Airbnb : conséquences de la sous-location illégale d'un logement conventionné

29.06.2022

Immobilier

Pour apprécier si les sous-locations pour de courtes durées irrégulièrement consenties justifient la résiliation du bail, les juges doivent prendre en compte le conventionnement du logement. Les sous-loyers perçus doivent être restitués au bailleur.

Les locations de courte durée à une clientèle de passage par le biais de plateforme internet (Airbnb, abritel et assimilés) sont une source intarissable de contentieux, et encore plus lorsqu'il s'agit de sous-locations. La jurisprudence « Airbnb » s’étoffe encore puisqu'après avoir largement prospéré dans le parc privé, elle se déploie dans le parc social. En effet, l'affaire ayant donné lieu à la décision commentée avait la particularité de porter sur un logement social conventionné (Cass. 3e civ., 22 juin 2022, n° 21-18.612, n° 505 FS-B).

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La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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En l'espèce, un bailleur social avait signé avec un preneur, un contrat de location qui interdisait la sous-location. Il l’avait ensuite assigné en résiliation du bail alléguant que le preneur proposait une partie de son logement à la location par l'intermédiaire d'une plateforme dédiée. La cour d’appel le déboute de sa demande sur ce point tout en condamnant le preneur à payer une certaine somme en restitution des fruits civils illégalement perçus. Le litige donne à la troisième chambre civile de la Cour de cassation l'occasion d'apporter certaines précisions.

Particularité de l'appréciation de la gravité de la sous-location dans le secteur social

Le manquement du locataire à ses obligations est toujours facile à prouver quand l'infraction a été commise par le biais d'annonces publiées sur internet (CA Paris, ch. 4-4, 15 mars 2016, n° 14/18198 ; TI Paris, 6 avr. 2016, n° 11-15-000294).  Il ne peut justifier la résiliation du bail que s'il est suffisamment grave. Il appartient aux juges du fond d'apprécier cette gravité en usant de leur pouvoir souverain et c'est dans ce cadre que s'est opérée la censure de l'arrêt de la cour d'appel de Paris. 

Pour rejeter la demande de résiliation en qualifiant les manquements du locataire d'insuffisamment graves, la cour d’appel a retenu la moyenne mensuelle des sous-locations qui n'était que de trois et demi, le fait qu'elles ne portaient que sur une des trois chambres du logement toujours occupé par le preneur et l'absence de justification par le bailleur de mise en demeure de cesser l'activité irrégulière.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation pour manque de base légale. La Haute juridiction reproche aux juges d’appel de ne pas avoir examiné, comme le demandait le bailleur, la gravité de la faute du preneur au regard des circonstances résultant du régime applicable aux logements conventionnés, de l'interdiction légale de sous-location et d'un changement de destination des locaux susceptible d'être caractérisé par l'utilisation répétée et lucrative d'une partie du logement conventionné.

La Cour de cassation rappelle, au visa des articles 1728 et 1729 du code civil et de l’article R. 353-37 du CCH (devenu l’article D. 353-37), que le bailleur peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail si le preneur emploie la chose louée à un usage autre que celui auquel elle a été destinée, ou dont il peut résulter un dommage pour lui. Les logements  conventionnés sont loués nus à des personnes physiques, à titre de résidence principale, et occupés au moins 8 mois par an.

Dans le secteur social, au sens large, HLM, logements conventionnés (c'est-à-dire faisant l'objet d'un conventionnement avec le bailleur qui dispose de subventions ou d'aides moyennant le respect de certaines obligations telles que notamment des plafonds de loyers), les sous-locations sont en principe interdites sauf quelques très rares exceptions (intermédiation locative, accueil familial, cohabitation intergénérationnelle...). Violer une interdiction dans le cadre d'un régime conçu afin de créer une offre de location à des loyers modérés doit être considéré comme une circonstance aggravante du manquement du locataire.

Si, dans le secteur privé, le faible nombre de nuitées de sous-location (CA Paris, ch. 4-4, 30 oct. 2018, n° 16/18412) ou le fait que le logement reste occupé durant la sous-location, peut être considéré comme ne revêtant pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation du bail, il ressort de la décision que la situation doit être examinée avec plus de sévérité dans le parc social.

 La totalité des sous-loyers illégalement perçus doit être versée au bailleur

La résiliation du bail est une sanction extrêmement lourde, mais la condamnation à verser au bailleur les sous-loyers acquittés en contrepartie de la sous-location non autorisée peut également être assez douloureuse.

Sur le fondement de règles classiques du droit de biens (V. Georget, Les enjeux juridiques de la location de courte durée, Rapp. annuel des études de la C. cass. 2022), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a qualifié les sous-loyers perçus par le preneur « de fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire » et doivent donc lui être restitués (Cass. 3civ., 12 sept. 2019, n° 18-20.727, n° 745 FS - P + B + R + I). Dans ce cadre, le fait que la location dépende du secteur social ou du secteur  privé est indifférent.

Sans remettre en cause cette jurisprudence, des plaidants ont continué de creuser le sillon du droit des biens des articles 546 et suivants du code civil en prenant appui sur l'article 548 selon lequel « les fruits produits par la chose n'appartiennent au propriétaire qu'à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement » afin d’obtenir l'imputation des loyers versés en exécution du bail principal sur le montant des sous-loyers à rembourser (CA Paris, ch. 4-4, 11 janv. 2022, n° 19/04067 ; CA Paris, ch. 4-4, 18 janv. 2022, n° 20/03672), réduisant d'autant la créance du bailleur.

Dans leur décision du 22 juin 2022, les Hauts magistrats mettent un coup d'arrêt à ce courant. C'est que l'article 548 est suivi d'un article 549 qui dispose que le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Comment le locataire « auteur de la sous-location interdite » pourrait-il être un possesseur de bonne foi ? Le vice dans le fruit le prive de la possibilité de le croquer... 

La Cour de cassation censure donc les juges du fond qui avaient déduit des sommes à payer au bailleur le montant des sommes que ce dernier avait perçu en exécution du bail.  

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