Annulation de l'autorisation environnementale de la centrale du Larivot

10.05.2022

Environnement

Pour le tribunal administratif de la Guyane, la dérogation espèces protégées est illégale, faute pour les services de l'État de démontrer l'absence de solution alternative satisfaisante permettant de réduire les atteintes portées aux espèces protégées.

Alors que le Conseil d'État avait décidé en février dernier que les travaux de la future centrale électrique du Larivot pouvaient reprendre, un nouveau coup d'arrêt est porté au projet.
Le projet vient en effet de faire l'objet d'une nouvelle décision de justice, avec l'annulation au fond de son autorisation environnementale par le tribunal administratif de la Guyane.
Premier round : une suspension en urgence finalement annulée
Le 22 octobre 2020, le préfet de la Guyane avait délivré une autorisation environnementale pour la réalisation d’une centrale électrique sur le territoire de la commune de Matoury en Guyane, laquelle, rappelons-le, fait partie des "zones non interconnectées".
Dans une décision du 27 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif avait suspendu en urgence l'autorisation environnementale de la future centrale, estimant notamment qu’il existait un doute sérieux sur sa légalité au regard des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) fixés par la loi (v. notre actualité du 3/08/21 "Suspension de l'autorisation environnementale d'une centrale électrique en Guyane").
 
Par la suite, le 10 février 2022, le Conseil d'État avait annulé ladite suspension, au motif notamment qu'aucune disposition législative n’imposait de prendre en compte pour ce type d’autorisation l’objectif de réduction des émissions de GES ainsi fixé par la loi (v. notre actualité du 11/02/22 "La suspension de l'autorisation environnementale de la centrale éléctrique du Larivot est annulée").
Deuxième round : au fond, l'annulation de l'autorisation environnementale
Le tribunal administratif de la Guyane a rendu, le 28 avril 2022, un jugement statuant au fond sur la requête des associations qui contestaient la légalité de l’autorisation environnementale de la centrale.
Le coeur du jugement porte sur la dérogation espèces protégées (C. envir., art. L. 411-2), comprise dans l’autorisation environnementale.
Pour mémoire, un projet de travaux, d’aménagement ou de construction susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur.
En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
En l'espèce, le tribunal juge que le projet de construction de la centrale électrique doit être regardé comme répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur.
Cependant, il juge que la dérogation espèces protégées est illégale, faute pour les services de l’État de démontrer l’absence de solution  alternative satisfaisante permettant de réduire les atteintes portées aux espèces protégées.
En effet, il estime, au vu du dossier, qu’il n’est pas démontré que les deux zones dit du "parc avenir", situées à Rémire-Montjoly, ne constituaient pas des solutions alternatives satisfaisantes, sachant que le choix de ces terrains aurait permis de réduire les atteintes portées aux espèces protégées. Des zones qui avaient d’ailleurs été envisagées par l'exploitant pour y implanter la centrale électrique, avant que l’entreprise ne choisisse finalement le site du Larivot.
Le tribunal considère que le vice entachant la dérogation espèces protégées n'est pas régularisable "compte tenu des modifications substantielles du projet qu’impliquerait sa régularisation". Il refuse dès lors de surseoir à statuer et annule l'intégralité de l'autorisation environnementale.
Vers un troisième round avec l'appel et la demande de suspension du jugement
Le ministère de la transition écologique considère ce projet de centrale comme essentiel à la sécurité de l’approvisionnement en électricité en Guyane, en raison du vieillissement d'une centrale thermique existante.
Devant le risque de retard du chantier, le Gouvernement a décidé, tout comme le porteur de projet, de faire appel de la décision et de demander la suspension de l’exécution du jugement.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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