Anticorruption : l’AFA dresse un premier bilan, entre faits et chiffres

Anticorruption : l’AFA dresse un premier bilan, entre faits et chiffres

21.06.2019

Gestion d'entreprise

L’Agence française anticorruption (AFA) vient de publier son rapport annuel d’activité 2018. Éclairage sur les principaux enseignements de ce premier bilan.

C’est, pour une institution qui s’est véritablement mise en ordre de marche en septembre 2017, le premier bilan d’une année entière d’exercice. Un laps de temps qui a permis de « mettre les textes en œuvre », de « mesurer la nature réelle de notre activité », de « définir notre organisation, nos procédures de fonctionnement », a expliqué le directeur de l’AFA, Charles Duchaine, au cours d’une présentation du rapport annuel 2018 à la presse, le 19 juin dernier à Paris. Aujourd’hui, au bout d’un an et demi, « nous connaissons bien nos missions », « nous savons mieux où nous allons et comment nous y allons ». Surtout, l’Agence a clairement choisi de « se positionner ». Pas question de faire « des contrôles formels, de façade » : « j’ai privilégié une autre approche » parce que « je voulais que notre travail serve à quelque chose ». « J’accepterai d’avoir un mauvais bilan mais pas un bilan cosmétique », résume-t-il.

Une bonne évolution culturelle mais « c’est la méthode qui pèche »

Mais si l’Agence a bel et bien démarré à partir d’une feuille blanche, c’est aussi le cas de la plupart des acteurs économiques qui ont dû, avec la loi Sapin II, se conformer à de nouvelles obligations en matière de prévention des atteintes à la probité. Depuis, « je pense qu’il y a eu une bonne évolution au sein des entreprises au niveau culturel, mais c’est la méthode qui pèche », reprend Charles Duchaine. Il s’agit « d’une approche par les risques, et ce qui pèche le plus c’est la cartographie, sur laquelle repose toute l’analyse des risques, et pour laquelle les entreprises ont tendance à faire du copié-collé ».

« Les entreprises ne tiennent pas suffisamment compte des précédents et des enseignements qu’elles peuvent en tirer ».

Une forte activité en conseil et formation

En matière de conseil et de formation sur la prévention des atteintes à la probité, qui est l’une des deux missions de l’AFA, le bilan 2018 affiche une forte activité et productivité :

  • 8 supports pédagogiques ont été élaborés à l’attention des acteurs économiques,
  • 17 ateliers techniques ont été organisés avec les fédérations professionnelles,
  • 12 actions de formation ont été déployées (dont un MOOC sur la prévention de la corruption dans le secteur local, suivi par plus de 6 500 personnes),
  • 152 questions envoyées à l’AFA (à l’adresse afa@afa.gouv.fr) ont été traitées,
  • 10 entreprises et 10 administrations et collectivités publiques ont demandé et bénéficié d’un accompagnement individuel pour se mettre en conformité, etc.

« On est vraiment dans l’ouverture. On essaie d’être une administration au contact des administrés pour contribuer à la diffusion de cette culture » anticorruption.

En ce qui concerne plus particulièrement les acteurs publics, « j’avais des craintes au début mais je suis rassuré aujourd’hui ». « La loi ne disait pas ce que l’on devait contrôler et ne nous donnait pas de capacité de poursuites et de sanctions contre les acteurs publics », rappelle-t-il. Alors « nous avons transposé aux acteurs publics les dispositions [relatives à la prévention] prévues pour les acteurs économiques ». Et, au final, « nous faisons un travail utile auprès des acteurs publics parce que nos rapports finissent toujours par arriver dans les mains des autorités de tutelle ».

Pas de confusion entre conseil et contrôle

Reste que les entreprises peuvent hésiter à demander conseil à une autorité également chargée de les contrôler. « Il n’y a aucune confusion entre le conseil et le contrôle. Une entreprise qui va demander des conseils ne s’expose pas à un contrôle », assure le directeur de l’AFA. « Nous respectons ce cloisonnement » sinon « nous perdrons la confiance que les entreprises peuvent avoir à notre égard ». Le patron de l’anticorruption ne cesse par ailleurs d’encourager les entreprises qui découvrent des faits de corruption à prendre contact avec l’Agence. « Venez nous voir », dit-il, « on ne va pas passer l’éponge mais on va vous aider » avec la mise en relation avec le parquet et « à négocier une CJIP ». « On va vous conseiller et, ensuite, vous en ferez ce que vous voudrez ». Et surtout, « on ne va pas faire un article 40 pour vous dénoncer au parquet, sinon, plus aucune entreprise ne s’adressera à nous ».

