Réponses de Muriel de Szilbereky, déléguée générale de l’Ansa, qui revient sur la nouvelle façon de prendre en compte l’abstention d’un actionnaire et de faire voter la rémunération des dirigeants.
Deux lois publiées en 2019 impliquent de nouvelles exigences à respecter lors de l’organisation d’une assemblée générale cette année. Il s’agit de la loi Pacte - et de l’ordonnance, en découlant, réformant le cadre légal du vote de la rémunération des dirigeants - ainsi que la loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés. Et il convient, en premier lieu, d’informer les actionnaires de ces évolutions, analyse Muriel de Szilbereky, déléguée générale de l’Ansa (Association nationale des sociétés par actions).
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Avec la loi du 19 juillet 2019, l’abstention n’est plus considérée comme un vote exprimé. Qu’est-ce que cela change ?
Il est tout d’abord nécessaire d’informer les actionnaires de l’évolution suivante : l’abstention n’est plus comptabilisée comme un vote négatif. La voix fait partie du quorum mais pas des votes exprimés. Ce qui renforce la possibilité de faire voter une résolution par une courte majorité. Si, par exemple, 100 personnes sont présentes lors d’une assemblée générale (AG) et qu’il y a 50 abstentions, une résolution peut être emportée avec 30 voix seulement.
Il faut aussi changer les formulaires de votes par correspondance. Jusqu’à présent, il y avait deux cases à cocher : « oui » ou « non » (puisque l’abstention valait un « non »). Il y a dorénavant trois cases à prévoir : « oui », « non » ou « s’abstient ».
Concernant les nouvelles résolutions votées en AG, un rôle prépondérant est désormais donné aux actionnaires présents. De nouvelles résolutions peuvent être validées beaucoup plus facilement que par le passé. Il y a quatre choix : on peut s’abstenir, voter contre ou donner mandat soit au président soit à une personne désignée. Il est important de le noter sur le formulaire. La règlementation n’a jamais prévu que l’on puisse voter « oui ». Les investisseurs étrangers avaient l’habitude de cocher la case « abstention » pour s’opposer à une nouvelle résolution. Il faut expliquer que désormais opter pour l’abstention c’est donner pouvoir à une majorité présente à l’AG qu’ils n’auraient peut-être pas suivie. Nous avons proposé de cocher un « non » de principe pour les résolutions nouvelles, ou sinon de s’abstenir ou de donner mandat.
Les textes d’application de la loi ne sont sortis que début janvier. Aujourd’hui les formulaires sont conformes à la réglementation. Ils ont été élaborés par les professionnels de l’AFTI (Association française des professionnels de titres) qui étaient en train de rédiger leur guide des votes en AG, sorti au mois de février. Avec eux et les émetteurs, nous avons bâti un formulaire qui n’induise pas en erreur les investisseurs et qui permet de bien comprendre la nouvelle règlementation. Les formulaires ont le mérite d’être les mêmes pour la société de nationalité européenne et pour celle de droit français. Ils pourront être utilisés l’année prochaine sans modification supplémentaire.
Que dire de l’ordonnance revenant sur le cadre légal de la rémunération des dirigeants, prise en application de la loi Pacte ?
Elle est parue tardivement dans la perspective de la préparation des AG. Le cadre légal va désormais plus loin que ce qui est demandé par la directive dite « droits des actionnaires II », qui propose un vote sur les rémunérations tous les 4 ans seulement. Nous sommes le seul État membre à avoir un système aussi exigeant.
Il y a un renforcement du vote ex ante par rapport à la loi Sapin II. Nous continuons à avoir une politique de rémunération votée ex ante, chaque année, qui en principe fait l’objet d’une résolution complète : elle comporte toutes les informations nécessaires sur les rémunérations de tous les mandataires sociaux (y compris les administrateurs, les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués, les membres du conseil de surveillance, du directoire, etc.). Ce vote ex ante est obligatoire afin que les rémunérations puissent être déterminées en fonction de cette politique. Les engagements, notamment post emploi, faisaient l’objet d’un vote ex ante et d’un second dans le cadre de la procédure des conventions réglementées. Ce dernier disparaît. Il y a désormais unification de la procédure : tant pour l’ex ante que pour l’ex post.
