés par actions) avait eu pour effet de rendre incertaine sur le plan juridique l’applicabilité du régime simplifié aux « scissions à 100 % » réalisées entre sociétés par actions (scission d’une société détenue à 100 % par la ou les bénéficiaires de la scission ou scission intervenant entre sociétés sœurs détenues chacune à 100% par la même société mère), contrairement aux intentions exprimées dans les travaux préparatoires à la loi (Rapport AN n°1771, 20 mars 2019, p. 92).
Ce régime était en revanche applicable aux opérations de scissions impliquant des SARL uniquement ou des SARL et des sociétés par actions.
Même s’il ne s’agissait probablement que d’une maladresse du législateur, une interprétation littérale des textes pouvait conduire à considérer qu’il n’était plus possible d’appliquer le régime simplifié aux scissions réalisées entre sociétés par actions, faute de support textuel en ce sens.
L’ordonnance remédie à cette situation : désormais, les scissions réalisées entre sociétés par actions peuvent bénéficier du régime simplifié (C. com., art. L 236-21, al. 2 nouv.).
Avant l’ordonnance, le régime simplifié prévu pour les apports partiels d’actifs réalisés par une société mère au profit de sa filiale à 100 % ou par une filiale à 100 % au profit de sa mère n’était applicable qu’aux opérations réalisées entre sociétés par actions.
L’ordonnance étend le bénéfice de ce régime aux opérations impliquant des SARL uniquement ou des SARL et des sociétés par actions (C. com., art. L 236-28, al. 1 nouv.).
Avant l’ordonnance, les scissions réalisées entre SARL uniquement étaient soumises aux mêmes règles que les scissions réalisées entre une SARL et une société par actions (C. com., art. L. 236-23, al. 1, anc., pour les premières et art. L. 236-2, al. 4, anc., pour les secondes).
Or, l’article L. 236-20, al. 2 du code de commerce - qui fixe le champ d’application des dispositions particulières applicables aux scissions comportant la participation de sociétés par actions ou de SARL - ne fait pas référence aux scissions réalisées entre SARL.
En l’absence de fondement juridique, il pourrait être ainsi considéré que les scissions réalisées entre SARL ne sont notamment plus soumises aux dispositions suivantes :
- intervention d’un commissaire à la scission et, le cas échéant, aux apports (C. com., art. L. 236-10, sur renvoi de l'art. L. 236-21, al. 2) ;
- bénéfice du régime simplifié (C. com., art. L. 236-11, mod., sur renvoi de l’art. L. 236-21, al. 2) ;
- obligation des sociétés bénéficiaires de répondre des dettes de la société scindée (C. com., art. L. 236-25, nouv.).
Par ailleurs, il pourrait être considéré qu’il y a lieu d’accomplir les formalités de publicité applicables en cas d’apport d’un fonds de commerce (C. com., art. L. 141-21 mod.).
Là encore, il s’agit probablement d’une erreur matérielle, le rapport du Président de la République indiquant que l’ensemble des dispositions relatives aux scissions sur ce point ont été reprises à droit constant par l’ordonnance.
Cette dernière n’opère d’ailleurs aucune distinction entre les fusions réalisées entre SARL uniquement et les fusions réalisées entre une SARL et une société par actions, celles-ci étant, comme par le passé, soumises aux mêmes règles (C. com., art. L. 236-8, al. 2, nouv.).
L’ordonnance crée ainsi une distorsion injustifiée entre le régime des fusions et celui des scissions lorsque ces opérations sont réalisées entre SARL. Il est souhaitable que la loi de ratification y remédie.
On notera par ailleurs que les apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions réalisés exclusivement entre SARL pourraient être considérés comme étant soumis à la même incertitude que celle concernant les scissions entre SARL. Cette incertitude devrait toutefois avoir une moindre portée : par exemple, en cas d’APA entre SARL, le bénéfice du régime simplifié resterait disponible en application de l’article L. 236-28 du code de commerce et les sociétés bénéficiaires demeureraient tenues de répondre des dettes de la société apporteuse solidairement avec celle-ci en application de l'article L. 236-29 du code de commerce, ces dispositions étant autonomes de celles applicables aux scissions.
L’ordonnance modifie la définition de l’apport partiel d’actifs sur deux points (C. com., art. L. 236-27, al. 1, nouv.).
