Anticorruption : comment impliquer davantage la direction générale et les collaborateurs ?

Anticorruption : comment impliquer davantage la direction générale et les collaborateurs ?

15.06.2021

Gestion d'entreprise

Dans 15 jours, les nouvelles recommandations de l'AFA prendront plein effet et la sensibilisation se retrouve désormais au cœur du programme de conformité. Talk-show, escape game, web-séries à regarder en équipe... Susciter l'envie et l'intérêt de ses collaborateurs nécessite d'avoir des idées toujours plus innovantes et ce n'est pas que l'affaire de la direction juridique...

Les nouvelles recommandations de l’AFA sont-elles allées trop loin en matière de lutte anticorruption ? « Non, on a conservé l’esprit de la loi », répond Michel Sapin, senior adviser au sein du cabinet Franklin et ancien ministre, en ouverture de la conférence live organisée hier par le Cercle Montesquieu, en partenariat avec Le Droit pour moi et Lefebvre Dalloz. Ces recommandations, applicables à partir du 1er juillet, insistent en particulier sur l’implication des instances dirigeantes.

Pourquoi ce volet a-t-il pris autant d’importance ? « Le monde économique a changé, la mentalité des jeunes aussi », estime Pascale Neyret, directrice juridique, éthique et conformité au sein du groupe Bouygues Immobilier et administratrice du Cercle Montesquieu. « Les nouvelles générations veulent donner du sens à leur travail. Ils veulent être fiers de leur entreprise. L’éthique et la conformité, c’est important pour eux. Et l’instance dirigeante doit l’incarner », poursuit la directrice juridique.

Se faire aider par les services RH et communication

Alors comment impliquer les instances dirigeantes, surtout en cette période trouble ? Avec « de nouveaux moyens de communication. Des vidéos, des chats, des jeux de rôle. Le dirigeant peut monter sur l’estrade » en mode « talk-show », imagine Pascale Neyret. Pour ce faire, la direction juridique et conformité peut « se faire aider par les services RH et communication », suggère-t-elle.

Le plus important est de « démystifier la matière » et de « donner envie aux collaborateurs ». Il faut leur faire comprendre que « ce n’est pas que de la lourdeur administrative » et « un risque de sanction pécuniaire élevée » mais plutôt « un relai de compétitivité » ! Un état d’esprit partagé mais légèrement nuancé par Michel Sapin : « Oui l’éthique et la compétitivité vont de pair aujourd’hui ». Toutefois, « la sanction pécuniaire reste une incitation lorsqu’on observe l’actualité et qu’on voit nos collègues en difficultés devant les tribunaux… ».

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Renforcement des sanctions contre les dirigeants personnes physiques

« On remarque d’ailleurs un renforcement des sanctions contre les dirigeants personnes physiques en France comme à l’étranger », alerte Sophie Scemla, avocat aux Barreaux de Paris et de New York, et associée chez Gide. « Les peines infligées aux délinquants en col blanc sont devenues plus sévères. On voit de plus en plus de peines d’emprisonnement ferme. Avant c’était du sursis », analyse l’avocate.

Quant à la formation des collaborateurs, il « faut susciter l'envie et l’intérêt », recommande Pascale Neyret. Et d’autant plus que la nouvelle génération est en quête de sens. Alors comment les attirer ? De manière « originale pour sensibiliser sur un sujet un peu répulsif et rébarbatif ». Chez Bouygues, la directrice juridique a mis en place chaque vendredi des sessions de visionnage de la web-série lancée le mois dernier par le Cercle Montesquieu, Le Droit pour moi et Lefebvre Dalloz. « Je l’ai appelée La Casa De Conformité ! ». « Un succès » tel que la directrice juridique s’est fait « harceler par les RH pour développer des formations » sur le même modèle.

C’est aussi « un axe managérial » pour l’entreprise, ajoute Pascale Neyret. « Tous les managers doivent s’investir » et être les « ambassadeurs » de la lutte anticorruption. « Je ne veux plus entendre « va voir le département de la conformité ! ». Pour les aider, il y a les « webinaires », qui « donnent les bases » et permettent de « répondre aux questions », mais il faut « beaucoup de formations en présentiel », insiste la directrice juridique. Celle-ci incite d’ailleurs à mettre en place des jeux de rôles, avec des cas concrets et dont le scenario est pensé par les collaborateurs. « Pourquoi pas un escape game de l’éthique et de la conformité ? ».

Ne pas transiger avec l'éthique

Doit-on former tous les salariés du groupe ? C’est ce que « l’AFA recommande, mais ce n’est pas forcément réaliste », estime Sophie Scemla. « Il faut adapter la sensibilisation à la culture de l’entreprise. On ne peut pas mettre tous les collaborateurs au même niveau ».

« Il faut créer le dialogue », poursuit Pascale Neyret. « Le salarié doit remonter l’information, même s’il a un doute. C’est là où le manager a un rôle à jouer ! C’est tout un écosystème ».

Et en cette période de crise sanitaire, « où l’entreprise doit traiter l’urgence, ce n’est pas facile » de porter ses efforts sur la lutte anticorruption, concède Michel Sapin. Attention, « s’il y a une baisse d’attention sur ce sujet. Vous montez très lentement mais vous dégringolez très vite », prévient l’ancien ministre. « Je crains que dans quelques mois ou quelques années les autorités de poursuite s’aperçoivent que dans cette période les entreprises se soient abstenues au nom de l’urgence. « Mais même au nom de l’urgence, ne pas transiger avec ces questions éthiques ».

Leslie Brassac
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