Le magistrat Charles Duchaine, préfigurateur de la future Agence française anti-corruption - et qui pourrait en devenir le directeur - nous explique le pouvoir de contrôle de l'Agence. Des recommandations aux entreprises devraient être publiées, dans un premier temps, avant que les contrôles ne s'opèrent, dans un second.
La loi Sapin II, en passe d'être promulguée, aboutira à la création de l’Agence française anti-corruption (AFA). Le magistrat Charles Duchaine en a la charge, puisqu’il est l’actuel préfigurateur de la future Agence. Éclairage sur son travail de conception.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Quels seront les pouvoirs de l’Agence française anti-corruption ?
Ce qui caractérisera l’Agence c’est sa capacité de contrôle sur la qualité et l’efficacité des programmes mis en œuvre pour prévenir et détecter les faits de corruption [programme de compliance reposant sur 8 mesures (voir notre article), ndrl] aussi bien au sein des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte, des associations, des fondations, etc., qu’auprès des opérateurs privés dépassant un certain seuil (plus de 500 salariés ou plus de 100 millions d’euros de chiffres d’affaires). A côté de ce pouvoir d’initiative, lui permettant de provoquer des contrôles, l’Agence pourra aussi être sollicitée sur ce terrain par le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), par le Premier ministre ou chacun des ministres, mais également en région par le représentant de l’État - pour ce qui concerne les collectivités locales et les établissements publics -. Un signalement provenant d’une association agréée pourra aussi conduire l’Agence à agir.
Elle sera donc dans un rôle d’initiative et d’exécution. Toutefois, il est important de préciser que selon la loi, le directeur de l’Agence ne pourra recevoir d’instructions dans le cadre de ses missions de contrôle. De plus, il sera inamovible pendant 6 ans.
L’Agence est un service à compétence nationale mais ayant un statut hybride. Par certains aspects, elle aura les allures d’une autorité administrative indépendante.
Comment le pouvoir de contrôle de l’Agence sera-t-il mis en place ?
L’Agence aura un rôle d’appui aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales et à toute personne morale en matière de prévention et de détection de la corruption. Dès lors, avant de contrôler les entreprises, il conviendra d’élaborer des recommandations pour les aider à mettre en place les mécanismes nécessaires. Raisonnablement, les contrôles n’auront lieu que dans un second temps. Car certaines entreprises n’ont pas encore adopté les normes obligatoires et l’idée n’est pas de se livrer à des contrôles immédiats. Un délai leur sera accordé. A l’inverse, les entreprises les plus importantes, ou ayant des activités à l’étranger, sont vraisemblablement d’ores et déjà en ordre de marche.
L’Agence devra communiquer au procureur de la République territorialement compétent les faits constitutifs d’une infraction pénale qui pourraient être détectés à l’occasion des contrôles. Et puis la loi associe l’Agence à un certain nombre de dispositions judiciaires. Lorsqu’un programme de prévention fera défaut, le directeur de l’Agence saisira la commission des sanctions qui pourra enjoindre à l’opérateur de se mettre en conformité ou prononcer une sanction pécuniaire (jusqu’à 200 000 euros pour une personne physique et un million pour une personne morale) (voir notre article). L’AFA sera aussi sollicitée pour suivre la mise en œuvre de sanctions judiciaires liées à la peine de mise en conformité et à la convention judiciaire d’intérêt public (voir notre article).
L’organisation de l’AFA évolue-t-elle par rapport au Service central de lutte contre la corruption (SCPC) ?
L’Agence française anti-corruption sera placée auprès du ministre de la Justice et du ministre en charge du Budget. Cela donnera à l’Agence un positionnement plus important que celui du SCPC. Surtout, elle sera dotée d’environ 70 personnes dès le départ alors que le SCPC fonctionne avec une dizaine d’agents. Les moyens consacrés à l’AFA seront très supérieurs.
Les moyens en termes d’effectifs vous paraissent-ils suffisants ?
70 personnes c’est à la fois beaucoup et peu. C’est « beaucoup » en termes de recrutement initial : il faut concevoir les besoins du service avant même qu’il n’ait commencé à travailler. La tâche de conception intellectuelle n’est donc pas simple. Mais ce n’est pas « tant » compte tenu du travail colossal qu’il va falloir effectuer, en termes d’écrits notamment (sur la méthodologie de travail de l’Agence, ou les recommandations aux opérateurs).
Une partie du personnel devra aussi se rendre sur place pour effectuer les contrôles sur pièces. Il faut attendre les décrets d’application de la loi pour savoir véritablement quels seront les pouvoirs reconnus aux personnes réalisant ces contrôles ainsi que les conditions de leur habilitation. Leur mission ne devra pas être considérée comme secondaire et purement formelle, au risque de faire perdre toute crédibilité à l’Agence. La possibilité que les membres de l’Agence puissent se faire remettre les documents commerciaux et comptables de l’entreprise paraît nécessaire. Mais il ne faut pas mélanger les genres. L’Agence n’aura pas de mission d’enquête à des fins répressives. Elle devra toutefois communiquer au parquet les informations recueillies. L’AFA est avant tout dotée d’une mission de coordination administrative.
Dans le cadre du recrutement de vos futurs collaborateurs, quelles sont les compétences que vous recherchez ?
Nous allons devoir recruter des gens ayant différentes compétences. Nous aurons probablement besoin de magistrats de la Cour des comptes, de magistrats administratifs et probablement quelques-uns de l’ordre judiciaire. Nous allons, sans doute, faire également appel aux services d’inspection de l’État dans certains domaines. Nous aurons aussi besoin de personnel capable de réaliser de l’audit dans le secteur privé et pourquoi pas d’experts comptables. Je n’exclus donc pas le recrutement de contractuels issus du secteur privé même si le gros des effectifs sera quand même du personnel de l’administration de l’État ou des collectivités. Ces profils constitueront la main-d’œuvre permanente. Nous pourrons aussi recourir à la désignation d’experts pour des missions particulières.
Quelles seront les étapes de création de l’Agence ?
Je travaille actuellement à la recherche de locaux, à la préparation des textes - nous sommes consultés sur la rédaction des décrets d’application de la future loi Sapin II - et à la recherche du personnel - il nous faut lancer les profils de postes puis le recrutement. Une fois les candidats sélectionnés, et le personnel réuni autour de la table, nous définirons une méthodologie de travail et entamerons la rédaction des recommandations aux entreprises. Dans ce cadre, nous pourrons nous inspirer de ce qui a déjà été fait, notamment par le SCPC mais aussi par des institutions étrangères (Agence italienne, néerlandaise ou anglo-saxonnes anti-corruption, etc.). L’objectif est de recueillir les meilleures pratiques et de s’en inspirer pour tenter de créer le modèle idéal.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.