AT/MP : les derniers arrêts en bref

10.07.2025

Gestion du personnel

Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont la source d'un contentieux régulier. Dans ce panorama, vous trouverez les arrêts, rendus entre mars et juin, qui ont retenu notre attention.

Dans cette sélection, nous abordons notamment les éléments couverts par le secret médical, les conditions d'instruction d'un AT/MP, la contestation de la décision de rechute ou bien encore la tarification AT/MP.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Contexte

Solution

Accident du travail : communication du rapport d'autopsie

Au stade de l'instruction, l'employeur doit pouvoir bénéficier d’une information complète. Toutefois, ce droit se heurte à celui de la victime de respecter le secret médical.
La cour de cassation a récemment revu sa position sur les éléments couverts par le secret médical et par conséquent ne pouvant pas être mis à disposition de l'employeur dans le dossier constitué par la caisse.
Elle a ainsi déjà reconnu que l'audiogramme du tableau n° 42 des maladies professionnelles est un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu'il n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par la caisse (Cass. 2e civ., 13 juin 2024 nos 22-15.721 FS-BR et 22-22.786 FS-BR).

La Cour de cassation juge également désormais que, en cas d'accident mortel du travail, le rapport d'autopsie constitue un élément couvert par le secret médical, qui n'a pas à figurer dans les pièces du dossier mis à disposition de l'employeur.

Elle opère ainsi un revirement de jurisprudence.

Voir notre article.

Cass. 2e civ., 3 avr. 2025, n° 22-22.634 FS-BR

Maladie professionnelle : contestation du taux prévisible

Le caractère professionnel d’une maladie non prévue par un tableau de MP peut être reconnu, après avis d’un CRRMP, sous réserve que cette pathologie ait été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle ait soit entraîné le décès de celle-ci, soit une incapacité permanente au moins égale à 25 % (CSS, art. L. 461-1 et R. 461-8).
Pour l'instruction du dossier, les CPAM se réfèrent à un taux d'incapacité prévisible.

Dans cette affaire, il s'agit de savoir dans quel cadre contester le taux prévisible.

L'employeur cherchait à contester ce taux au cours d'une action visant à contester la reconnaissance d'une faute inexcusable.

La Cour de cassation retient que « l'évaluation du taux d'incapacité permanente prévisible est distincte de celle du taux d'incapacité permanente définitif et ne relève pas du contentieux technique » .

Ce taux ne peut donc être contesté par l'employeur lors de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable.

Cass. 2e civ., 10 avr. 2025, n° 23-11.731 F-B

Absence des certificats médicaux de prolongation

Pour assurer l'information complète de l'employeur, le dossier de la caisse doit contenir les éléments recueillis (sauf secret médical), sur la base desquels se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie. Doivent ainsi figurer au dossier, à peine d'inopposabilité de la décision de prise en charge, les éléments portant sur le lien entre l'affection et l'activité professionnelle, comme le certificat médical initial.

La Cour de cassation estime que les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle n'ont pas à figurer au dossier. Ils ne sont pas de nature à influer sur la caractérisation de la maladie. Leur absence ne rend donc pas la décision de prise en charge inopposable à l'employeur. La caisse a satisfait à son obligation d'information.

Cass. 2e civ., 10 avr. 2025, nº 23-11.656 F-B

Reconnaissance d'une MP : sanction de l'inobservation des délais d'instruction

En cas de saisine d'un CRRMP, la caisse dispose d'un nouveau délai de 120 jours pour se prononcer sur la reconnaissance de la maladie professionnelle.
Elle doit également, notamment, mettre à disposition du salarié victime et de l'employeur le dossier durant un délai de 40 jours francs, qui se décompose ainsi :
- les 30 premiers jours, employeur et victime peuvent verser des pièces au dossier et formuler des observations ;
- les 10 derniers jours, ils peuvent seulement faire des observations.

Dans cette affaire, la question qui se pose est de savoir comment est sanctionnée l'inobservation de ce double délai ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation, sous l'argument de « l'économie générale de la procédure d'instruction » , estime qu'il y a lieu de fixer des dates d'échéances communes aux parties, salarié victime comme employeur. Elle en conclut que le délai de 40 jours, comme celui de 120 jours dans lequel il est inclus, commence à courir à compter de la date à laquelle le comité régional est saisi.

Elle décide ensuite que « l'inobservation du délai de 30 jours n'entraîne pas l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse ». Ainsi, seule l'inobservation du délai final de 10 jours est sanctionnée par l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur.

