Adaptation du travail au handicap : le parcours du combattant des entreprises

Adaptation du travail au handicap : le parcours du combattant des entreprises

20.11.2019

Gestion du personnel

Un état de santé qui décline chez un salarié est souvent synonyme de poste à aménager. Pour les entreprises, les démarches sont souvent longues et fastidieuses. Malakoff Médéric a recueilli les témoignages des personnes en charge du handicap au sein de grandes groupes ou de PME. Elles relatent le manque de moyens, le déni des salariés concernés et le long travail administratif.

Accident de la vie, vieillissement et maladies invalidantes, la vie professionnelle est souvent marquée par la question du maintien dans l'emploi. Avec l'accroissement de la durée d'emploi des travailleurs, les entreprises sont de plus en plus amenées à mettre cette question sur la table. Mais y sont-elles préparées ? Et toutes les entreprises sont-elles armées de la même manière pour faire face à ces problématique de vie ? La fondation handicap de Malakoff Médéric a rencontré, dans des entreprises de tailles diverses, les personnes en charge du maintien dans l'emploi afin d'obtenir de vrais retours du terrain. 

Des moyens inégaux

Sans surprise, les grandes entreprises sont les mieux armées face à une problématique qu'elles ont souvent pris en compte depuis de nombreuses années. Elles disposent en général d'un accord ou d'une convention négociée et signée pour l'année avec l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph). Cela leur permet de prévoir une enveloppe dédiée pour l'année, au lieu de demander des aides ponctuelles pour chaque travailleur handicapé. La politique handicap des grands groupes est également facilitée par des moyens plus importants alloués sur leurs fonds propres. Ce déblocage rapide des moyens financiers permet une meilleure réactivité lorsque vient le temps d'organiser un aménagement de poste. Les grandes structures ont également des experts dédiés à la question du handicap, qui accueillent les personnes en situation de handicap mais qui organisent également la sensibilisation de tous les salariés, notamment via la formation des managers.

 Je pensais que le plus compliqué serait l’aménagement du poste mais non c’est la partie administrative !

En revanche, les entreprises de moins de 250 salariés sont souvent moins bien préparées aux questions de maintien dans l'emploi. Elles disposent rarement de moyens financiers et humains immédiats leur permettant d'agir rapidement pour adapter le poste d'un salarié en difficulté. En outre, elles sont moins au fait des possibilités d'aides financières extérieures, et ne savent pas à qui s'adresser. "On a pris l’installation du clavier à notre charge, explique une personne interrogée par l'étude, chargée du handicap dans une PME. Je crois qu’on pouvait bénéficier d’aides mais c’était long, il fallait refaire un dossier". Les personnes amenées à gérer la situation de travailleurs handicapés sont souvent novices en la matière : elles se trouvent confrontées brutalement au sujet, sans connaître forcément les droits et devoirs de l'entreprise sur la question du handicap. "Ça a été loin d’être une mince affaire… se souvient un autre responsable de PME interrogé dans le cadre de l'étude. Je pensais que le plus compliqué serait l’aménagement du poste mais non c’est la partie administrative : c’est lourd et c’est lent. On a perdu beaucoup de temps !"

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Faire face au déni des salariés

Peur du licenciement ou peur de "déranger", manque de recul sur l'évolution de sa productivité : les salariés ont souvent une attitude de déni ou de silence lorsqu'ils sont confrontés à une situation de handicap. Or, leur accord est nécessaire pour engager les démarches de maintien dans l'emploi et éviter une aggravation des problèmes de santé. "Beaucoup de situations se passent mal, parce qu’il n’y a aucun mot sur la situation, témoigne un responsable handicap d'une grande entreprise. On pense que c’est le salarié qui n’a pas envie de travailler". Après la chute d'un salarié, la PME qui l'employait a dû intervenir pour forcer ce dernier à s'arrêter "Nous sommes intervenus en disant ‘Non maintenant tu restes à la maison’. Ça ne pouvait pas durer comme ça". La prise de conscience passe également par le médecin du travail, qui peut accompagner les salariés dans le déni, et conseiller les entreprises... Quand son service n'est pas engorgé. "On a pris rendez-vous avec la médecine du travail, mais elle était tellement lente [...] qu'on a été voir un médecin normal", raconte un responsable de PME.

 Ce n'est pas que de la philanthropie, un salarié non performant coûte cher.

Afin de toucher ces gens dans le déni, diverses stratégies ressortent chez les grandes entreprises. Celle de la convivialité pour certaines, dont les missions handicap animent des petits déjeuners ou organisent des escape game autour de la question du handicap. Celle de l'information pour d'autres, qui organisent des rencontres avec des associations spécialisées. Certaines grandes structures possèdent également des assistants sociaux en interne pour informer les salariés sur les bénéfices d'entamer des démarches liées au handicap, en particulier pour les salariés les plus âgés. "C’est un intérêt partagé, insiste un responsable mission handicap d'une grande entreprise. Ce n’est pas que de la philanthropie, c’est bien que le salarié puisse travailler bien, un salarié non performant ça coûte cher".

La galère du dossier RQTH

Passé le stade du déni, une fois que le salarié souhaite entamer les démarches de reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé (RQTH), les choses se complexifient encore. Car remplir la déclaration à la Maison départementale des personnes handicapées est fastidieux. Certaines entreprises qui souhaitent soutenir leurs salariés dans ces démarches (qu'ils sont supposés accomplir seuls) se retrouvent confrontés à un nouveau monde. "Il faut savoir décrypter, il y a des termes, ils parlent beaucoup avec des initiales" explique un responsable de PME. "C'est long et lourd, ajoute un responsable mission handicap d'une grande entreprise. Plusieurs pages, une attestation du généraliste à fournir, avec une partie où le salarié explique comment se manifeste le handicap." De plus, aucun organisme n'est identifié comme pouvant aider à la réalisation de ce parcours d'obstacles. Résultat, des dossiers qui reviennent aux entreprises par manque de pièces, une perte de temps à rechercher les informations, et des délais qui peuvent atteindre plus d'un an en région parisienne.

 En attendant que le dossier soit traité, on lui a dit de rester à la maison

Les choses deviennent plus simples lorsqu'un aménagement de poste est finalement lancé dans l'entreprise. Les bâtiments sont aujourd'hui souvent déjà aux normes en matière d'accessibilité, et les aménagements de postes sont facilités par l'intervention d'ergonomes qui conseillent sur l'achat de matériel spécifique. La démarche est souvent, là encore, plus compliquée pour les petites entreprises. Sans accord avec l'Agefiph, les PME sont contraintes de compléter les dossiers de demandes d'aides pour bénéficier de prises en charge de l'aménagement de poste. En attendant, des solutions alternatives doivent être trouvées. "On s'est aperçu que ce qu'il faisait au bureau, il pouvait le faire chez lui, donc en attendant que le dossier soit traité on lui a dit de rester à la maison" explique un responsable de PME.

Quelle que soit leur taille, les entreprises déplorent un manque de clarté sur les actions qu'elle peut mettre en place et les organismes auprès desquels elles peuvent solliciter de l'aide. "Si on pouvait avoir un site avec toutes les solutions : clic, on indique le type de handicap, et on a toutes les solutions qui peuvent exister... Ça serait d'une grande aide".

Laurie Mahé Desportes
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