Assurance emprunteur : «Nous allons accepter mécaniquement des dossiers risqués, voire très risqués»

18.09.2022

Gestion d'entreprise

Le marché de l'assurance emprunteur a profondément été réformé par la loi Lemoine. Contrats, tarification, outils... Christophe Vanhuyse, directeur du département Assurance Emprunteur chez SwissLife, nous explique comment le groupe s’est mis en conformité.

Droit de résiliation à tout moment, suppression du questionnaire médical, droit à l’oubli… Les règles de l’assurance emprunteur ont évolué avec la loi Lemoine. Christophe Vanhuyse, Directeur du département Assurance Emprunteur chez Swiss Life, revient avec nous sur le travail qui a été généré en interne et sur les adaptations auxquelles le groupe a dû faire face.

Comment fonctionne le département de l’assurance emprunteur chez SwissLife ?

Notre département Emprunteur a été créé il y a 6 ans. Mais ce n’est pas un sujet nouveau pour nous : on fait de l’assurance emprunteur depuis près de 50 ans. Nous proposons des contrats dits « marque blanche » pour lesquels nous sommes uniquement l’assureur.

Depuis 6 ans, nous avons mis en place un nouveau contrat « maison », qui est directement concerné par les modifications apportées par la loi Lemoine.

Notre département comprend 26 personnes. Nous avons plus de 110 000 polices en portefeuille.

Quel regard portez-vous sur les mesures prévues par la loi Lemoine ?

Dans la loi, il y a un aspect essentiel qu’on attendait depuis longtemps : la résiliation infra-annuelle (RIA). Nous avons œuvré auprès des Autorités, des sénateurs et des députés et ce, depuis plusieurs années. Nous avions déjà obtenu une certaine satisfaction avec la loi Hamon et l’amendement Bourquin.

Mais la RIA simplifie vraiment les démarches pour le client final. Désormais, il ne doit plus systématiquement vérifier la date anniversaire de son contrat pour le résilier (i.e. la date à laquelle il a signé son offre de prêt). Aujourd’hui, la loi lève toutes ces contraintes et c’est une excellente nouvelle pour les assurés.

Pensez-vous que la loi va profondément bouleverser le marché de l’assurance emprunteur ?

Le marché de l’assurance emprunteur n’a pas beaucoup bougé en termes de répartition entre les banques et les assurances. 88 % des parts de marché sont actuellement détenues par les bancassureurs.

La RIA va nous permettre de récupérer quelques parts de marché et les assurés pourront effectuer de belles économies in fine.

Depuis le 1er septembre, la RIA concerne désormais l’intégralité des contrats, quelle que soit la date de souscription effective. C’est aujourd’hui que la loi trouve tout son intérêt auprès du consommateur final.

Quels sont les volets de la loi qui ont demandé le plus de travail en interne ?

Un volet de la loi important concerne le fameux droit à l’oubli. Le client a le droit de ne plus nous déclarer certaines pathologies antérieures à 5 ans. Avant, il s’appliquait lorsque le client était en rémission depuis plus de 10 ans. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour le client. Derrière, cela a généré des adaptations.

Le volet le plus complexe et auquel on ne s’attendait pas : c’est la suppression du questionnaire de santé pour les prêts d’un montant inférieur à 200 000 € remboursables avant l’âge de 60 ans.

C’est ce qui a le plus généré de réflexion en interne – et une adaptation du parcours de souscription notamment. Nous avons mené ces réflexions avec des confrères assureurs, France Assureurs, des réassureurs et des cabinets d’actuariat spécialisés dans l’assurance emprunteur.

Dès lors que l’on ne peut plus connaître l’état de santé de nos clients, cela modifie complètement la notion du risque et la sinistralité. C’est un marché nouveau, nous ne sommes pas certains de pouvoir mesurer tous les risques.

Nous allons accepter mécaniquement des dossiers risqués, voire très risqués.

Cela a-t-il eu des conséquences sur votre tarification ?

Nous nous sommes posés des questions. Que fait-on ? Restons-nous sur ce marché ? Nous avons pris la décision de rester et, comme d’autres assureurs, de majorer nos tarifs pour intégrer cette notion de sinistralité complémentaire. On ne pouvait pas faire autrement et les sénateurs n’avaient peut-être pas conscience de cet impact-là.

On a fait le choix de faire des augmentations tarifaires différenciées par segment de clientèle. Les mois et années à venir nous diront si nous avons fait les choses correctement ou s’il y a des corrections à apporter. Nous pourrons revoir nos tarifs soit à la hausse, soit à la baisse.

Qu’est-ce que cela a changé au niveau contractuel ?

Nous avons un parcours de souscription « full digital » depuis 6 ans. Nous l’avons adapté pour y ajouter des questions, notamment afin de savoir si le client était éligible à la loi Lemoine sans sélection médicale. Mais il faut garder à l’esprit que c’est du déclaratif. Nous n’avons aucun moyen de contrôler leur déclaration et il n’existe pas aujourd’hui de fichier commun entre les assureurs sur les contrats assurés. Ce serait pourtant un moyen d’éviter certains risques. Autrement dit, le client pourrait déjà avoir un autre emprunt sans que nous soyons au courant.

La deuxième adaptation concerne la suppression du questionnaire de santé en ligne. Cela a généré un travail important à l’égard des outils et de la communication car il a fallu être prêt au 1er juin. Aujourd’hui, tout est opérationnel.

Concernant l’obligation d’information de l’assureur sur le droit de résiliation, cela a aussi généré un travail conséquent. Nos délégataires doivent également adapter leur communication pour respecter la règlementation.

Quels sont les challenges qui vous attendent ?

Être au rendez-vous, pouvoir gagner des parts de marché et faire bouger les lignes sur la répartition des contrats d’assurance emprunteur entre les assureurs et les banques. Nous avons obtenu quelque chose qu’on attendait depuis longtemps. Maintenant, cela doit se voir dans nos résultats.

 

propos recueillis par Leslie Brassac

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