Cass. 2e civ., 5 juin 2025, n° 23-11.391 FS-D  

Cass. 2e civ., 5 juin 2025, n° 23-11.392 FS-D 

Cass. 2e civ., 5 juin 2025, n° 23-11.393 FS-D 

Cass. 2e civ., 5 juin 2025, n° 23-11.394 FS-D

Contestation de la décision de rechute

L'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur se prescrit par 2 ans à compter, notamment, de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ou de la cessation du paiement des indemnités journalières (CSS, art. L. 431-2 et L. 461-1).
La survenance d'une rechute n'a pas pour effet de faire courir à nouveau le délai de prescription (en dernier lieu : Cass. 2e civ., 1er déc. 2011, n° 10-27.147). Seule la reconnaissance d'une nouvelle maladie professionnelle ouvre un nouveau délai de prescription biennale.

Dans cette affaire, les ayants droit du salarié victime contestaient, à l'occasion d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la qualification retenue pour le mésothéliome diagnostiqué en 2017 et pris en charge par la CPAM comme rechute des plaques pleurales reconnues comme MP en 2004.

Remarque : l'enjeu est bien évidemment la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable. Pour qu'elle ne soit pas prescrite, il fallait obtenir que la seconde pathologie ne soit pas une rechute de la maladie professionnelle  reconnue en premier.

Pour eux, cette seconde affection est une nouvelle maladie professionnelle et non une rechute. Ainsi, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'est pas prescrite.

La Cour de cassation censure  ce raisonnement. Pour elle, « la victime, dont la lésion a été prise en charge par la caisse à titre de rechute, par une décision devenue définitive à son égard, n'est pas fondée à contester ultérieurement cette qualification à l'appui de son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur » . En l'absence d'une nouvelle pathologie, l'action engagée le 12 octobre 2017 en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est prescrite.

Cass. 2e civ., 5 juin 2025, n° 23-11.468 F-B

Action récursoire envers l'employeur

La majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur.
Il est admis que la victime puisse faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur quand bien même le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi dans les rapports entre la caisse et l'employeur (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 99-17.201).
Quid de l'action récursoire de la caisse lorsque le caractère professionnel de l'accident ou la maladie n'est pas reconnu ?

La Cour de cassation décide que l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'AT/MP prononcée par une décision de justice passée en force de chose jugée ayant reconnu, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, que cet accident ou cette maladie n'avait pas de caractère professionnel, ne fait pas obstacle à l'exercice par la caisse de l'action récursoire envers l'employeur.

Elle avait jusque-là une position contraire : « l'action récursoire de la caisse ne peut s'exercer dans le cas où une décision de justice passée en force de chose jugée a reconnu, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, que l'accident ou la maladie, pris en charge, n'avait pas de caractère professionnel (Cass. 2e civ., 15 févr. 2018, n° 17-12.567) » .

Cass. 2e civ., 26 juin 2025, n° 23-16.183 F-B

MP : délai d'exposition au risque

Pour que la présomption d'imputabilité puisse jouer, le salarié victime doit, pour certaines maladies, respecter une durée minimale d'exposition.

Dans cette affaire, il s'agit de déterminer à quelle date s'apprécie la durée minimale d'exposition. Date de la première constatation médicale ou date de déclaration de la maladie professionnelle ?

La deuxième chambre civile estime que « c'est à la date de la déclaration de la maladie professionnelle accompagnée du certificat médical initial que doivent s'apprécier les conditions d'un tableau de maladies professionnelles, dont celle tenant à la durée d'exposition au risque prévue dans certains cas » (CSS art. L. 461-1 et L. 461-2).

Elle approuve la cour d'appel d'avoir jugé que :
- la date de première constatation médicale est importante pour apprécier les conditions tenant au délai de prise en charge, mais qu'elle est inopérante pour apprécier la durée d'exposition au risque ;
- la date de première constatation médicale n'est pas la date à laquelle la victime est informée du lien entre sa maladie et le travail, de sorte que l'exposition au risque a pu se prolonger après celle-ci.

Cass. 2e civ., 26 juin 2025, n° 23-15.112 F-B

Tarification AT/MP

Lorsque la victime d'une maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie, les dépenses engagées par la CPAM sont inscrites à un compte spécial (Arr. 16 oct. 1995, NOR : SANS9502261A, art. 2 : JO, 17 oct.).

La pluralité d'entreprises suppose-t-elle la pluralité d'employeurs ?

C'est à cette question que répond l'arrêt du 27mars 2025. 

Dans cette affaire, une salariée est embauchée en tant qu'agent de propreté dans une entreprise de nettoyage industriel. Elle intervenait dans trois entreprises clientes. L'employeur demandait l'inscription au compte spécial des dépenses des 3 maladies professionnelles dont elle est atteinte.

La Cour de cassation refuse cette inscription. Pour elle, la salariée n'a qu'un seul employeur et l'inscription au compte spécial suppose une pluralité d'employeurs.

 Cass. 2e civ., 27 mars 2025, n° 24-17.711 F-D

Virginie GUILLEMAIN
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