Avocats et ChatGPT : faire connaître les règles pour libérer les usages

Avocats et ChatGPT : faire connaître les règles pour libérer les usages

05.10.2023

Gestion d'entreprise

En cabinet, les avocats font preuve de la plus grande prudence quant à l’utilisation de ChatGPT. Néanmoins, l’évolution des pratiques est en marche, en témoignent les nouveaux usages des étudiants en droit, qui obligent les facultés à revoir leurs modalités d’enseignement. Alors jusqu’à quel point les avocats peuvent-ils recourir à ChatGPT tout en restant conformes aux obligations qui sont les leurs ?

« Traditionnellement, la profession peut être plus lente que d’autres à se saisir des outils numériques, alors avant une utilisation assumée de ChatGPT dans tous les cabinets d’avocats, un pas de géant reste à franchir. Certaines structures se sont déjà saisies du sujet mais sans que leur nombre soit significatif », annonce Guillaume Jagerschmidt, avocat en droit des nouvelles technologies. Il faut dire qu’à un certain retard dans les usages se conjuguent de réelles réticences sur l’intelligence artificielle. A raison d’ailleurs, si l’usage de l’IA n’est pas parfaitement maîtrisé, complète Zacharie Laïk. Avocat au barreau de New York, il a créé la legaltech GoodLegal, incubée à la Station F. Cet outil d’intelligence artificielle spécialisé dans les tâches juridiques s’adresse notamment aux étudiants en droit. « Les avocats craignent de commettre une erreur, qui pourrait ne se révéler que des années plus tard. Or ChatGPT, aujourd’hui, rédige des textes sans faire état de ses sources, peut créer des ‘hallucinations’, c’est-à-dire des faits qui n’existent pas, ou intervertir des mots, comme ou/et, dispose/stipule ». Et ce n’est pas le seul risque, alertent les deux spécialistes. Un nouveau type de cybermenace lié à l’intelligence artificielle pourrait émerger. Il consiste à insérer dans des contenus proposés sur le web du code malveillant. Ce contenu copié et collé dans une fenêtre de dialogue de ChatGPT pourrait le conduire à obéir à des commandes de pillage de données. « Le risque existe surtout si la personne utilise une interface avec ChatGPT directement installée sur l’ordinateur, comme Open Interpreter », alerte Zacharie Laïk.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Pour une utilisation raisonnée de ChatGPT

Cet état de fait en tête, pas question pour autant de se priver de ce que ChatGPT peut apporter dans le travail quotidien d’un avocat. « Certains l’utilisent, sans pour autant toujours le reconnaître, s’amuse Guillaume Jagerschmidt. Le vrai défi est de parvenir à faire de la pédagogie pour en développer une utilisation sécurisée. » Lui-même a recours à ChatGPT pour chercher des informations basiques sur une matière du droit qu’il ne maîtrise pas – informations qu’il vérifie ensuite - , pour des tâches de rédaction d’articles, ainsi que pour de la traduction. « ChatGPT permet de traduire des textes en anglais tout en proposant plusieurs formulations, plusieurs styles, à condition d’anonymiser les données qu’on lui transmet. ». Car le dernier enjeu de ChatGPT est bien celui de la confidentialité. Quel que soit l’outil utilisé sur le net, il est essentiel d’anonymiser les données intégrées, rappellent les deux avocats. 

Cette pédagogie face à une technologie qui progresse très rapidement pose question dès les études de droit. Submergées par le recours des étudiants à ChatGPT, les universités et écoles commencent à revoir leur politique d’enseignement. Zacharie Laïk est chargé d’enseignement à la faculté de droit de l’Université Catholique, et explique que la faculté mène une réflexion sur la manière d’intégrer l’intelligence artificielle dans la formation des juristes. « Nous allons également développer de la formation pour les enseignants. D’autant que les outils comme Zero GPT, supposés signaler si un texte a été écrit par ChatGPT, sont désormais inefficaces, tant l’IA parvient à copier le langage humain. »      Certains professeurs de la faculté de Droit Paris Cité (ex-Paris Descartes), où Guillaume Jagerschmidt est chargé d’enseignement en droit des obligations, ont pris le parti de ne plus demander de production écrite à leurs élèves, sauf pendant les examens. En TD, l’oral prime.

Faire monter les exigences et les compétences des juristes 

« Je vois cette irruption de l’intelligence artificielle comme une opportunité de faire monter les exigences et les compétences des juristes », analyse Zacharie Laïk. Sa plateforme propose aux étudiants des fiches d’arrêts, des résumés de cours et même de discuter avec ses cours. « Ce qui va être demandé aux étudiants à l’avenir, c’est de commenter les arrêts, de s’interroger sur les décisions. Les exercices répétitifs et la recherche d’informations ont vocation à être traités par l’intelligence artificielle. » Et ce d’autant plus, estime-t-il, que de plus en plus de solutions d’IA sont open source et peuvent être installées en local. Concrètement, cela signifie qu’elles ne sont pas reliées à internet et que les avocats peuvent y effectuer leurs recherches et lancer des tâches sans craindre de fuites de données. « Tout avance à une vitesse telle que des solutions pour une utilisation sécurisée de l’IA par les avocats apparaîtront » conclut, confiant, Zacharie Laïk.

Ingrid Labuzan
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