Cartographie des risques, dispositif d'alerte interne ou encore rédaction des codes de conduite, ont été les chantiers prioritaires de l'assureur pour se mettre en conformité avec la loi Sapin II. Description du processus par Cédric Duchatelle, directeur conformité et éthique des affaires d'AG2R La Mondiale.
Depuis le 1er juin, le groupe AG2R La Mondiale, dont l'activité est principalement déployée en France, est tenu de réaliser un programme de compliance anticorruption, conformément à la loi Sapin II (voir notre dossier). Un travail a été entrepris, sur plusieurs mois, pour assurer cette nouvelle obligation légale.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
En quoi consiste le projet groupe mis en place sur la loi Sapin II ?
Il s’agit d’un projet pluri-secteurs d’activités qui a regroupé, autour de la table, une dizaine de personnes dont le déontologue, un représentant de la fonction juridique, de la comptabilité, de la DRH, du contrôle interne groupe et de la conformité. Le sujet l’exigeait. La partie sanction, formation et lobbying de la loi touchent, par exemple, la DRH. Ensemble, nous avons réalisé le gros des travaux de mise en conformité sur 6 mois. Trois chantiers ont été définis : l’évaluation et le contrôle des risques de corruption ; la formation et la gestion des conduites à risques ainsi que le dispositif de lobbying. Chacun a donné lieu à plusieurs ateliers. Nous avions, toutefois, anticipé l’exigence du code de conduite sur lequel nous avons entamé nos travaux en début d’année 2016. « Un guide des bonnes pratiques de lutte contre la corruption », focalisé sur le secteur des achats, a été élaboré. Notre projet groupe n’est cependant pas terminé. Il se poursuit.
Quelles étaient les priorités à mener ?
Les plus importantes étaient la réalisation du dispositif d’alerte, le « morceau » le plus novateur et donc le plus complexe à structurer. Le sujet de la cartographie des risques a aussi été identifié comme prioritaire. Elle était structurante de nombreux ateliers, comme ceux s’intéressant à l’évaluation des fournisseurs, au contrôle comptable ou aux formations qui reposent sur les risques identifiés.
Concernant le dispositif d’alerte interne, vous avez opté pour l’outil d’un cabinet d’avocats…
La loi est extrêmement exigeante sur la confidentialité du dispositif. L’outil est complexe à gérer dans une logique interne. Le cabinet fera l’interface entre le lanceur d’alerte et nous, afin de garantir au premier le respect de son anonymat. Nous bénéficierons d’informations sur le contenu de l’alerte mais pas sur l’identité du lanceur. Le cabinet recevra les alertes, puis fera le tri, avant de les qualifier et d’aider à la constitution du dossier du lanceur. Il sera alors adressé à un comité des alertes créé au sein du groupe (avec des représentants de la conformité, de la direction juridique, de la DRH et le déontologue). Le comité analysera le dossier, mènera d’éventuelles investigations complémentaires en interne pour se donner une vision de l’importance du sujet. En fonction, une sanction RH ou un dépôt de plainte, devant le juge pénal, pourront être décidés. Faire appel à l’outil d’un cabinet d’avocats crédibilise la démarche. Le dispositif est lancé cette semaine.
Comment a été réalisée votre cartographie des risques ?
Nous avons créé un questionnaire, adressé aux 200 cadres de direction du groupe, et obtenu près de 60 % de retours. Derrière chaque question, un poids de risque potentiel était identifiable. Il a été évalué à la fois par les directions et nos experts internes (le groupe de travail). Les écarts de visions entre les deux ont conduit l’analyse. En consolidant les réponses, il nous a été possible de réaliser une première cartographie des secteurs les plus exposés. Elle va ensuite évoluer. Les échanges à venir, avec les directions les plus exposées, permettront d’affiner l’identification des risques. Dans un second temps, les actions de maîtrise du risque et les dispositifs de contrôle, à mettre en place, vont être définis. Le plus gros risque tourne autour des cadeaux, des marques d’hospitalier et des séminaires. Nous allons travailler à la définition de principes en la matière au second semestre 2017.
Avez-vous été obligé de sensibiliser le top management ?
Les dirigeants avaient entendu parler de la loi Sapin II. Nous les avons sensibilisés en leur montrant qu’ AG2R La Mondiale est concernée par le sujet et que la mise en conformité implique une transformation du quotidien de l’entreprise. Les dirigeants vont communiquer prochainement en interne avec la mise en place du système d’alerte. En parallèle, ils ont évoqué la loi Sapin II devant les instances représentatives du personnel à qui les codes de conduite, que nous avons dénommés « guides de bonnes pratiques » sont présentés. Le premier, « le guide des bonnes pratiques de lutte contre la corruption », s’adressant aux achats, a été présenté aux instances représentatives en mai et fera l’objet d’une information dès juin à l’ensemble des collaborateurs du groupe via le site intranet. Un autre guide, pour les commerciaux, a aussi été mis en place.
Pourquoi deux code de conduite ?
Le code d’éthique des affaires d’AG2R La Mondiale pose les grands principes mais ne rentre pas dans un niveau de détails opérationnel. Pour se faire, nous avons préféré découper nos guides autour des pratiques métiers. Deux documents distincts concernent ainsi les achats, et les commerciaux. Un autre à venir s’intéressera aux métiers de l’IT (système d’informations). A terme, nous aurons trois ou quatre guides de bonne conduite. Nous structurerons ces guides en fonction des secteurs à forts risques identifiés par la cartographie. Tous seront intégrés au règlement intérieur. D’où le passage devant les instances représentatives du personnel et le comité d’entreprise. C’est un lourd processus.
Plusieurs formations vont être déployées dans le groupe…
Deux niveaux de formation sont nécessaires. Un premier est tout public. Des films sont mis à disposition de l’ensemble de nos collaborateurs via notre intranet. Le premier explique le dispositif d’alerte et le second est sur la corruption. Un troisième film sera proposé sur les cadeaux, les achats et les marques d’hospitalité. Ces outils seront utilisés dans le parcours d’intégration des nouveaux entrants. A côté, un second niveau de formation, vise les métiers les plus exposés aux risques, identifiés par la cartographie. Nous travaillons à un module, en présentiel, destiné aux acheteurs.
Et sur les contrôles comptables et les audits de vos partenaires commerciaux, où en êtes-vous ?
Les premiers ont été lancés et des évolutions sont en cours. Nous nous sommes, par exemple, posés les questions suivantes : Les dépenses de cadeaux sont-elles affectées au bon compte ? Les prestations sont-elles payées à l’étranger alors que le groupe n’y a pas d’activité spécifique ? Les contrôles sont menés car la direction comptable a pris à bras le corps le sujet. Si des risques sont identifiés, ils seront remontés au groupe et s’ils se consolident, ils feront l’objet de plan d‘actions réparateurs ou de préventions.
Le second sujet est plus complexe. Nous réfléchissons à créer une base de donnée pertinente mise à la disposition du personnel sélectionnant des prestataires (les achats, les commerciaux, etc.). Elle pourrait permettre d’identifier ceux avec lesquels contracter induit un risque. L’outil répertoriera aussi les questions sur la corruption à poser, à un prestataire, lorsqu’il répond à l’un de nos appels d’offres.
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