Elle clarifie d’abord le fait que de tels apports peuvent comprendre des éléments de passif, ce qui est en réalité très classique pour ce type d'opérations (auparavant, la loi ne visait qu’un apport par une société apporteuse d’« une partie de son actif »).
Elle précise ensuite qu’un même apport partiel d’actifs peut être désormais réalisé au bénéfice de plusieurs sociétés. Cette précision permettra, en cas de pluralité de bénéficiaires, de ne diligenter qu’une seule et même procédure d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions (un seul traité, etc.). Antérieurement, le texte ne visait en effet que l’apport « à une autre société », ce qui supposait, en cas d’apport partiel d’actifs impliquant plusieurs sociétés bénéficiaires, de procéder opération par opération, chacune avec sa propre procédure.
La scission partielle désormais reconnue en droit interne
L’ordonnance introduit en droit français la figure de la « scission partielle » (C. com., art. L. 236-27, al. 2 nouv. et art. R. 236-19, II, nouv.)
La scission partielle est traditionnellement définie comme l’opération par laquelle une société transfère, sans être dissoute, une partie de ses actifs et, le cas échéant, de ses passifs à une société bénéficiaire en échange de l’attribution aux associés de la société apporteuse, au prorata de leur participation au capital de cette société, de titres de la société bénéficiaire.
La scission partielle constitue une « déclinaison de l’apport partiel d’actifs » (Rapp. Président de la République, p. 4) dès lors que la société apporteuse n’est pas dissoute à l’issue de la réalisation de cette opération. Elle s’en distingue toutefois puisque les titres émis par la société bénéficiaire en rémunération de l’apport ne sont pas attribués à la société apporteuse mais aux associés de cette dernière ; en cela, elle se rapproche du mécanisme de la scission.
La scission partielle présente ainsi d’indéniables avantages pour les entreprises dans le cadre de leurs opérations de restructuration.
Jusqu’à l’ordonnance, la « scission partielle » n’était pas totalement inconnue. Le code général des impôts prévoit en effet un régime de neutralité fiscale pour ce type d’opération dite « d’apport attribution » (CGI, art. 115, 2). Toutefois, sur le plan juridique, la réalisation d’une « scission partielle » nécessitait la mise en œuvre de deux opérations successives :
- un apport partiel d’actifs (soumis ou non au régime des scissions) donnant lieu à l’attribution de titres de la société bénéficiaire au profit de la société apporteuse ;
- puis une attribution par la société apporteuse de ces titres au profit de ses associés, par voie de réduction de son capital ou d’une distribution en nature.
Avec la consécration de la scission partielle par l’ordonnance, il est désormais possible d’attribuer les titres de la société bénéficiaire émis en rémunération de l’apport directement aux associés de la société apporteuse, sans que ces titres ne transitent dans le patrimoine de cette dernière.
L’article L. 236-27, al. 2 du code de commerce dispose ainsi que le projet d’apport partiel d’actifs « peut prévoir que les parts ou actions de la société qui apporte une partie de son actif, de la ou des sociétés bénéficiaires ou à la fois de la société qui apporte une partie de son actif et de la ou des sociétés bénéficiaires représentant la contrepartie de l'apport seront attribuées directement aux associés de la société qui apporte une partie de son actif dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat » (v. également Dir. 2019/2121, art. 160 ter, 4) b)).
Régime de la scission partielle
Le régime de la scission partielle, précisé à l’article R. 236-19, II du code de commerce, appelle diverses observations.
- La scission partielle n’est possible que dans le cadre des apports partiels d’actifs soumis au régime juridique des scissions.
- Le projet de scission partielle peut prévoir une attribution, au bénéfice des associés de la société apporteuse, des titres de la ou des sociétés bénéficiaires (ce qui correspond à l’acception classique de la scission partielle) mais également des titres de la société apporteuse ou à la fois de la ou des sociétés bénéficiaires et de la société apporteuse (C. com., art. L. 236-27, II, nouv.).Ce mécanisme d’attribution de titres de la société apporteuse (couplé ou non avec des titres de la société bénéficiaire), jusqu’alors inconnu du paysage juridique français, est la conséquence directe d’une reprise des dispositions de la directive (Dir. 2019/2121, art. 160 ter, 4) b)).Les modalités de sa mise en œuvre ne sont toutefois pas très claires. Il semble n’être concevable que dans le cas où la société apporteuse détiendrait en portefeuille une partie de ses titres et souhaiterait les remettre à ses associés au titre de la scission partielle. Dans un tel cas, l’attribution de ces titres auto-détenus interviendrait par réduction de capital ou par imputation sur les capitaux propres de la société apporteuse, le projet de scission partielle devant par ailleurs « préciser les modalités comptables de l'opération » (C. com., art. R. 236-19, II, 2°, nouv.)
