Adapter la gouvernance aux risques géopolitiques et à l’activisme actionnarial

Adapter la gouvernance aux risques géopolitiques et à l’activisme actionnarial

23.10.2024

Gestion d'entreprise

Comment opérer la nécessaire adaptation de la gouvernance de l’entreprise face à la montée des risques géopolitiques et de nouvelles formes d’activisme actionnarial lié à des attentes d’ordre sociétal ?

L’évolution du contexte géopolitique et l’irruption de nouvelles revendications d’ordre sociétal bousculent désormais la vie des entreprises et leur gouvernance. Retour de la guerre aux frontières de l’Europe et au Proche-Orient, montée des tensions entre la Chine et Taiwan : pour les entreprises, ces conflits peuvent entraîner des tensions et parfois des ruptures des chaînes d’approvisionnement, des perturbations dans le transport de fret, une brusque inflation des embargos et des sanctions à respecter, un durcissement des contrôles aux exportations…

En parallèle, on observe le développement de nouvelles formes d’activisme actionnarial pour interpeler les dirigeants et les conseils d’administration avec des revendications d’ordre sociétal – sur le fondement du devoir de vigilance et sur des questions liées à l’environnement et au changement climatique. Via ces interpellations, des fonds activistes ou des actionnaires minoritaires prennent à partie la gouvernance des entreprises, demandant aux dirigeants et aux administrateurs de rendre des comptes sur des sujets sociaux et environnementaux.

Les entreprises sont-elles préparées à ces évolutions ? Comment peuvent-elles adapter leur gouvernance – les règles et pratiques fixées par leurs dirigeants et leur conseil d’administration – à ce contexte ? Telles sont les questions qui ont été explorées lors d’une table-ronde sur « La gouvernance face aux risques géopolitiques et aux mutations de l’activisme » organisée dans le cadre du Business Legal Forum le 17 octobre 2024 à Paris.

Les administrateurs face aux interpellations collectives et individuelles 

« Je fais partie des gens qui considèrent que les conseils d’administration en France fonctionnement plutôt bien alors qu’ils n’ont jamais été autant sous pression », a répondu Caroline Ruellan, présidente de SONJ Conseil et du Cercle des administrateurs, administratrice de société et membre de la Commission consultative épargnants de l’Autorité des marchés financiers.

Aujourd’hui, « les administrateurs sont très exposés car le principe de collégialité qui devrait les protéger n’écarte plus des prises à partie individuelle. Les activistes n’hésitent plus à interpeler chacun des administrateurs, qui ne sont pas nécessairement préparés. (…) C’est d’autant plus vrai que l’attaque activiste est vécue de façon souvent personnelle, notamment lorsqu’elle s’accompagne de critiques sur la gouvernance, à la différence de la crise géopolitique, comprise de façon plus agnostique et qui donne lieu à une levée de boucliers au sein de l’entreprise. »

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Le rôle fondamental du président du conseil d’administration

Comment mieux préparer le conseil d’administration à ces enjeux ? « La règle d’or d’un bon conseil d’administration, c’est un président qui assume son rôle et qui accompagne le conseil dans sa capacité à anticiper », a-t-elle poursuivi. « C’est un président qui travaille beaucoup en dehors du conseil, qui crée du lien afin que le collectif fonctionne pleinement en session, qui va chercher l’information auprès du management. (…) Si le président ne joue pas son rôle, le conseil d’administration risque fort de passer à côté de tous les sujets. »

Autre prérequis : « Un bon conseil d’administration, ce n’est pas une seule addition d’expertises. Ce n’est pas une addition de monsieur RSE, de madame crise géopolitique, de monsieur cyber… C’est un concentré d’intelligence collective (…) ouvert sur le monde, à tout ce qui se passe au-delà de l’entreprise, de par ses rencontres, ses réseaux, ses activités. » Enfin, « un administrateur doit savoir être courageux : si vous n’êtes pas courageux, il ne faut pas aller dans les conseils d’administration. »

La capacité du conseil d’administration à anticiper les risques

Ensuite, tout repose sur la capacité du conseil d’administration à anticiper ces risques. « Je pense que les boards qui sont préparés sont ceux qui ont su anticiper », a-t-elle déclaré. « L’anticipation, c’est une culture et un état d’esprit, et cela ne se met pas en place du jour au lendemain – le jour où vous avez une ONG dans votre capital ou lorsqu’une guerre éclate avec des conséquences sur votre activité ».

Sur ce terrain, « je continue de penser que les conseils d’administration allouent bien trop de temps aux aspects financiers et devraient consacrer plus de temps aux questions stratégiques – parmi lesquelles, au premier chef, la cartographie des risques, dans laquelle se logent les enjeux géopolitiques. Si vous avez anticipé parce que vous avez les bonnes informations, parce que le conseil d’administration a une longueur d’avance, l’entreprise va mieux surmonter la crise que celle qui a consacré tous ses conseils sur des éléments chiffrés. »

En état de guerre non conventionnelle

Enfin, dernière recommandation : « Les conseils d’administration ne doivent pas être naïfs », a-t-elle ajouté. « Tous les conseils d’administration doivent avoir à l’esprit que nous sommes dans un état de guerre non conventionnelle, que les entreprises sont un terrain de jeu devenu majeur. » D’ailleurs, « les anciens militaires sont aussi chassés aujourd’hui car ils ont cette culture que la société civile et le monde économique ont parfois moins su développer. »

 

 

Miren Lartigue
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