Apparence physique au travail : les employeurs doivent lâcher du lest

Apparence physique au travail : les employeurs doivent lâcher du lest

16.10.2019

Gestion du personnel

Style vestimentaire, barbe, coiffure, tatouages... Les entreprises devraient réinterroger leurs codes vestimentaires, affirme le Défenseur des droits Jacques Toubon. Dans une décision-cadre publiée hier, il souligne l'évolution de la position des juges sur les restrictions liées à l'apparence physique des salariés.

"Certains codes vestimentaires qui apparaissaient légitimes par le passé, paraissent de nos jours obsolètes, sexistes ou discriminatoires", explique le Défenseur des droits Jacques Toubon dans une décision-cadre sur l'apparence physique au travail publiée le 15 octobre 2019. Ce document, qui retrace les droits et devoirs des entreprises en matière de non-discrimination, a été remis aux ministres du travail, de l'action et des comptes publics, de la santé et des armées, ainsi qu'aux diverses organisations régionales, patronales et syndicales de France. A travers cinq annexes visant chacune un aspect de l'identité physique d'un salarié (poids, tenue vestimentaire, barbe, coiffure, tatouages et piercings), le Défenseur des droits invite les employeurs privés et publics à réinterroger "non seulement leurs codes vestimentaires, mais de manière plus générale leur pratiques [...] à la lumière de la non-discrimination".

Les employeurs à l'épreuve de la mode

Jacques Toubon incite les employeurs à mettre par écrit leurs exigences liées à l'apparence physique de leurs salariés. Ceci tant dans un souci d'opposabilité de ces règles qu'au regard de la nécessité de les justifier face aux juges. Les tribunaux scrutent en effet à la loupe les justifications des employeurs, et n'hésitent plus - et de plus en plus - à condamner ceux qui s'arrêtent trop rapidement à l'apparence de leurs candidats.

"Si des codes vestimentaires sont imposés, ils doivent être toujours en adéquation avec l'évolution de la société et des phénomènes de mode", explique Jacques Toubon. En pratique, seules les exigences liées à la sécurité ou l'hygiène ne devraient pas pouvoir être remises en cause, tant qu'elles sont précisément justifiées. Ainsi, une entreprise peut imposer à son salarié une tenue de travail (utilisation de produits ou outils dangereux, contact avec les aliments...), une coiffure particulière (cheveux attachés pour raisons de sécurité, filet à cheveux...) ou l'absence de pilosité faciale si elle est incompatible avec le port d'un masque de sécurité.

Les autres restrictions sont souvent bien plus délicates à justifier. Ainsi, les codes vestimentaires qui répondent à des considérations d'image ne sont a priori pas justifiés pour des métiers sans aucun contact avec la clientèle. Et même pour des postes en contact avec le public, la restriction doit être proportionnée. Un règlement intérieur qui interdit aux ambulanciers de porter un jean ou des baskets et les oblige à porter une cravate a ainsi été jugé disproportionné par la Cour de cassation. En 2008, une cour d'appel a considéré qu'on ne pouvait reprocher à une cadre de s'être présentée chez un client en jeans et bottes, "alors qu'une telle tenue n'est, en elle-même, de nos jours et dans un tel contexte, en rien incongrue ni déplacée".

"Certains codes stricts et conservateurs doivent être revus à la lumière de l'évolution de la société [...] et des phénomènes de mode, insiste le Défenseur des droits, l'effacement progressif des frontières entre les sphères privée et professionnelle permet aujourd'hui plus de liberté".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Barbe soignée exigée

La barbe est également un symbole de l'évolution des codes dans les entreprises durant ces dix dernières années. Auparavant l'apanage des seniors, elle est devenue un vrai phénomène de mode, si bien que 78 % des hommes de moins de 35 ans porteraient la barbe, selon un sondage Opinionway réalisé pour Bic en 2018. Dans la police, la barbe était interdite depuis 1974, et n'a été autorisée qu'en 2015, suite à deux ans de négociations avec les syndicats. 

"Il est en principe abusif d'exiger des salariés qu'ils se rasent la barbe", rappelle Jacques Toubon, sauf motif particulier lié à la sécurité. Toutefois, l'entreprise peut valablement exiger que la barbe s'intègre à une apparence soignée. En 2019, le Défenseur des droits a rejeté la réclamation d'un candidat à un poste d'animateur de vente en téléphonie mobile en contact avec la clientèle. L'entreprise exigeait qu'il taille sa barbe "imposante et non-taillée" afin de correspondre à l'image de marque de la société. Un prérequis légitime, selon l'institution.

La même exigence de soin peut viser la coiffure des salariés, même si à ce jour, seules les sanctions visant les salariés porteurs de coiffures excentriques ont été admises par les juges : "un employé de banque ayant la tête rasée sur les côtés et surmontée d'une crête jaune centrale gominée" a par exemple été sommé d'adopter une coiffure plus discrète, de même qu'un informaticien portant une coupe à l'iroquoise. La plupart des ces jurisprudences sont toutefois anciennes. Ici encore, l'évolution des moeurs restreint le pouvoir de l'employeur. "Le port de cheveux longs par les hommes [...] figure de plus en plus dans les codes esthétiques actuels", note le Défenseur des droits. Conséquence : les juges suivent eux aussi la mode, estimant en 2011 qu'un attaché commercial ne pouvait pas se voir refuser une promotion du fait qu'il refusait de couper sa queue de cheval.

En revanche, cette évolution semble contourner le problème de l'identité de genre, puisque les différences de traitement entre hommes et femmes concernant le port de cheveux longs (comme le prévoit notamment la police nationale ou certaines compagnies aériennes) ou de boucles d'oreilles n'ont à ce jour pas été reconnus comme discriminatoires en raison du sexe. 

Piercings anachroniques

"Du fait de leur banalisation et de leur ampleur au XXIe siècle, les tatouages discrets et non choquants devraient être tolérés dans le cadre professionnel pour des postes en contact avec la clientèle" selon le Défenseur des droits. A fortiori, les postes dénués de contact avec le public ne devraient pas se voir imposer de restriction quant aux tatouages. S'agissant des piercings, les juges se montrent également plus permissifs qu'auparavant, reconnaissant régulièrement comme abusifs les licenciements fondés sur le refus d'ôter ce type de bijoux. Ici encore, l'employeur peut tout de même justifier son interdiction, en raison des exigences du poste : tel fut le cas, par exemple, de l'employeur d'un hôte d'accueil touristique dont les piercings constituaient un anachronisme dans son costume d'époque.

On l'aura compris, si l'employeur souhaite formuler des restrictions liées à l'apparence de ses salariés, seules des exigences écrites et motivées par des considérations précises et justifiées seront valables. Par ailleurs, le Défenseur des droits rappelle que l'employeur est tenu de prévenir toute discrimination ou harcèlement liés à l'apparence physique de ses salariés, et à sanctionner ces comportements. Il recommande aux entreprises de former leur personnel aux droits et libertés des salariés, tout en associant les partenaires sociaux à la mise en oeuvre effective de l'ensemble des mesures. Cette décision-cadre du Défenseur des droits s'inscrit dans une démarche de sensibilisation des acteurs de l'emploi à la discrimination en entreprise. Cette démarche l'a déjà amené à publier, en juin dernier un guide intitulé "Pour un recrutement sans discrimination".

Laurie Mahé Desportes
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