- Aux termes de l’article R. 236-19, II, 1° du code de commerce, le projet de scission partielle prévoit « la répartition envisagée », au bénéfice des associés de la société apporteuse, des titres soit de la ou des sociétés bénéficiaires, soit de la société apporteuse, soit à la fois de la ou des sociétés bénéficiaires et de la société apporteuse, attribués en contrepartie de l'apport, ainsi que « les critères sur lesquels cette répartition est fondée ».
La rédaction de cette disposition manque de clarté et mériterait d’être revue pour dissiper une incertitude.
La « répartition envisagée » visée par le texte pourrait s’entendre du choix opéré sur la nature des titres devant être attribués aux associés de la société apporteuse au titre de la scission partielle (titres de la ou des sociétés bénéficiaires et/ou titres de la société apporteuse).
Mais il pourrait aussi être déduit de ce texte que ces titres (quelle que soit leur nature) peuvent être attribués de manière non proportionnelle entre les associés de la société apporteuse. Cette faculté semble toutefois difficile à justifier sur le plan des principes :
- dans l’hypothèse d’une attribution de titres de la société bénéficiaire, les associés de la société apporteuse ont en effet vocation à recevoir ces titres au prorata de leurs droits dans la société apporteuse puisque c’est précisément selon cette répartition qu’ils voient la valeur de leurs titres dans cette société diminuée en conséquence de la réalisation de l’apport ;
- dans l’hypothèse d’une attribution de titres de la société apporteuse, cette possibilité d’une attribution inégalitaire paraît encore plus contestable s’agissant de titres auto-détenus qui font partie de l’actif social de la société apporteuse sur lequel les droits des associés s’exercent au prorata de leur détention au capital social.
Obligations aux dettes en cas de scission
En cas de scission, les sociétés bénéficiaires des apports résultant de la scission deviennent débitrices solidaires des obligataires et des créanciers non obligataires de la société scindée en lieu et place de celle-ci et sans novation (C. com., art. L. 236-25, al. 1 nouv.).
Par dérogation, le traité de scission peut prévoir que les sociétés bénéficiaires ne seront tenues que de la partie du passif de la société scindée ou apporteuse mise à leur charge respective et sans solidarité – ce qui confère alors un droit d’opposition aux créanciers non obligataires des sociétés participantes (C. com., art. L. 236-26, nouv.).
Ces règles ne sont pas modifiées par l’ordonnance.
Celle-ci précise toutefois que le montant maximal de l’éventuelle responsabilité solidaire de toute société concernée par la scission est limité à la valeur, appréciée à la date de prise d’effet de la scission, des actifs nets qui lui sont attribués (C. com., art. L. 236-25, al. 2 nouv.).
Obligation aux dettes en cas d’APA soumis au régime des scissions
En matière d’obligations aux dettes, le régime applicable aux scissions est transposé aux apports partiels d’actifs, qui bénéficient désormais d'un régime autonome :
- la société apporteuse et les sociétés bénéficiaires sont débitrices solidaires des obligataires et des créanciers non obligataires de la société apporteuse (C. com., art. L. 236-29, al. 1, nouv.) ;
- il est toutefois désormais précisé, comme pour la scission, que le montant maximal de l’éventuelle responsabilité solidaire de la ou des sociétés bénéficiaires est limité à la valeur, appréciée à la date de prise d’effet de l’apport, des actifs nets qui lui sont attribués (C. com., art. L. 236-29, al. 2 nouv., qui fait référence à la « scission » de manière erronée) ;
- par dérogation, le traité d’apport partiel d’actifs peut prévoir que les sociétés bénéficiaires ne seront tenues que de la partie du passif de la société apporteuse mise à leur charge respective et sans solidarité – ce qui confère alors un droit d’opposition aux créanciers non obligataires des sociétés participantes (C. com., art. L. 236-30, nouv.).
Article issu du Dictionnaire Permanent Droit des Affaires.
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