De ses dires, il reste encore «beaucoup à apprendre» à l’Agence française anticorruption.
« Loi Sapin II, 2 ans après : bilan et perspectives ». Tel était le thème de la conférence d’ouverture du nouveau cycle de formation sur la prévention de la corruption organisée le 16 janvier à l’École de formation professionnelle des barreaux de la cour d’appel de Paris (EFB). Une formation « conçue à plusieurs mains » avec l’Agence française anticorruption (AFA), le Cercle Montesquieu, le barreau de Paris et l’EFB, a précisé son directeur, Pierre Berlioz.
Destinée aux juristes d’entreprise et aux avocats, elle s’appuie « sur une grande diversité des intervenants pour avoir des points de vue complémentaires », a-t-il ajouté. Objectif : faire monter en compétences tout le monde, juristes et avocats.
En l’espace de 2 ans, « nous avons beaucoup appris mais il nous reste encore beaucoup à apprendre », a déclaré Gérald Bégranger, directeur adjoint de l’AFA. Hormis « les grands groupes [qui] n’ont pas attendu l’AFA pour mettre en place des programmes anticorruption, la plupart des entreprises ne sont pas au niveau de conformité des standards internationaux » et « le sens profond de l’action de l’Agence est d’aider les entreprises à se mettre à niveau », a-t-il souligné.
« S’agissant des administrations publiques, la situation est différente » : « nous n’avons pu que constater qu’il manque une culture de la conformité anticorruption » et « la mission de l’AFA est d’insuffler cette culture ».
Et en matière de contrôle, « il n’y a pas eu de saisine de la Commission des sanctions [de l’AFA] parce que nous avons été gentils (…) et parce que les entreprises ont amélioré leurs dispositifs à l’issue du contrôle (...). Le contrôle est aussi du conseil, il est pédagogique », a-t-il pointé.
« Je n’ai pas encore eu la chance d’être contrôlé », a plaisanté Nicolas Guérin, président du Cercle Montesquieu et directeur juridique groupe d’Orange, avant de confirmer que « le contrôle est très pédagogique, c’est effectivement ce que nous disent les entreprises contrôlées ».
« Pour nous [directeurs juridiques], c’est une révolution, une révolution préventive », et « nous partageons beaucoup nos expériences, notamment avec ceux qui ont été contrôlés ».
Reste que sur le terrain de la conformité (RGPD, anticorruption…), « l’année a été très dure pour les petites entreprises », a-t-il souligné, avant d’en appeler à la bienveillance de l’Agence à l’égard de ces dernières.
« L’AFA dit que ses textes ne sont pas des textes de loi, mais c’est la loi de l’AFA, avec des lignes directrices assez précises », a observé l’avocate Dominique Dedieu, avant de relever un certain nombre de points qui, selon elle, méritent d’être soulignés, voire éclaircis.
A commencer par « l’excellente coopération de l’AFA avec d’autres autorités, telles que l’Autorité de la concurrence, la CNIL ou Tracfin ». Elle vise à favoriser « les échanges d’informations entre autorités », et il est important que « les entreprises le sachent », a-t-elle déclaré.
Se pose également la question « des nombreux entretiens menés pendant ou en dehors des contrôles » en l’absence d’une tierce personne et sans établir de procès-verbal. Un sujet sur lequel « il serait bien que l’AFA établisse une politique et une pratique commune ».
L’Agence devrait aussi communiquer davantage « sur ses actions à l’égard des personnes publiques parce que les entreprises se sentent très visées » alors que la lutte contre la corruption concerne tout le monde… Ou encore, s’agissant de la mise en œuvre de la loi de blocage de 68 - une « mission impossible », selon l’avocate -, « il faudrait que l’AFA nous aide ».
En 2018, « l’AFA a mené 43 contrôles auprès de 28 acteurs économiques - dont 11 filiales de groupes étrangers - et 15 acteurs publics ». Et elle a produit sept guides pratiques, dont certains, « en cours de validation, seront publiés dans les prochaines semaines », a précisé Renaud Jaune, sous-directeur du conseil, de l’analyse stratégique et des affaires internationales de l’AFA.
Ce dernier a également souligné « la grande maturité technique » acquise par les équipes de l’Agence, laquelle a commencé « à construire un réseau des agences anticorruption, non pas pour travailler sur des dossiers - cela relève de l’entraide pénale - mais sur un certain nombre de thématiques, telles que les paiements de facilitation ».
L’anticorruption « est avant tout une problématique d’appropriation, (…) et il n’y a pas de modèle unique d’appropriation », a-t-il poursuivi. Tout en notant que « le monde des acheteurs et celui des juristes se sont beaucoup mobilisés ».
« La loi nous oblige à adapter nos standards aux particularités des acteurs », a-t-il rappelé.
Or, « il y a clairement un seuil en dessous duquel le standard universel ne fonctionne pas ». « L’adaptation à la taille des entreprises est indispensable » et l’Agence y travaille, a-t-il assuré. Avant de rappeler qu’il s’agit avant tout de « mettre en place une politique de management des risques dont l’objectif est de dédouaner l’entreprise », si son programme de prévention est effectif.