Très peu de contrôles orientés par des signalements

En 2018, l’AFA a effectué 47 contrôles d’organisations assujetties (au titre de l’article 17 de la loi Sapin II) à l’obligation de mettre en place un programme de prévention de la corruption, dont 43 à l’initiative de l’Agence et 4 réalisés en exécution d’une CJIP. 28 ont porté sur des acteurs économiques (dont 2 entreprises publiques et 11 filiales françaises de groupes étrangers) et 15 sur des acteurs publics ou associatifs. « Très peu de contrôles sont orientés par des informations préalables », à peine « 1 ou 2 », précise le directeur de l’Agence, qui reçoit néanmoins beaucoup de courriers, souvent anonymes…

« Des gens viennent vers nous pour dénoncer tout et n’importe quoi », observe-t-il. « Nous lisons tous les signalements qui nous sont adressés, et nous transmettons éventuellement au parquet », ajoute-t-il.

5 signalements article 40 du CPP

Ces contrôles effectués en 2018 ont donné lieu, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, à 5 signalements adressés au Parquet national financier et aux parquets de Paris, Marseille, Nanterre et Lille. Les faits signalés étaient « susceptibles de caractériser des atteintes à la probité comme les délits de corruption, détournements de fonds publics, favoritisme, prise illégale d’intérêts, mais également de faux et usages de faux, abus de confiance, abus de biens sociaux, tenue de comptabilité irrégulière, fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale, non révélation de faits délictueux par les commissaires aux comptes, complicité et recel de ces délits », peut-on lire dans le rapport annuel de l’AFA. À noter que, pour la première fois, en 2019, le directeur de l’AFA a saisi la commission des sanctions qui va entendre, le 25 juin prochain, le dirigeant d’une entreprise contrôlée qui a, par ailleurs, fait l’objet d’un signalement au titre de l’article 40.

Plaidoyer pour un réseau anticorruption international

L’Agence a également déployé une grande activité à l’international en 2018 – accueil de délégations étrangères, participation à des évènements et formations internationaux, signature de protocoles bilatéraux avec des autorités anticorruption étrangères, etc. –, dont le point d’orgue a été le lancement, le 16 octobre 2018 à Sibenik (Croatie), du réseau international des autorités de prévention de la corruption, auquel 17 autorités et agences ont adhéré. Un réseau qui doit aboutir à « des échanges opérationnels », parce qu’« à un moment il faut arrêter de parler. Il faut agir », souligne Charles Duchaine. « Je pense qu’il faut faire pour l’anticorruption ce qui existe pour les circuits financiers illicites [Ndlr : le Gafi] », parce que « la corruption, c’est un peu comme la pollution, on ne peut rien faire tout seul dans son coin, on ne peut plus prétendre répondre au niveau national à des questions internationales ». Et en termes de protection des intérêts économiques régionaux, « nous avons aussi largement intérêt à nous organiser au niveau européen parce que les États-Unis mènent le jeu sur ce terrain ».

Reste que le projet se heurte à quelques difficultés. À commencer par l’identification des interlocuteurs dans chaque pays. « Malheureusement, on n’a pas d’homologues partout ». Et, lorsqu’il y en a, « ils ont des statuts très différents », alors « on essaie de trouver des passerelles pour échanger des informations entre nous ». Mais surtout, « il n’y a, aujourd’hui, aucun fondement juridique pour que je puisse transmettre des informations à un interlocuteur à l’étranger », regrette-t-il. Pour cela, « il va falloir que le législateur modifie les textes ». Une demande que le directeur de l’AFA avait formulée dès la création de l’Agence.

 

Prévention de la corruption : les lacunes et les bonnes pratiques des acteurs économiques

Parmi les enseignements que l’AFA a tirés de son activité en 2018 figurent notamment le constat d’un certain nombre de lacunes observées chez les acteurs économiques :

  • Un engagement des instances dirigeantes souvent insuffisant ou insuffisamment perceptible ;
  • Des entités contrôlées qui ne connaissent pas précisément les risques d’atteinte à la probité (pas de cartographie des risques adaptée) ;
  • Des systèmes de management des risques lacunaires car souvent incomplets ;(insuffisance des contrôles comptables et du contrôle interne, inexistence ou incomplétude des procédures d’évaluation des tiers, mise en œuvre inaboutie du dispositif de recueil des signalements et de protection des lanceurs d’alerte.

L’AFA a par ailleurs identifié un certain nombre de bonnes pratiques de nature à faciliter la mise en œuvre des dispositifs anticorruption :

  • La mise en place d’un système d’information commun à l’ensemble du groupe répertoriant les cadeaux et invitations ;
  • La mise en place d’un système d’information permettant de lancer des alertes dans toutes les langues pratiquées par le groupe ;
  • Des formations dispensées en présentiel par l’entité au bénéfice de ses tiers les plus à risque ;
  • La participation de l’entreprise à l’élaboration d’une méthode adaptée à ses besoins quand la réalisation des diligences raisonnables est externalisée (l’entreprise ne se contente pas d’acheter une prestation).

 

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

Découvrir tous les contenus liés
Miren Lartigue
Vous aimerez aussi