Le vote ex post porte sur la politique détaillée d’application de la rémunération pour l’exercice écoulé. Ce vote est décomposé en deux : un premier rapport très exhaustif revient sur l’ensemble des rémunérations qui ont été versées en détaillant notamment des engagements post emploi, le nombre d’actions attribuées, les rémunérations exceptionnelles, etc. Deux nouveautés ont été introduites, qui représentent des casse-têtes pour les sociétés : le calcul de la rémunération médiane sur les 5 dernières années et celui de la rémunération moyenne, sur la même période, précisant l’écart entre la rémunération des salariés et des directeurs généraux. Un détail très complet de toutes les rémunérations versées est ainsi réalisé.
Si le compte rendu ex post n’est pas voté par l’assemblée générale, les administrateurs de la société sont sanctionnés. Leurs « jetons » de rémunération sont désormais bloqués, jusqu’à l’année suivante et un vote positif. Si, au contraire, il y a un second vote négatif de l’AG, alors la rémunération est perdue. C’est nouveau. Cette initiative vise à responsabiliser le conseil d’administration.
Une deuxième série de résolution porte sur les rémunérations individuelles des directeurs généraux et directeurs généraux délégués ainsi que des membres du directoire pour les sociétés en disposant. Elles portent sur la partie fixe et la partie variable de la rémunération, au titre du dernier exercice, ainsi que sur toutes les rémunérations versées par le groupe. Si la résolution n’est pas votée, le dirigeant perçoit son fixe mais pas son variable.
Ces deux votes sont nouveaux. Il y a des ajustements qui ne sont pas totalement bouclés. Notamment en période transitoire sur la question du vote ex post proposé sur une politique de rémunération non approuvée en ex ante.
Quelles sont les principales difficultés qui vous ont été signalées ?
Tout d’abord celle de rédiger une résolution ex ante qui soit globale : car la politique de rémunération des administrateurs n’a rien à voir avec celle des directeurs généraux ou des directeurs généraux délégués. S’il est plus pertinent de donner des informations segmentées, peut-on le faire ? C’est une question légitime que l’on nous a posée. La loi prévoit un vote sur l’ensemble de la politique. Mais nous avons recommandé aux sociétés de maintenir des résolutions individualisées par catégories de dirigeants si elles ne pouvaient pas faire autrement et considéraient plus claire cette méthode de présentation. C’est aussi l’avis de l’AMF et du code AFEP-MEDEF.
Le vote ex post sur l’application de la politique comporte aussi beaucoup d’informations : rémunération médiane, moyenne, éventuels engagements post contrat, rémunérations de l’ensemble des dirigeants, etc. Un vote négatif ne permet pas nécessairement de comprendre ce qui a péché. On nous a donc demandé s’il était possible d’isoler certains points pour mieux comprendre l’orientation du vote. Le texte est clair. C’est un vote global qui est imposé par l’ordonnance. Mais il ne faut pas que les assemblées générales soient bloquées. Nous pensons qu’il n’est pas illégal de préciser certains éléments de rémunération à l’intérieur de la politique globale, comme la rémunération des administrateurs, par exemple. A notre sens, il n’est pas absurde de détailler un peu pour mieux analyser l’expression du vote. Les administrateurs doivent pouvoir comprendre pourquoi ils n’ont pas correctement appliqué la politique de rémunération et ont obtenu un vote négatif. Le texte suivi à la lettre aurait pour conséquence qu’un investisseur en désaccord avec une partie seulement de la politique de rémunération devrait en désapprouver la totalité.
La rémunération des dirigeants doit-elle être clairement affichée via des montants versés ?
En ex-ante, ce n’est pas obligatoire. Il peut y avoir un quantum entre la rémunération variable et la rémunération fixe du dirigeant en tant que mandataire social (et non celle liée à son contrat de travail). Mais cela se fait de moins en moins. Dans les faits, il y a souvent plus de transparence que ce qui est demandé par la loi.
Sur les votes ex post, en principe, la totalité des rémunérations des dirigeants d’un groupe est consolidée et elles sont détaillées dans des résolutions individuelles. Une autorisation est donnée sur le montant précis du variable et du fixe.
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