Anti-corruption : la convention judiciaire d’intérêt public se précise

Anti-corruption : la convention judiciaire d’intérêt public se précise

10.05.2017

Gestion d'entreprise

Qualification des faits, montant de l’amende et programme de « mentoring » à respecter, la proposition de transaction pénale sera clairement exposée à l’entreprise.

On y voit plus clair. Le manuel d’instruction de la procédure de transaction introduite par la loi Sapin II (voir notre article) est paru fin avril sous la forme d’un décret. Il décrit la forme et le contenu de la proposition de convention adressée aux entreprises. Rappelons que la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) peut être proposée par le procureur de la République à toute personne morale (voir notre article), mise en cause pour certaines infractions d’atteinte à la probité ou pour délit de blanchiment de fraude fiscale, avant la mise en mouvement d’une action publique (selon l’article 41-1-2 du code de procédure pénale) ou sur transmission d’un dossier par un juge d’instruction (selon l’article 180-2 du même code). Si une CJIP est conclue, la personne morale n’est pas reconnue coupable du délit pour lequel elle aurait pu être poursuivie.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Attendez-vous à recevoir des lettres recommandées avec demande d’avis de réception (LRAR). C’est ainsi que la CJIP sera envoyée à l’entreprise par le procureur de la République. Elle devra préciser :

  • « La dénomination sociale de la personne morale concernée ;
  • Un exposé précis des faits ainsi que la qualification juridique susceptible de leur être appliquée » ;
  • La nature et le quantum de l’amende (dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel (voir notre article) et du programme de mise en conformité sous le contrôle de l’Agence française anti-corruption (qui durera 3 ans au maximum), ainsi que les délais et les modalités dans lesquels ces deux obligations seront à exécuter ;
  • « Le cas échéant, le montant maximum des frais exposés pour le contrôle de la mise en œuvre du programme de conformité qui sont supportés par la personne morale mise en cause ;
  • Le cas échéant, le montant et les modalités de la réparation des dommages causés par l’infraction (dans un délai maximal d’un an) ».

La dernière mention interviendra si une victime est identifiée. Dans ce cas, le procureur aura informé la victime par tout moyen de son intention de conclure une CIJP avec la personne morale et demandé « de lui transmettre tout élément de nature à établir la réalité et l’étendue du préjudice » (dans un délai qu’il fixera).

Trois étapes

Une fois cette première étape complétée, vient celle de la validation de la CJIP par une requête. La requête sera adressée en amont par le procureur aux représentants légaux de la personne morale et, le cas échéant, à la victime, une nouvelle fois par LRAR. Une seconde LRAR les informera de la date, de l’heure et de l’adresse de l’audience à laquelle ils seront invités à comparaître. Une fois l’audience passée, le président du tribunal de grande instance décidera de valider ou non la requête via une ordonnance, et sa décision sera insusceptible de recours. En cas de validation, l’entreprise pourra toutefois se rétracter en adressant une LRAR au procureur de la République dans les 10 jours (voir l’article 41-1-2 du code). L’ordonnance sera accompagnée « d’un document informant la personne morale des conditions dans lesquelles doivent être accomplies les obligations prévues » (l’amende, le programme de mise en conformité, le cas échéant les modalités de réparation des dommages causés par l’infraction). La convention, le montant de l’amende et l’ordonnance seront publiés sur le site de l’AFA.

Comment s’organise ensuite la réalisation des obligations incombant à la personne morale ? Tout d’abord le paiement de l’amende : il devra être réalisé auprès d’un agent comptable de la direction générale des finances publiques par chèque (le code prévoit la possibilité d’un paiement en plusieurs acomptes sur une année maximum). Le programme de conformité donnera ensuite lieu à un rapport de l’Autorité réalisé chaque année et transmis au procureur ainsi qu’à un rapport final à l’expiration du délai d’exécution de la mesure (après trois années maximum). Enfin, s’il y a lieu, la personne morale devra communiquer au procureur « les éléments permettant de justifier la réparation du préjudice causé à la victime » dans les délais prescrits. Et si tout est en ordre, le procureur avisera les représentants de l’entreprise, le cas échéant la victime ou le juge d’instruction de l’extinction de l’action publique. Au contraire, si la convention n’est pas intégralement exécutée, son interruption sera constatée par LRAR adressée à la société. Elle pourra donner lieu à l’engagement de poursuites et le dossier de la CJIP sera versé à la nouvelle procédure. Le juge pourra alors tenir compte de l'exécution partielle des obligations issues de la CJIP.

Sophie Bridier
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