Quels sont les principaux points de vigilance pour les RH en cette rentrée ? Yoann Gontier, avocat associé au sein d'Epona Conseil, insiste sur deux thématiques. La première, toute récente, la mise en application des arrêts du 13 septembre 2013 relatifs à l'octroi de congés payés en cas de maladie du salarié. La seconde, récurrente mais accentuée par une inflation qui s'installe, celle du pouvoir d'achat des salariés.
Comment les entreprises doivent-elles faire face à cette nouvelle donne jurisprudentielle issue des arrêts du 13 septembre 2023 ?
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Yoann Gontier : Le revirement jurisprudentiel en matière de congés payés n'est pas une surprise ; le couperet devait tomber depuis plusieurs années. Mais pour les RH, il s'agit d'un véritable casse-tête à gérer. Je souhaite mettre l'accent sur trois points.
Le premier consiste pour les professionnels RH à ne pas se précipiter pour le moment même si ces arrêts font couler beaucoup d'encre. Selon moi, il est urgent d'attendre ! Si l’entreprise prenait une décision rapide consistant à agrémenter les compteurs de congés payés des salariés absents, il serait trop tard pour faire machine arrière pour l’entreprise et cela poserait la question de la prescription : jusqu’à quand faudrait-il remonter ? La question reste ouverte à ce jour même si je soutiens, pour ma part, qu’il convient de distinguer selon que le salarié est ou non encore inscrit à l’effectif de l’entreprise. Dans le premier cas, la demande consisterait à se voir créditer des congés payés et se rattacherait à l’exécution du contrat de travail, ce qui pourrait plaider pour un délai de prescription de deux années à mon sens. A l’inverse, si le contrat de travail a été rompu, la régularisation opérée aurait un caractère salarial, ce qui amènerait à appliquer une prescription de trois années. La question du point de départ de ce délai de prescription reste, quant-à elle, ouverte.
A mon sens, il convient donc de garder la tête froide sans pour autant "faire l’autruche". A cet égard, les entreprises doivent communiquer en interne, notamment auprès des représentants du personnel, et engager une véritable réflexion sur la gestion et la quantification du risque en tenant compte également des règles conventionnelles qui étaient applicables jusqu’alors en entreprise (nombre de conventions collectives prévoyant déjà que les salariés continuent temporairement et sous certaines conditions à acquérir des congés payés pendant un arrêt de travail).
Le second consiste à se demander ce que les entreprises pourraient néanmoins envisager dans l'immédiat avec les outils dont elles disposent. Convient-il d'activer la négociation collective d'entreprise pour agir et limiter l'acquisition des congés payés dans le temps et/ou en termes de volume pendant l'arrêt de travail ? Je ne recommande pas cette option qui me semble fermée en l’état actuel de la législation. Il en est de même s’agissant de la possibilité de fixer une date limite conventionnelle de report aux congés payés (qui semble en tout état de cause relever davantage du domaine de la branche si l'on s'en tient à la position du juge communautaire bien que ce point puisse être discuté au regard de la primauté de l'accord d'entreprise en droit français en la matière). En effet, cela correspond-il vraiment aux besoins des entreprises ? Les entreprises sont-elles vraiment en capacité de demander à un salarié de retour d’arrêt de travail de solder, sur une période très courte, ses congés payés acquis avant l’arrêt ou ceux non pris pendant la période de suspension du contrat de travail ? Elles ont plutôt besoin que ces salariés se remettent au travail dès leur retour. Il faut donc se garder de toutes solutions généralisées et standardisées.
Enfin, dernier élément à avoir en tête, la nécessité pour les entreprises et les services RH d’appréhender différemment les arrêts de longue durée. Jusqu'à présent, en cas d'arrêt maladie de longue durée, l'employeur pouvait être amené à se désintéresser de la question dès lors qu'il n'avait plus à verser un complément de salaire car la prévoyance avait pris le relais. Les arrêts du 13 septembre 2023 vont amener les entreprises à aborder la question différemment : agir sur la durée de l'arrêt de travail ou provoquer une fin de l'arrêt de travail. Si les entreprises sont plus enclines qu'auparavant à utiliser le contrôle patronal en cas d'arrêt maladie de longue durée, il convient de l'utiliser avec parcimonie selon moi car ce dispositif marque beaucoup la relation entre le salarié et l'employeur. En revanche, le rendez-vous de liaison, instauré en 2021, constitue un bon outil pour les salariés en arrêt de travail d'au moins 30 jours. Il permet de renouer contact avec le salarié et d'évoquer le sujet des congés payés, voire déboucher sur une rupture conventionnelle si les parties font le constat que la relation de travail ne pourra pas reprendre (ce qui permet indirectement de limiter l’acquisition de congés payés et donc le coût que l’entreprise devra supporter à terme). C'est un outil intéressant qui mérite d'être connu et utilisé par les entreprises permettant d'instaurer un dialogue et de trouver facilement des solutions intelligentes.
Yoann Gontier : La question du pouvoir d'achat continue d'être un sujet de préoccupation que l'on va le retrouver dans le cadre des NAO. Plutôt que de se pencher sur la seule structure de rémunération, j'invite les entreprises à réfléchir à une politique globale de rémunération. S'il semble difficile de faire l'économie d'une hausse des salaires, les entreprises ne peuvent pas tout miser sur cela. Une politique globale traite du salaire, des accessoires de salaire, de la participation de l'entreprise au financement de la complémentaire santé, des titres restaurant, du forfait mobilité durable etc. Il est d'ailleurs dommage que le "package pouvoir d'achat et mobilité durable" s'éteigne à la fin de l'année et ne soit pas pérennisé, d'une part, pour répondre à l'inflation et, d'autre part, pour participer au changement de comportement par rapport à l'urgence de transition écologique.
Il faut aussi souligner l'impact que va avoir la loi qui transpose l'accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur sur toutes les entreprises.
Les entreprises de 11 à 49 salariés vont devoir mettre en place un dispositif de partage de la valeur avec un calendrier accéléré. Ce sujet va beaucoup occuper les petites entreprises en fin d'année. Les entreprises d'au moins 50 salariés vont devoir, quant à elles, rouvrir les négociations sur la participation afin de prendre en compte les nouvelles exigences en cas de partage d'un super profit. L'ensemble de ces nouvelles contraintes législatives vont forcément rouvrir le débat du pouvoir d'achat au sein des entreprises. Il convient aussi de signaler d'autres pistes intéressantes : la possibilité de verser deux primes de partage de la valeur (PPV) dans l'année ce qui présente notamment un intérêt pour les petites entreprises et correspond à la réalité des entreprises, et la pérennisation du régime social de faveur pour les petites entreprises.
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